Le contrat de partenariat en droit positif camerounaispar Cédric Prosper EYEBE NANGA Université de Yaoundé 2 - Diplôme des Études Approfondies 2010 |
SECTION II : LE CONTENTIEUXEXCEPTIONNEL DU JUGE ADMINISTRATIFL'embastillement des litiges des contrats de partenariat dans leur opérationnalité à l'arbitrage juridictionnel, pourvu par les influences du traité OHADA, est parvenu, à l'évidence, à effriter considérablement la sphère contentieuse où se déploie traditionnellement la judicature du juge administratif. En effet, c'est au juge administratif qu'appartient la compétence de statuer sur la forme et sur le fond des contestations contentieuses impliquant les contrats administratifs. La fonction de judicature signifie donc, qu'il exerce une activité qui, consiste à dire le droit en contestation ; à peser les droits diversement prétendus et consacrer le droit légalement défini. Peut-être que le caractère effrité de son office semble se conforter in globo dans le méandre de « l'implicite privé »142(*)disposé davantage dans la reforme textuelle de la juridiction administrative de 2006 au Cameroun143(*). Car il ressort in extenso que : « le contentieux administratif comprend les litiges contractuels ( à l'exception de ceux conclus même implicitement sous l'empire du droit privé) ou les concessions de service public... » En l'occurrence le conflit positif144(*)qui se postule à cette occasion alerte le juge judiciaire ducontrat de décliner sa compétence lorsqu'il est en face d'un contrat non soumis selon les règles de droit privé à son détriment, au profit de la compétence du juge administratif. Tout compte fait, l'examen des recours contentieux dans l'envergure de la solde du litige des parties à un contrat de partenariat, offre un bastion exceptionnel au juge administratif via sa réglementation ; parce que engloutie par l'office du juge de l'arbitrage. Bien que cette exceptionnalité se confine dans le bastion explicite de la matière de la résiliation (paragraphe I) ; il n'en demeure pas moins que l'on ne saurait ignorer, voire nier le caractère d'ordre public qui se révèle être dans la compétence générale implicite exercée par ce dernier dans la sphère des contrats administratifs (paragraphe II). PARAGRAPHE I : LE CONTENTIEUX EXPLICITE DANS LA MATIERE DELA RESILIATIONLe bastion litigieux explicite qui sied au contrat de partenariat est entrepris par l'exégèse du dispositif réglementaire de l'article 39. En l'occurrence « le contrat de partenariat peut être résilié par le juge compétent, à la demande du cocontractant de la personne publique ».Si le caractère apparent relative à la circonstance de la résiliation ne semble a priori poser de problème, il se dégage une ambigüité exégétique, qui venant dépeindre cette articulation amène à rechercher la compétence du juge contrat(A), dont dépendra l'office de son intervention dans le prononcé de ladite résiliation à la demande du cocontractant de la personne publique(B). A- LA DETERMINATION DE LA COMPETENCE PRETORIENNE DU JUGE DE LA RESILIATION La résiliation entreprise dans le cadre des contrats administratifs, traduit l'extinction prématurée du contrat des faits généralement admis aux conventions :lenon respect des clauses contrat soit dans ou alors dans son exécution soit à sa réalisation ou de son effectivité. Elle revêt différentes dénominations selon les :la résiliation conventionnelle; la résiliation de plein droit ; la résiliation administrative et la résiliation juridictionnelle c'est-à-dire celle qui est prononcée par le juge du contrat. Ainsi traitant du chapitre du contentieux et des sanctions relatifs aux contrats de partenariat, le texte réglementaire a consacré la résiliation juridictionnelle dont le recours contentieux est porté en la personne du cocontractant de la personne publique. Or les circonstances devant conduire à une telle résiliation juridictionnelle ont été entreprises aux prises de l'indétermination du « juge compétent ». La notion de compétence affirme une sagacité indéniable dans la mesure où elle constitue une mesure d'ordre public145(*) pouvant ainsi mettre en brèche l'action des requérants à l'issu du satisfecit de leurs réclamations. La détermination du juge compétent qui est dès lors envisagé dans le cadre du contrat de partenariat, apparait nécessaire voire indispensable quant à la connaissance du juge du contrat. S'agit-il du juge judiciaire ou du juge administratif ? compétent pour prononcer une telle résiliation. Le doute peut être dissipé et éclairé le choix du juge du contrat selon que l'on adopte un raisonnement déductif consistant à appliquer le principe juridique de la compétence et de fond (1) pour se rendre compte qu'il s'agit en réalité du juge administratif (2). 1- L'application du principe de la compétence et de fond Tirant son origine de l'adage selon lequel : « la compétence suit le fond » le principe de la compétence et de fond permet que l'on puisse déduire la compétence d'un ordre de juridiction du caractère des règles applicables146(*). Ce principe est aux confins même de la bataille juridique qui est éprouvé dans le dualisme juridictionnel, répartissant l'ordre de la juridiction administrative et l'ordre judiciaire. Ainsi interpellé dans le régime des contrats de partenariat ; contrat qui nous l'avons appréhendé- comme un contrat administratif au regard de l'obéissance des règles spécifiques s'attachant au critère organique( par le partenariat public-public et du partenariat public-privé) ;et du critère matériel alternatif (le projet d'investissement concourant à la mission de service public et les stipulations contractuelles ).Ce principe général de droit, relève donc la compétence de la juridiction administrative ou mieux du juge administratif, fondé pour statuer sur le fond de litiges contractuels tendant à la résiliation du contrat de partenariat. L'attraction prétorienne de la judicature du juge administratif est simplement établie du fait qu'il lui reviendra, l'exercice du pouvoir de statuer préalablement sur la qualification juridique du contrat avant d'entamer la pleine juridiction des recours contentieux relative à l'objet de la résiliation du cocontractant. Toute qualification préalable qui se positionne à la frontière de la théorie des questions préjudicielles devant le juge judiciaire. A l'analyse scientifique de laporté général de ce principe, le juge administratif admet sa propre compétence pour statuer exceptionnellement sur le recours en résiliation des cocontractants de la personne publique contractante des contrats de partenariat, intimement à l'exégèse du texte réglementaire. 2- Le juge administratif-juge compétent de la résiliation Il survient du syllogisme juridique , que si les développements précédents des chapitres I et II de la première partie ont révélé le caractère administratif du contrat de partenariat, il suit de la logique du principe de la compétence et de fond que l'indétermination apparente du juge compétent pour prononcer une telle résiliation a permis de faire un coup deux pierres. Primo, parce qu'il fixe le statut juridique du juge administratif comme juge du contrat, et deuxio, parce qu'il le désigne à cette occasion pour la résiliation juridictionnelle. Une telle appréciation, parait suffisamment justifiable et compatible avec la théorie des blocs de compétence ; qui selon sa défenderesse147(*) poursuit l'objectif de faciliter la tâche du juge et du plaideur dans la détermination du juge compétent. B- LA RESILIATION DU CONTRAT A LA DEMANDE DU CO-CONTRACTANT Bien que la majorité de la doctrine publiciste et même civiliste 148(*)considère que la question de la résiliation unilatérale dans le droit des contrats administratifs constitue le domaine réservé « d'une fonction régalienne de l'administration contractante »149(*) pourvue pour les motifs d'intérêt général du service public, il ressort toutefois que celle-ci ne saurait conserver l'exclusivité globale au détriment de la solde du damnumemergens ou pertes immédiates voire du lucrumcessans qui implique la perte des bénéfices qu'aurait dû procurer l'exécution normale de la personne cocontractante du fait du prince. La réserve émise par le texte réglementaire de 2008 tenant à ce que le contrat de partenariat peut être résilié à la demande du cocontractant de la personne publique constitue une garantie supplémentaire du juge administratif à l'initiative d'entreprendre la recevabilité des recours contentieux des titulaires cocontractants du projet d' investissement pour remédier la perte des gains financiers eu égard à la durabilité à long terme de l'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenus. En outre elle constituera à l'égard du juge administratif, l'occasion d'interpréter sur le niveau de responsabilité du partage des risques entre les tiers cocontractants et la partenaire public. D'ailleurs, la problématique de la résiliation se trouve au creuset de la théorie des considérations d'opportunité du pouvoir du juge d'annuler le contrat. Il apparait toutefois, que cet état de chose ne permet pas de dégager un meilleur quadrillage de sécurité juridictionnelle favorable aux investisseurs privés étrangers ; qui préféreront à l'occasion, d'orienter les recours en résiliation du contrat, devant la juridiction d'arbitrage plutôt que devant le juge étatique. Cependant, les hypothèses des motifs pour les lesquelles une telle résiliation juridictionnelle saura se fonder, laissent dans la perspective un terreau largement fertile au pouvoir d'appréciation du juge administratif d'enraciner des motifs solides pou justifier cette résiliation. Dans un élan de systématisation, le juge pourra résilier le contrat, soit pour sanctionner les manquements de la personne publique à ses obligations contractuelles, lorsqu'ils présentent par exemple un caractère suffisant de gravité150(*) assortit le cas échéant d'indemnités au profit du cocontractant. La prononciation de la résiliation pourra également être motivée par des faits de force majeure, celle-ci devra donc se manifester quant à l'exécution du contrat à un bouleversement économique définitif tel ressortit de la jurisprudence dans l'arrêt des « Tramways de Cherbourg ». Enfin le pouvoir d'appréciation du juge administratif de prononcer la résiliation pourra également intervenir lorsque, de manière générale, le fait des pouvoirs exorbitants de l'administration à l'égard du titulaire cocontractant ont eu pour effet d'entrainer un bouleversement ou un changement de l'économie du projet produisant une atteinte à la substance de l'objet du contrat initial151(*). Cependant il est à noter que cette clause attributive de compétence du juge administratif dans la matière de la résiliation, bien qu'elle soit biaisée par le privilège de juridiction des parties de recourir principalement à l'arbitrage pour la résolution des litiges, elle ne saurait néanmoins constituer une embuscade sérieuse aux attractions prétoriennes de compétences que peut se prévaloir le juge administratif de sa judicature atemporelle. Tout argument qui convient à ce que l'on évoque son bastion litigieux implicite. * 142L'implicite privé est entendu selon NKOTTO. Thomas «comme la recommandation faite au juge du contentieux administratif par le législateur de décliner sa compétence lorsqu'il apparait le contrat, objet du litige, a été conclu par une personne publique relevant de la compétence administrative sous le régime de droit privé ». * 143 Malgré une architecture nouvelle des tribunaux administratifs au Cameroun, la Loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs a repris in extenso les termes de l'article 9 de l'ordonnance de 1972, s'agissant de la formule du contentieux des contrats à l'article 2(3) (c). * 144Le conflit positif existe lorsque le but porte à retirer la connaissance des Tribunaux judiciaires une affaire qui échappe à leur compétence. * 145 La compétence étant un moyen d'ordre public, le juge saisie se voit contraint d'admettre son incompétence auquel cas elle peut être soulevée par tout tiers durant l'instance juridictionnel. * 146 Il est à noter que ce principe connait des exceptions , car il est arrivé que le juge administratif applique des règles puisées dans le Code civ.(l'exple de la théorie pour enrichissement sans cause en matière de contrat ou la responsabilité décennale des constructeurs) ; à l'inverse le juge judiciaire a parfois fait siennes les règles du droit administratif (arrêt « Giry », C.cass,23 nov. 1956) ; note de j.MORRAND-DEVILLER in cours D.A 11ed , Montchrestien 2009, p. 17. * 147 J.DUBOIS de GAUDISSON, note sous TC 24 juin1968 URSOT D.p 416. Cité par T.B. NKOTTO, thèse op cit.p 125. * 148 M et R.DRAGO, Traité de contentieux administratif, tome 1,LGDJ, pp.430-432 1984 ; P Devolvé, les nouveaux pouvoirs du juge administratif dans le contentieux des contrats, Mélanges offerts à R.Perrot, 1996, Dalloz. * 149 J-C ABA'A OYONO. La compétence de la juridiction administrative au Cameroun, thèse ; université de Nantes 1994, p.178 * 150A. De LAUBADERE op cit. p 150 . * 151 CE 5 juin 1918, Daux, p. 536 ; 23 juin 1920, Briançon, p. 626. Cité par A.de LAUBADERE in Traité théorique etpratique des contrats administratifs, Tome 3 p. 150 |
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