Le contrôle de constitutionnalité des lois et actes ayant force de lois sous l'empire de la constitution du 18 février 2006par Derrick KAMBALE MULYATA Université de Kinshasa - Graduat 2018 |
1.1.3 2.La suprématie formelle de la ConstitutionAu-delà de ce qui vient d'être dit, il y a lieu de remarquer que l'autorité formelle de la Constitution résulte, dans le cas unique des Constitutions rigides, du fait que la révision constitutionnelle ne peut être opérée que par une loi adoptée, soit par un organe spécial, soit selon une procédure spéciale. Du point de vue politique, l'on peut observer que la spécialité de la procédure de révision tient au fait que l'oeuvre à réviser est celle du souverain et, par parallélisme de forme et de compétence, il ne peut agir que selon les formes préalablement établies par lui. En effet, permettre à n'importe quel organe et selon n'importe quelle procédure de procéder à la révision constitutionnelle, c'est, à coup sûr, affaiblir et fissurer l'édifice constitutionnel et politiquement éparpiller les centres des décisions de l'Etat. Aussi, il importe de noter que le constituant étant la force politique dominante au sein de l'Etat, la violation des formes établies pour réviser la norme fondamentale indique au minimum que la force politique dominante a changé des mains ou que la norme elle-même a perdu de sa légitimité au point qu'elle peut être foulée au pied dans l'indifférence totale des gouvernés. Puisque le contrôle par l'opinion a démontré ses limites dans l'histoire, il est fort utile de confier cette mission à un corps infime des citoyens qualifiés chargés de suivre à la place de la nation la conformité des actes de gouvernants à la normefondamentale. La justification de la suprématie tant matérielle que formelle se retrouve dans la garantie juridictionnelle. En effet,il est acquis que la séparation des pouvoirs est l'un des fondements de la démocratie constitutionnelle. Cependant, pour éviter le piège du formalisme qui réduirait le prescrit constitutionnel à un simple costume à la taille des gouvernants, il s'est posé la question essentielle de la garantie de la protection de la Constitution.27(*) 1.1.4 §2. La protection de la ConstitutionLa protection de la Constitution peut être non juridictionnelle ou juridictionnelle, en ce qu'elle est à la fois l'oeuvre du juge ou d'autres acteurs 1.1.5 1.La protection non juridictionnelleIl ne suffit pas d'affirmer la primauté de la Constitution, encore faut-il garantir la protection de cette Constitution. Ainsi, le Constituant a voulu responsabiliser le Chef de l'Etat en tant que Représentant de la Nation et les citoyens afin de veiller au respect de la Constitution. Le contrôle de la constitutionnalité par un organe politique tire son fondement du fait que, même si son objet porte sur un texte juridique, l'exercice produit, néanmoins, des effets politiques. Il est, dès lors, logique qu'un organe politique soit compétent pour ce faire. A l'actif de son contrôle, on avance également le fait que l'organe politique semble le mieux indiqué pour juger de l'opportunité du maintien ou non de la loi mise en cause. Une telle solution aurait l'avantage d'éviter de mêler le juge dans un domaine qui lui est, a priori, interdit, à savoir son ingérence éventuelle dans la politique28(*). Exercé par un organe politique avant le vote de la loi, ce contrôle jouerait, ensuite, un rôle préventif. Il est, en effet, préférable d'empêcher le vote d'une loi inconstitutionnelle que d'attendre sa promulgation pour procéder, après, à sa censure. Le contrôle politique est, enfin, préféré au contrôle juridictionnel pour éviter le transfert du pouvoir politique entre les mains des magistrats qui pourront être tentés d'instaurer « un gouvernement des juges »29(*). Dans les pays où il a existé, ce type de contrôle peut être saisi de deux manières. D'une part, l'organe de contrôle est saisi par le gouvernement ou le parlement. Dans cette hypothèse, il est à craindre que les motivations politiques de la requête l'emportent sur la nécessité de respecter la légalité constitutionnelle. La saisine peut, d'autre part, s'effectuer de manière automatique par l'autorité chargée de contrôle. Une telle procédure court le risque d'en faire, aux yeux de l'opinion, juge et partie combinant ainsi dans le chef du même organe l'exercice des attributions législatives et celles de l'organe de contrôle. En plus, à cause de la partialité qui entraînerait le mode de recrutement de ses membres, de sa composition et de la procédure de sa saisine, le contrôle de la constitutionnalité par un organe politique a été, globalement, décevant dans la pratique30(*). L'article 69 de la Constitution, dans son paragraphe premier, dispose que le Président de la République est le Chef de l'Etat. Au-delà de sa qualité de garant de la Constitution, l'article 69, en son alinéa 3, a donné au Chef de l'Etat le rôle d'arbitrage pour permettre le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, des institutions ainsi que pour permettre la continuité de l'Etat (protection politique de la Constitution). La doctrine a déjà établi la faiblesse de la protection politique, bien qu'elle soit l'une des formes de protection de la Constitution. Jean Gicquel pense en effet que « symbole de l'Etat, la Constitution mérite aide et protection car, à défaut, elle serait une oeuvre morte ».31(*) OEuvre d'autres acteurs, la protection non juridictionnelle est assurée aussi bien parles acteurs institutionnels que par les citoyens. Le peuple a été régulièrement sollicité dans l'élaboration, l'adoption et, au besoin, le contrôle de l'application et ou de l'interprétation des textes constitutionnels depuis la disparitionde la guerre froide 32(*). Pris pour régenter la vie sociale et politique, les actes des pouvoirs publics intéressent au plus haut point le peuple qui, par l'opinion publique interposée, arrive souvent à s'assurer de leur conformité à la Constitution et à les censurer éventuellement. Ce droit de regard du peuple sur les actes des pouvoirs publics constitue, en régime démocratique, une véritable arme en faveur de la constitutionnalité des agissements des gouvernants. La sanction qui en résulte peut-être immédiate (contestation du régime par les manifestations de rues) ou lointaine au moment des nouvelles élections (les électeurs pourraient être amenés à refuser de renouveler leur confiance aux dirigeants qui, à leurs yeux, sont, notoirement, connus comme violateurs de la Constitution)33(*). Dans les jeunes démocraties (d'Afrique, d'Amérique ou d'Asie) où la culture politique fait, généralement, défaut, la formation de l'opinion publique aux valeurs démocratiques paraît faible autant que l'intolérance politique semble bien se comporter. Les modalités pratiques de ce type de contrôle sont donc difficiles à réaliser. Certaines Constitutions africaines (Bénin, République Démocratique du Congo) autorisent, toutefois, aux citoyens de combattre par tous les moyens et de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui exerce ou se maintient au pouvoir en violation des textes constitutionnels en vigueur. Elles constitutionnalisent ainsi le droit à la désobéissance civile34(*). * 27GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op cit, p. 172 * 28ESAMBO KANGASHE (J-L.), Le Droit constitutionnel, Academia Bruylant, Louvain-la-Neuve, 2010 p. 87 * 29ESAMBO KANGASHE (J-L.), Le Droit constitutionnel, Op Cit p. 87 * 30ESAMBO KANGASHE (J-L.), Le Droit constitutionnel, Op Cit. 88 * 31 GICQUEL (j.), op cit p. 180 * 32ESAMBO KANGASHE (J-L), Le Droit constitutionnel, Op Cit. 88 * 33ESAMBO KANGASHE (J-L), Le Droit constitutionnel, Op Cit. 89 * 34Idem |
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