Le contrat de partenariat en droit positif camerounaispar Cédric Prosper EYEBE NANGA Université de Yaoundé 2 - Diplôme des Études Approfondies 2010 |
SECTION II : LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVELe deuxième champ contractuel des contrats de partenariat, énoncé par les dispositions par l'article 2 alinéa 2 de la loi de 2006, concerne les relations de partenariat entre : « Les personnes publiques et une ou plusieurs personnes privées... » D'où il convient d'évoquer à notre sens le partenariat public-privé. En effet, le partenariat public-privé constitue aux yeux de la théorie des contrats administratifs, la traduction la plus certaine et non moins suffisante du critère organique. Car pour qu'un soit qualifié d'administratif, il faut nécessairement que l'une des parties soit une personne publique63(*) ; même s'il est désormais admis qu'un contrat peut revêtir le caractère administratif entre deux personnes privées à condition de satisfaire l'exécution de service public64(*). Ainsi donc, le partenariat public-privé qui se dégage de cette exégèse, nous amène à la démarche parallèle entreprise dans le cadre du partenariat public-public. Il nous est donc permis pour un tel partenariat, d'opérer une summadivisio du partenariat entre l'Etat et les personnes privées (paragraphe I) d'une part et le partenariat entre les collectivités publiques infra-étatiques et les personnes privées (paragraphe II) d'autre part. PARAGRAPHE I : LE CONTRAT ENTRE L'ETAT ET LES PERSONNESPRIVEESDans sa définition la plus large, le terme partenariat public-privé couvre toutes formes d'association du secteur public et du secteur privé destinées à mettre en oeuvre tout ou partie d'un service public. Dans cette variante contractuelle l'Etat , en tant que premier pourvoyeur d'investissements étrangers pour l'exécution de grands projets économiques, visant l'amélioration des services publics sur le champ des inconforts de ses citoyens, est amené à nouer des partenariats mettant comme partie cocontractante une personne privée (A) ou alors des personnes privées (B). A- L'ETAT ET LE PARTENAIRE PRIVE La conceptualisation des rapports contractuels sous le vocable de partenariatpublic-privé entre l'Etat et une entité privée est révélatrice au plan juridique, de la personnification organique des sujets de droit relatif aux fonctionnalités qu'ils exercent à l'objet du projet d'investissement de ce contrat. La personnification des sujets de droit est révélée par leur posture. Ainsi, l'Etat, collectivité publique par excellence est à l'avant-garde de l'intérêt général assuré par les missions de ses services publics. Dans le champ contractuel, elle s'illustre en personne publique marchande donc amener à établir des partenariats public- privés soit avec une partenaire privé ou alors avec plusieurs partenaires privés. Quant à la personne privée, lorsqu'elle s'investit dans le champ des contrats publics, elles'incarne le plus souvent comme le catalyseur de l'activité économique au profit qu'elle tire de la réalisation ou l'exécution des grands projets d'investissement. L'exercice des fonctionnalités des sujets de droit au contrat de partenariat révèle le procédé contractuel qui veut que l'Etatconfie à un tiers la responsabilité de tout ou partie des phases du financement, de l'exploitation ou la gestion du projet d'investissement dans le long terme65(*). Ainsi donc, la raison singulière de choix des administrations publiques d'attribuer le projet à un partenaire privé plutôt qu'à plusieurspartenaires privés, peut se justifier soit au vue de son expertise, d'une disposition technologique nécessaire à l'acquisition d'un savoir-faire ; soit alors au regard des capacités financières que ce dernier requière pour accompagner la personne publique dans l'exécution du contrat. La personne privée dont il s'agit ici, peut être une entreprise privée nationale ou une entreprise privée étrangère ou internationale. En ce qui concerne l'entreprise privée nationale camerounaise, on identifie la PME camerounaise dont la valeur ajoutée à ce partenariat est plus perceptible dans le cadre de grands projets, dans les domaines de la sous-traitance ;pour la grande entreprise , les rencontres camerounaises sur les partenariats public-privé ont fait montre de leur difficulté de mobilisation des financements locaux auprès des établissements bancaires1. Cette situation d'impécuniosité sera d'autant plus préoccupante par la réserve émise de la législation de l'incitation à l'investissement privé d'exclure dans ce sillage l'application du régime des contrats de partenariat2. Quant à l'entreprise privée étrangère plus connue sur le concept de société transnationale, elle peut être une firme privée internationale ayant une résidence locale ou à l'étranger. Tout compte fait, le partenariat ne pourra possible avec l'Etat, eu égard au respect decapacités pour soumissionner à ce contrat. En vertu de l'article 11 (1) de la loi de 2006 : « Ne peuvent soumissionner à un contrat de partenariat : - Les personnes morales dont les dirigeants ont fait l'objet, depuis moins de cinq ans, d'une condamnation définitive, pour crime ou délit ; - Les personnes morales en état de liquidation judiciaire ou admise au redressement judiciaire ou ayant fait l'objet de procédures régies par un droit étranger ; - Les personnes morales qui, au 31 décembre de l'année précédente celle en cours de laquelle a lieu le lancement de la consultation, ne sont pas acquittées de leurs obligations fiscales et sociales. (2) Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes morales qui se portent candidates ainsi qu'à celles qui sont membres d'un groupement de candidats ». Il faut ajouter à celles-ci les règles de capacités relatives à l'existence légale. Quid du partenariat de l'Etat avec plusieurs partenaires privés ? B- L'ETAT ET PLUSIEURS PARTENAIRES PRIVES Le contexte matériel des relations de partenariat qui est articulé aux projets de très grande envergure technique et financière justifie à bon escient le partenariat public-privé qui peut s'établir entre l'Etat et plusieurs partenaires privés. Car dans les domaines régaliens de l'Etat, le recours aux contrats de partenariat public-privé66(*)concerne la grande majorité des infrastructures, d'équipements publics bref la construction d'ouvrages publics de très grande ampleur dont la mobilisation des financements nécessite la mutualisation d'une pluralité de partenaires privés pour l'exécution du projet d'investissement. L'Etat est donc amener dans cette circonstance, à opérer des choix multiples de cocontractants pour la bonne mise en oeuvre du projet. Toutefois la pluralité des partenaires privés dont il s'agit ici,est reconnu au plan du droit contractuel sous le concept de groupement d'entreprise qui,peut être à cette occasion national ou international. En effet l'emploi dela technique des groupements d'entreprise comme cocontractant de l'Etat est usité dans la passation des marchés impliquant d'énormes moyens financiers. Il s'agit d'un groupement momentané de plusieurs sociétés, limité à un objet précis et dénué de la personnalité juridique. Le groupement peut être conjoint ou solidaire : il est conjoint lorsque chaque entreprise participant à la réalisation de la prestation voit sa responsabilité limitée à la part du contrat qu'elle exécute ou sous-traite, par contre ilest solidaire lorsque chacune des entreprises est engagée et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires. Pour la commodité de rapports avec l'administration contractante, le groupement désigne un mandataire encore appeléentreprise- pilote qui représente l'ensemble des entrepreneurs auprès du maitre d'ouvrage et du maitre d'oeuvre.La jurisprudence camerounaise offre un exemple de la technique des groupements d'entreprise dans l'affaire groupement d'entreprise Dragages-Satom67(*) dont il apparait nécessaire de restituer les faits. Pour résister à une demande d'indemnisation pour sujétions imprévues lors de la construction du parvis du palais de l'Unité arbitrant les services de la présidence de la République, le représentant de l'Etat soutenait à l'instance que le groupementDragages-Satom dépourvu de toute personnalité juridique, ne pouvait ester en justice. La chambre administrative dans un attendu net va réfuter l'argument de l'Etat au motif que« si la Directeur de Dragages a été reconnu par les parties au contrat comme le représentant légal des sociétés signataires en ce qui concerne ledit marché, sa capacité pour ester en justice au titre de l'exécution du même marché ne peut lui être refusée ; que de même l'Etat ayant admis la validité de la représentation au moment de la signature du marché, est mal venu à exciper devant la cour du prétendu défaut de qualité de son cocontractant en la personne du Directeur de la société Dragages ». C'est ce qui fait constater l'auteur de contrats de l'administration au Cameroun que « si donc le groupement d'entreprises peut-être titulaired'un marché, il n'acquiert pas pour autant une personnalité juridique distincte de celle des membres du groupement. Par contre il a la capacité d'ester en justice pour la défense des droits nés du contrat. La capacité du groupement est strictement limité à l'objet qui a justifié sa constitution »67(*). Cependant il convient de noter que les contrats de partenariat incitent les entreprises privés à se présenter sous la forme de consortium plus communément saisissable sous la formule de « package ».En conséquence, cette logique apparaitsuffisammentancré au contrat de partenariat et porte un intérêt juridique considérable quant la détermination du titulairecocontractant. En effet le dispositif juridico-financier qui se situe à l'évaluation préalable du projet d'investissement, met en exergue la combinaison des régimes de la cession du marché (cession partielle du contrat quant à la part de marché), de la cession de créance (quant au partenaire privé devant assumer une part de financement ou de refinancement) et la délégation en accord tripartite68(*)dans la part des responsabilités du contrat. Car en l'occurrence l'hypothèse de la cession d'une partie du contrat par le titulaire au profit du financeur par une convention qualifiée de double délégation doit pouvoir prévoir le transfert du contrat ( qui est souvent une forme d'achat public) et en retour le transfert symétrique du financeur au titulaire de l'obligation de faire, contenu dans un cahier de charges ( conséquences du partage des risques industriels et financiers). Jean Marc PEYRICAL relèvera dans une analyse que « Par cet acte, le titulaire du contrat transfère donc au financeur l'obligation de mise à disposition de l'équipement et la créance qu'il détient sur le donneur d'ordre, ainsi que l'obligation de vendre au donneur d'ordre l'équipement à l'expiration du contrat, sous réserve de l'exercice de l'option d'achat par celui-ci »69(*). C'est dire que l'hypothèse de la cession partielle au regard de la cartographie des parts du marché du contrat risque d'être source de conflits d'intérêts quant l'identification du titulaire principal du contrat de la personne publique. Bien que cette construction complexe laisse envisager que l'Etat aura comme seul interlocuteur le titulaire technique du contrat et non le financeur, quand bien même ce dernier est propriétaire de l'investissement, les conclusions de l'ordonnance de référé ayant opposé le sieur OSSONGO ETEME François contre l'Etat du Cameroun demeure assez édifiant. Toutefois si le partenariat public-privé entre l'Etat et les personnes privées semble bien mettre en lumière le critère organique du contrat administratif, il en vient que l'on envisage ce partenariat entre la CTD, les établissements publics et les personnes privées. * 63 B-R GUIMDO. D., cours polycopié de droit administratif général, 2e année de droit, FSJP, droit public interne, 2007/2008, p. 23. * 64 TC, 8 juillet 1963, « Sté Entreprise Peyrot », note J-M DEVILLER op. cit., p.466. * 65 L'exemple du contrat de partenariat signé entre l'Etat du Cameroun et Limbé Port Development Corporation (L.P.D.C) dont l'objet porte sur le financement, la construction, l'exploitation et la maintenance du Quai Multifonction au port de Limbé ( source du CARPA). * 66 Journées des Rencontres Camerounaises sur les Partenariats Publics-Privé, du 10 au 11 déc. 2009,Douala. 59CS/CA jugement n° 53/87- 88 du 31 mars 1988, Groupement d'entreprises Dragages-Satom c/ Etat du Cam. * 67 Thomas BIDJA NKOTTO, Les Contrats de l'Administration au Cameroun, thèse de droit public, Université PARIS I-PANTHEON-SORBONNE, janvier 2000, tome 1, p.188 * 68 La délégation selon l'article 1275 du Code Civil français est définit comme « L'opération par laquelle une personne (le titulaire du marché ou le délégant) donne l'ordre à une autre personne ( délégué :entité de financement ou de refinancement) de s'engager envers le délégataire ( la personne publique ou la collectivité publique) ». Ainsi dans le cadre des rapports contractuels les parties recourent souvent à la technique de la délégation pour mettre en oeuvre un accord tripartite entre le titulaire du contrat-le financeur-et la collectivité publique. * 69 J.M. PEYRICAL, « Mettre en oeuvre un contrat de partenariat » in la Gazette des communes, 4 mars 2005. |
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