Le contrat de partenariat en droit positif camerounaispar Cédric Prosper EYEBE NANGA Université de Yaoundé 2 - Diplôme des Études Approfondies 2010 |
II- LES RAISONS DU CHOIX DU SUJETLa traduction des politiques publiques d'un Etat passe inéluctablement par le manifeste de l'inflation de l'activité contractuelle, qui porte la fonction d'exécution et de réalisation de prestations de service public nécessaires pour améliorer le champ des inconforts de ses citoyens. Or cette exigence a pour effet au plan pratique d'opérer pour les collectivités publiques une multitude de choix face à la réglementation requise aux différents contrats, et au plan du droit, ces choix irriguent un ensemble de règles juridiques spécifiques ou particulières qui tout en rendant compte du rattachement de ceux-ci à un régime juridique bien précis, permettent de dégager leurs caractéristiques générales ou communes et de différence ou propres promues par l'expression du droit positif vu dans son ensemble. Ainsi il sera question dans cette présente investigation d'éluder les différents aspects qui semblent s'articuler autour ou se dégage de l'appréhension du contrat de partenariat dans le sillage des contrats administratifs. A/ CADRE SCIENTIFIQUEL'étude des contrats impliquant les personnes publiques et les personnes privées dans l'exécution de prestations de simple fournitures de services matériels, qu'immatériels, de la construction de petites ouvrages publics ou encore nécessitant la réalisation des grands projets d'investissement concourant à la fatidique mission de satisfaction de l'intérêt général, occupe une place de choix dans la matière du droit administratif comme celle de son contentieux. En clair en dehors de l'acte administratif unilatéral qui domine la quasi-totalité de la vie juridique du droit administratif, le contrat ou l'acte bilatéral constitue le principal instrument juridique sinon le dernier rempart dont recoure une administration publique pour pallier aux besoins des services. Ainsi il y'a lieu de constater que l'administration recoure souvent à toute une panoplie de contrats qui peuvent, le cas échéant être soumis au droit privé interpellant de ce fait l'office du juge judiciaire ; de même elle recoure la plupart du temps aux contrats soumis à des règles spécifiques et particulières de droit public dont la connaissance du contentieux appartient au juge administratif. C'est donc en fonction de la détermination de la qualité des personnes contractantes, de l'objet ou du caractère exorbitant des clauses contractuelles que la compétence duale de ces juges est mieux déclarée.In fine c'est toujours la puissance législatrice qui détermine la clause attributive de la compétence du juge du contrat. Ainsi la diversité des contrats de l'administration peut- être dès lors classifiée, suivant qu'ils n'instaurent pas de délégation de service public ou suivant que l'on retrouve certains contrats dont leur appréhension porte l'intérêt de l'institution de cette délégation de service public. En ce qui concerne les contrats n'emportant de délégation de service public, on retrouve le marché public dont l'objet de sa définition, inclue dans le code des marchés publics camerounais, donne le sens d'un « Contrat écrit, passé conformément aux dispositions du présent code par lequel un entrepreneur, un fournisseur, ou un prestataire de service s'engage envers l'Etat une collectivité territoriale décentralisée ou un établissement public ou une entreprise du secteur public ou parapublic, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des services ou des biens deservices moyennant un prix pendant un délai déterminé »19(*). Dans cetregistre, on retrouve les marchés dont la passation est soustraite de toute formalisme de règles de publicité, de transparence bref ceux exempts d'appel d'offre et ceux soumis à la réglementation de l'appel d'offres. En ce qui concerne les premiers, leur étude est entrevue sous la réglementation des marchés de gré à gré et qui sont régis par les dispositions des articles 28, 29 et 127, 128 du CMP. On retrouve ainsi : - les marchés de bons de commande dont la quantité des prestations est inférieure à cinq millions de francs CFA. - Il en est ainsi des marchés spéciaux20(*) qui comprennent essentiellement les marchés relatifs à la défense nationale, à la sécurité et aux intérêts stratégiques de l'Etat. Bien que ne répondant pas au dispositif réglementaire de l'appel d'offres ou des marchés de gré à gré, une exégèse poussée laisse penser que, si le contexte de leur passation est marqué par le caractère secret des clauses relatives aux intérêts stratégiques de l'Etat, logiquement cette justification laisse promouvoir à souhait un pouvoir discrétionnaire profitable à l'administration publique qui dès lors, en usera pour choisir discrétionnairement son cocontractant. Pour les deuxièmes, ils concernent en général: - Tous les marchés de travaux, de fournitures, de services dont le montant est au moins égal ou supérieur à cinq millions de francs CFA ( à partir des marchés de lettre-commande). - Et en particulier les marchés de prestations intellectuels21(*), dont l'élément dominant concerne les prestations n'étant pas physiquement quantifiables, recouvrent les marchés d'études, la maitrise d'oeuvre et les services d'assistance informatique. In fine , que le marché public présente une variété de contrats publics, force est reconnaitre que toute cette kyrielle de contrats font partie de l'ordre des contrats administratifs. En outre, la simplicité du marché public se résume au fait la personne privée n'exécute que sa prestation en contrepartie de la rémunération ; toute chose qui n'est pas de l'ordre des contrats impliquant la délégation de service public. La conception française définit la délégation de service public comme la dévolution contractuelle par lequel une personne morale de droit public « confie la gestion d'un service public... soit à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats d'exploitation du service »22(*). Parmi les contrats de délégation de service public, on retrouve la régie intéressée, la gérance libre, la concession ou l'affermage. - La régie intéressée concerne uniquement le procédé contractuel par lequel la gestion du service public est directement assurée sinon exclusivement par une autre personne publique délégataire du service dont sa rémunération dépend des économies réalisées. Le cas de du contrat entre l'Etat du Cameroun et la Société Générale de Surveillance (S.G.S) est illustre23(*). - La gérance se particularise par son aspect commerciale car, c'est un fonds de commerce qui, confié à la gestion d'un exploitant a pour contrepartie le versement d'un loyer24(*) - La concession quant elle, procède une gestion indirecte du service public qui peut éventuellement être assuré par une personne publique mais traditionnellement le concessionnaire est une personne privée. Mais la rémunération de cette dernière dépend exclusivement des redevances qu'elle perçoit auprès des usagers du service. On distingue ainsi dans ce sous registre: - la concession d'ouvrages publics dit encore de travaux publics, stipule le mode de réalisation d'un travail public ou de construction d'un ouvrage public par lequel le concessionnaire doit se rémunérer par l'exploitation à titre onéreux de l'ouvrage pendant une durée déterminée. Ita est des bacs ou des péages. - La concession domaniale qui est un contrat par lequel l'autorité concédante permet à une personne privée d'occuper le domaine public et éventuellement d'y exercer une activité lucrative sur une longue durée contre versement d'une redevance. C'est le cas de l'occupation du domaine public routier pour l'établissement des stations-services, restaurants, panneaux publicitaires ou le cas des concessions forestières etc... - La concession de service public est le contrat par lequel la personne privée est chargée de l'exploitation d'un service public avec un cahier de charge annexé au contrat25(*). L'exploitation est temporaire et le concessionnaire se rémunère à charge des usagers. - L'affermage quant à lui consiste à mettre sur pied une ferme qui est une relation contractuelle entre une collectivité publique et une personne privée par laquelle le fermier (l'exploitation) est chargée de gérer un service public qu'il a trouvé installé ;la personne publique reçoit en contrepartie des versements prélevés sur les ressources provenant de l'exploitation26(*). A côté de ceux-ci, la doctrine de droit public camerounais27(*) a pu identifier le contrat de ville et le contrat plan. En effet il s'agit des contrats administratifs mais dont leur vie contractuelle est envisagée dans le cadre des collectivités publiques décentralisées. Le contrat de ville entre dans le cadre des conventions qui s'établissent entre les communes et l'Etat et dont les axes de l'objet du contrat concernent l'habitat, l'urbanisme, l'action économique bref les projets de développement local visant à améliorer les infrastructures et équipements publics de la ville d'une CTD. Quant au contrat plan, il concerne les contrats conclus entre l'Etat et les régions ; la matière de leur objet est vaste, il s'agit des contrats programmatiques dont l'exécution vise la réalisation des projets d'aménagement du territoire28(*). En conséquence, l'exposé du présent thème qui porte sur le contrat de partenariat apparaitra plus translucide quant à l'évaluation des éléments de distinction ou de rapprochement qui pourra être suscités, mieux encore elle saura délimiter le champ contractuel des matières du contrat de partenariat par rapport aux autres procédés contractuels qui seront à cette occasion exploités dans cette thématique. * 19 Décret n°2004/275 du 24 septembre 2004 portant Code des Marchés Publics, Article 5, modifié par l'article 2 (a) du Décret n° 2012/074 du 8 mars 2012,portant création et fonctionnement des commissions de passation des marchés publics. * 20 Articles 30, 31 du C.M.P, ibid. * 21 Articles 45, 46, 47, 48, 49, 50 du C.M.P, ibid. * 22 Loi MURCEF du 11 déc. 2001,inspirée des critères dégagés par la jurisprudence du CE, 30 juin 1999. « SMITOM », note J-M DEVILLER, cours de droit administratif, Montchrestien, LMD, 11e éd., 2011, p. 475. * 23 T.B.NKOTTO relève dans sa thèse que, le contrat conclu entre l'Etat du Cameroun et l'entreprise suisse SGS est une régie intéressée mais à caractère international, in « Contrats de l'administration au Cameroun », précitée, pp. 66-77 * 24 CS/CA jugement n° 93 du 29 juin 1995, Etablissement MoutakaLocko c/ Etat du Cameroun. * 25 Le professeur BIAKAN Jacques illustree à ce titre trois cas : la concession de service public dans l'exploitation du réseau ferroviaire ; la convention cadre sur l'exploitation du secteur de l'électricité au cameroun ; la concession de travaux publics sur les équipements urbains et périurbains en eau potable entre l'Etat du Cameroun et la société CAMWATER, in « La délégation des services publics au Cameroun », RASP, Vol.7, 2010. * 26 RAYMUNDIE (O), Gestion déléguée des services publics en France et en Europe, Le moniteur, coll. actualités juridiques, 1995, p. 37. * 27 ABANE ENGOLO, ABA'A OYONO, R-B NGIMDO in « Le contentieux des contrats administratifs », Document pédagogique, séminaire de formation, KRIBI du 28 novembre au 1er décembre 2011, PAJ, projet 10eme FED. * 28 Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions, Article 20. |
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