CHAPITRE 1
LA LUTTE CONTRE L'EVASION FISCALE SUR LE
PLAN NATIONAL
181. L'article 17 de la Constitution énonce « tous
supportent en fonction de leurs facultés contributives, les charges
publiques, que seule la loi peut, dans les formes prévues par la
présente constitution, créer et répartir ».
Le législateur marocain considère la question de
la lutte contre fraude et l'évasion fiscale, un enjeu majeur et
nécessaire pour respecter le principe de la justice fiscale.
182. La vérité est que l'évasion fiscale
viole deux principes de base, le premier principe énoncé à
l'article 39 de la Constitution (de principe de la contribution aux frais
publics), tandis que le second est le principe d'une concurrence loyale entre
les sociétés.
On constate alors que l'évasion fiscale est le reflet du
déséquilibre subi par le système fiscal marocain.
SECTION 1 - LES MOYENS LEGISLATIFS ET INSTITUTIONNELS
DE LUTTE CONTRE
L'EVASION FISCALE
183. La légitimation des mesures préventives
dans la lutte contre la fraude fiscale, repose sur un principe essentiel :
« Inciter plutôt qu'obliger, dissuader plutôt qu'interdire
» (Collet, 2009)1.
Paragraphe 1-Les dispositifs législatifs
184. C'est dans un contexte de crise des finances publiques
que le Maroc a connu sa principale réforme fiscale. C'est une loi cadre,
promulguée en 1984, qui a fixé le cadre général de
cette réforme. Celle-ci s'est déployée progressivement sur
plusieurs années et s'est traduite par l'introduction des principaux
impôts actuels2.
1RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi, op.cit., p.354
2Meryem CHIADMI, Mohamed KARIM et Meriem OBADA, ibid.,
p.3
67
A.- Garantie de la justice et de l'équité
fiscale
185. Au Maroc, le système fiscal a connu plusieurs
refontes à partir de 1985 dans le cadre du plan d'ajustement structurel.
Cependant, malgré ces « réformes », le système
fiscal a montré des limites notamment en matière de transparence,
de cohérence, d'équité et de gouvernance1.
186. Le sentiment d'injustice fiscale existe encore au Maroc,
surtout quand on voit l'état des réalisations des projets
financés par la participation des contribuables2.
1. Notion de la justice fiscale
187. Il n'est pas de société moderne qui puisse
être et se penser solidaire sans que ceux qui la composent ne soient
convaincus que la justice et 1'égalité constituent des
réalités effectives, et au premier chef la justice et
1'égalité fiscales. En même temps, la justice fiscale
représente un enjeu essentiel particulièrement difficile à
résoudre si on ne la rapporte pas à une philosophie et à
une éthique générale3.
La justice ne s'identifie plus dans ce cas à une
égalité directe entre individus mais à une
égalité de rapports entre ce qui est apporté et
retiré par chacun du produit de 1'effort de tous4.
188. Michel Bouvier relève que la justice fiscale est
: « une notion volatile et quelque peu insaisissable, car variant dans le
temps et dans l'espace. Elle dépend en effet des formes, des fonctions
et des sens qui sont attribués à l'impôt à un moment
donné et dans un lieu donné. La notion de justice fiscale et
c'est la difficulté ne peut être rapportée à un
référent objectif. Le problème de fond est qu'il n'existe
pas de «commune mesure» permettant d'être assuré sur la
pertinence de sa définition. D'un autre côté, c'est bien
souvent contre l'injustice fiscale que se dressent ou se sont dressés,
à tort ou à raison, des individus ou des groupes. Et c'est
d'autre part au nom de la justice fiscale qu'a été
proclamé le principe de l'égalité devant l'impôt et
celui de l'universalité du prélèvement fiscal
[...]5 ».
1Mémorandum : Justice fiscale au Maroc, Espace
associatif, p.1
2RGUIG Mohammed et GUEMMI Faouzi, ibid., p.354
3Michel BOUVIER, ibid., p.299
4 ibid., p.299
5Article, Réflexions sur la notion de justice
fiscale ,François Bonneville Dans Gestion et Finances
Publiques GFP N° 3- Mai-Juin 2017, pages 62,
https://www.cairn.info/revue-gestion-et-finances-
publiques-2017-3-page-61.htm?contenu=article
68
189.
L'évasion fiscale entraîne une violation du
principe de justice sociale représenté par le fait de supporter
le fardeau de l'impôt sans les autres, ce qui crée une
inégalité entre les groupes imposables et ceux qui disposent de
ressources diverses et importantes pour des revenus différents, et
l'administration fiscale ne dispose pas d'informations correctes à ce
sujet et autorise cette dernière bien sûr Évasion fiscale,
et cela conduit à dire que les textes d'injonction sont correctement
activés et obligent à reconsidérer les sanctions fiscales
qui reposent sur l'aspect financier de la dissuasion, et c'est une question qui
n'inquiète pas certains hommes d'affaires qui chevauchent toujours des
méthodes de manoeuvre, et pour que le législateur marocain ne
soit pas décrit comme tolérant les fraudeurs on voit une
coïncidence de la tendance à imposer un impôt sur la fortune
pour que la richesse ne soit pas concentrée entre les mains de
quelques-uns1.
2. Notion de l'équité fiscale
190. L'équité, c'est plutôt une "juste
mesure", un équilibre, qui permet de rendre acceptable une forme
d'inégalité lorsque l'égalité ne serait pas
acceptable. On ne peut faire cette affirmation que si l'on accepte comme un des
objectifs de la fiscalité la redistribution de la richesse. Comme
l'écrit Eisenstein : « La taxation doit affecter la distribution
des revenus, que l'on veuille ou non ; et il est tout simplement logique de
regarder la question comme étant celle de savoir quels en sont les
effets qui sont souhaitables. » (Eisenstein, 1961, p. 26) (Notre
traduction)2.
191. L'équité en matière de
fiscalité exprime l'idée que les taxes doivent être
équitables. C'est un concept utilisé dans toutes
les analyses de politiques fiscales3. Un système fiscal
équitable et efficace doit tenir compte de :
La pondération et équilibre des taux :
« il est bien évident que pour le Trésor un
impôt à taux modéré mais effectivement
recouvré est préférable à un impôt de taux
élevé mais qui demeure théorique ». Il faut que le
taux d'imposition soit flexible compétitif et incitatif.
La personnalisation de l'impôt : «
qui est conforme à la conception moderne de la justice fiscale qui veut
que l'on tienne compte, pour le calcul de l'impôt, de la situation
économique et sociale du contribuable ».
1132.Õ
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ÚÌÑãáÇ Óä
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2Chantal SANTERRE, la problématique de la
justice fiscale : le cas du Québec, université du Québec
à Montréal, mémoire dans la maîtrise en sciences
comptables, Avril 2010, p.20
3Analyse genre de la politique fiscale au
Maroc, Cas de l'impôt sur le Revenu, Hind JALAL,
Préface de Nouzha SKALLI, Avant-propos de Pierre BELTRAME, p.97
69
Impôt progressif : « le principe
de la progressivité est consacré par la plupart des
systèmes fiscaux contemporains ». Cette progressivité de
l'impôt conduit, dans un souci de justice et d'équité,
à imposer plus lourdement les tranches relativement
élevées du revenu ou du capital1.
192. Mohamed Benchaâboun, à l'issue des travaux
réalisés et des débats des assises, le Ministre a
annoncé 10 principes qui devraient être inclus dans les
réformes à venir. Parmi ces principes, nous trouvons : Garantir
la neutralité totale de la TVA, Augmenter le taux marginal des
activités économiques protégées
,Réaménager progressivement la cotisation minimale d'impôt
sur les société (IS) pour aboutir à son abandon à
l'horizon 2024,Réaménager de manière optimale les taux et
les tranches du barème de l'impôt sur les revenus (IR) pour
soutenir le pouvoir d'achat des faibles revenus et des classes moyennes,
Renforcer les droits des contribuables dans un souci d'équilibre entre
les droits et les obligations, Consolider les efforts de modernisation de
l'administration fiscale par le parachèvement de la
dématérialisation et la promotion des valeurs d'éthique et
de transparence..
193. Il convient de noter que la notion d'équité
ou de justice est normative, fondée sur des valeurs, et son
interprétation diffère selon les individus, les pays, des
cultures et le temps2. On espère que les nouvelles
procédures fiscales, fondées sur ces principes, permettront de
mieux répartir l'effort fiscal entre les contribuables et de
remédier à ces inégalités fiscales.
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