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La protection spéciale de l'enfant exposé à la mendicité: etat des lieux et perspectives


par Timothée KITAMBALA
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2019
  

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B. Les défis d'ordre réglementaire

La loi de 2009 a prévu neuf arrêtés d'exécution et quatre décrets du premier ministre délibéré en conseil des ministres, parmi lesquels, il y a certains de ces arrêtés tendant à rendre effectif la protection spéciale des enfants exposés à la mendicité qui ne sont pas encore en vigueur, il s'agit de :

a. Les arrêtés ministériels et interministériels

1. L'arrêté interministériel (Ministère de la Femme, Famille et Enfant et du Ministère des Affaires Sociales) sur l'assistance de l'Etat aux parents incapables d'assurer la survie de leurs enfants (article 69). Il n'est pas encore en vigueur.

2. L'arrêté du Ministre de l'Intérieur portant organisation et fonctionnement de la Brigade spéciale de protection de l'enfant (article 77). Il n'est pas encore en vigueur

Il s'ensuit des points soulevés sur les défis d'ordre juridique que les difficultés de l'application des lois protectrices de l'enfant en RDC sont liées particulièrement au contexte de leur mise en oeuvre, c'est-à-dire : de l'ensemble des circonstances dans lesquelles elles s'appliquent et dont nous retenons essentiellement, l'insuffisance des structures d'une part et d'autre part, le peu de connaissance de la loi et de l'enfant bénéficiaire particulièrement par les acteurs de mise en oeuvre.61 Ayant dit un mot sur les défis d'ordre juridique, le paragraphe suivant aborde d'autres défis.

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§2. D'autres défis à relever

Dans ce paragraphe il est évoqué les autres défis à relever l'effectivité de la protection spéciale de l'enfant exposé à la mendicité.

A. Les défis à relever dans la prévention de la délinquance juvénile

[a « rue » est une expression neutre, purement topographique, qui part de la constatation d'une présence dans l'espace urbain. Elle permet de fonder une anthropologie descriptive élémentaire, que l'on pourra ensuite nuancer de situation en situation, de villes en ville. En gros, deux catégories se sont imposées à tous : les enfants et les jeunes DANS la rue ou DE la rue, dont on n'a plus besoin maintenant de reprendre les définitions.62

[a « prévention » consiste donc non seulement à agir au sein de chacune de ces catégories, pour en sortir les enfants (ce qui peut signifier, parfois, qu'il faut d'abord les y stabiliser), mais surtout à éviter les dérives de l'une à l'autre, de l'enfance ordinaire (la maison, l'école, l'atelier) vers les tentations de la rue, de la rue temporaire à la rue permanente, de la marginalité à l'asocialité. C'est là que s'impose la notion de niveaux d'intervention emboités, ce que les criminologues qualifient de prévention primaire, secondaire ou tertiaire : agir à la fois à chacun des niveaux et à l'articulation entre ces divers niveaux.63

1. Prévenir le glissement vers les tentations de la rue

A l'échelle la plus globale, c'est un truisme de dire qu'un développement général harmonieux résoudrait bien des problèmes : des villes heureuses dans des campagnes prospères, une scolarisation adaptée aux aptitudes de chacun et aux nécessités d'un vaste marché de l'emploi... moins d'exode rural vers les lumières de la ville, moins de déracinement culturel, moins de frustrations devant des formations inadéquates... chacun doit, à son niveau, se battre pour que cela advienne, mais - outre que la richesse ne résout pas tous les problèmes (les pays industrialisées ne sont certes pas en manque de marginalités juvéniles) - on ne peut trop escompter la réalisation d'un tel programme dans l'avenir immédiat. Jusqu'à preuve du contraire, les politiques de prévention en Afrique devront

62 MARGUERAT Y. et POITOU D., op. cit., p. 562

63 Idem, p. 562

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longtemps encore se penser dans un contexte de pauvreté, de chômage, de malnutrition, de familles incapables de subvenir aux besoins de leurs enfants, de dévalorisation du travail humain, de faiblesses des ressources publiques... les acteurs de la prévention ne devront qu'être plus acharnés à défendre les enfants à risque contre les dangers de rejet (par l'école) et d'exploitation (dans le monde du travail).

Là où la source essentielle de la fuite des enfants vers la rue se trouve dans la dislocation des familles, il doit être envisageable de mobiliser contre celle-ci les ressources de la société africaine morale des vieux...) ou les structures du pouvoir local moderne (chef de quartier, cellules politiques...), en sachant bien que la simple contrainte n'obtiendra jamais ce que l'on peut espérer de la pression d'une écoute amicale et des conseils judicieux de quelqu'un en qui l'enfant a placé sa confiance.64

2. Prévenir le dérapage vers la rue comme mode de vie permanent

Pour éviter que les enfants qui vivent dans la rue au-delà de ce que la société considère comme normal ne finissent par s'y installer pour de bon, on ne peut que tolérer que ceux que l'on ne peut remettre entièrement à la charge de leur famille y exercent leurs activités (non répréhensibles) sans trop de difficultés. Cela signifie, concrètement, repenser la place des « petits métiers » dans la ville, en particulier adapter des réglementations qui n'ont pas été conçues pour ces cas-là (patentes, droits de place, prohibitions inapplicables), qui ont pour effet de rendre encore plus précaire la position de l'enfant, de l'exposer à tous les arbitraires et donc de l'inciter à se réfugier dans la véritable illégalité. Mais permettre à l'enfant de vivre dans la rue ne doit pas le contraindre à y rester : tout statut doit être conçu comme transitoire, comme une étape vers un retour à ce que chacun considère comme une vie « normale ».65

3. Prévenir le basculement dans les institutions de contrôle

Pour éviter la chute dans la délinquance institutionnalisée, il faut , dans la mesure du possible, sortir de la rue ceux qui y ont vraiment élu domicile, ce qui est - expérience faite - en général beaucoup moins difficile qu'on ne le croit : la plupart de ces enfants (et même des plus âgés, les 18-20 ans ...) aspirer évidemment au retour à une vie conforme au modèle

64 MARGUERAT Y. et POITOU D., op. cit.,pp. 562-563

65 Idem, pp. 563-564

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qu'ils ont de la société : aller à l'école, apprendre un métier, fonder plus tard une famille et s'occuper de leurs enfants mieux qu'on ne l'a fait pour eux... rares parmi eux sont les vrais asociaux, même si leurs bonnes inventions sont entravées par des perturbations psychologiques dont leur vie de la rue est, en général, plus cause que conséquence : l'instabilité, l'agressivité, la violence, un mélange d'irresponsabilité et de cynisme, qui cachent (tantôt bien, tantôt mal) les plus grands besoins de tendresse...

Le retour réussi dans la famille reste souvent bien difficile ; avoir choisi à 8, 10, 12 ans de fuir dans la rue révèle en général des cassures difficilement réparables. Il faut donc imaginer autre chose ; par exemple des structures d'accueil pour les plus jeunes (les plus vulnérables et les plus réadaptables), des formules très souples pour les plus grands66, en sachant que l'abandon de la liberté et des habitudes de la vie de la rue se fait rarement d'un seul coup. Toute une action en « milieu ouvert » doit être menée, avec du personnel formé, motivé, outillé pour agir dans la rue auprès de plus jeunes dont on ne voit que trop quel est l'avenir prévisible ; la vraie délinquance, celle de ces « grands » qui les rackettent plus ou moins durement (avec, parfois, des raffinements de sadisme) et qui ne sont que leurs anciens, désormais enfermés dans une marginalité sans retour.67

4. Prévenir le naufrage dans la vraie criminalité

Les institutions de contrôle social pour mineurs (police, justice, centres de rééducation...) doivent tout d'abord exister concrètement. Trop d'exemples montrent la catastrophe que représente l'emprisonnement d'enfants avec les adultes ; c'est la meilleure « école du crime ». Elles doivent, cela sans dire, fonctionner de façon satisfaisante, avec les moyens matériels et humains, la continuité et les coordinations nécessaires. C'est dire qu'il a encore beaucoup à faire pour rendre tout cela adapté aux besoins et aux réalités des sociétés concernées.

Bien des législations doivent être repensées en faveur des catégories de jeunes les plus menacés et, surtout, être mises effectivement en application, dans leur lettre et plus encore dans leur esprit, qui est que la seule répression (si nécessaire soit-elle) ne saurait suffire.

66 MARGUERAT Y. et POITOU D., op. cit., p. 564

67 Idem, p. 565

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Les qualités humaines des hommes et des femmes qui s'attellent à la réhabilitation morale des enfants perdus doivent être exceptionnellement. Mais être éducateur est aussi un métier, qui doit être pérennisé par des conditions décentes de carrière et de statut (matériel et social).

A chacun de ces niveaux se retrouve un problème permanent ; l'atmosphère de mépris, voire d'hostilité, dont l'opinion publique entoure ces enfants, perçus comme un danger qui appelle une seule réponse la répression. Tant qu'il en sera ainsi, ils ne peuvent qu'être toujours plus refoulés au-delà des lisières de la société. Il faut donc impérativement s'efforcer de neutraliser cette force centrifuge, c'est-à-dire faire comprendre à l'opinion que ces enfants sont des victimes, et non des ennemis. Pour cela doivent être mobilisés tous les moyens d'information disponibles (presse, radio, télévision...) et surtout les grands canaux qui façonnent l'esprit public (partis politiques, corps enseignant, associations de parents ou de résidents.)68

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe