Le contrôle de constitutionnalité des lois et actes ayant force de lois sous l'empire de la constitution du 18 février 2006par Derrick KAMBALE MULYATA Université de Kinshasa - Graduat 2018 |
2.1.3 2. L'appréciationD'entre les nonante-deux articles qui constituent la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, aucune disposition ne règlemente la prise à partie comme régime disciplinaire des magistrats. C'est ce qui a justement motivé l'adoption d'une nouvelle loi qui complète et modifie la loi de 2006. Cette modification tient exactement à la révision de l'article 61 tel qu'énoncé dans la loi de 2006. Dans cette entreprise de modification et de complément de la loi de 2006, il faut citer les deux moutures de la nouvelle loi. L'écriture de la première mouture a substantiellement été contraire à la constitution telle que modifiée par la loi n°11 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006. Exerçant sa compétence telle qu'énoncé à l'article 124 et en vertu du principe de la continuité des services, la Cour Suprême de Justice a déclaré non conforme à la Constitution la première reformulation de l'article 61 de la loi-organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats qui interdisait l'exercice des fonctions par le magistrat pris à partie.53(*) Saisie par une requête du Président de la République, la Cour constitutionnelle déclare conforme à la Constitution la formulation de la deuxième mouture du projet de la loi modifiant et complétant la loi de 2006. De cette évidence, il sied de souligner que cette décision de la Cour constitutionnelle pèche formellement. Cette remarque tient sur la présentation de la requête du Président de la République. En effet les textes juridiques relatifs à la Cour constitutionnelle n'évoquent rien sur les mentions de la qualité du destinataire de ladite requête. Dans cette requête, le Président de la République s'adresse à la Cour constitutionnelle en vue de solliciter une décision sanctionnant la conformité de la loi-organique à la Constitution avant la promulgation. S'agissant d'une requête, on sait bien que ces sont les juges à la Cour constitutionnelle qui sont concernés. Mais le fait que le Président s'adresse en même temps au président de la Cour et aux juges membres de celle-ci soulève quelques problèmes de droit. Il se déduit que le Président de la République s'adresse aussi à tous les juges de la Cour, chacun pris individuellement, alors que celle-ci est représenté par son Président. La Cour constitutionnelle, au-delà du fait d'être une institution judiciaire, fonctionne comme toute une administration. Elle est chapeautée par un Président qui est à la fois une autorité administrative et juge comme les huit autres. La requête motivée du Président de la République devrait s'adresser au Président de la Cour constitutionnelle qui, à en croire l'article 38 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour, est chargé de l'administration de la Cour. Quant aux motivations justifiant le non-respect du délai de la saisine. Elle motive ce retard par le fait qu'elle devrait attendre la publication au Journal officiel de son Règlement Intérieur. Chose étonnante, la Cour constitutionnelle ne pouvait pas se prétendre saisie de cette requête tant que le texte prescrivant son fonctionnement n'existait pas. La Cour s'arrêterait en se déclarant non-saisie par la requête du Président de la République. L'arrêt du 1er mars 2015 rendu par la Cour Suprême de Justice siégeant en matière constitutionnellerenseigne que les alinéas 5 et 6 de l'article 61 de la loi modifiant et complétant la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats sont contraires à la Constitution de la République Démocratique du Congo au motif qu'ils prévoyaient l'interdiction d'exercer ses fonctions pour tout magistrat faisant objet de procédure de prise à partie, avant d'avoir présenté ses moyens de défense. En effet, Il sied de souligner que c'était là déjà sous l'empire de la Cour constitutionnelle. Ainsi, dans son Arrêt R.Const.005/TSR du 27 août 2007, la CSJ tire, pour ce faire, appui des articles 222, alinéa 1, et 223 de la Constitution, qui prévoient respectivement que « Les institutions politiques de la transition restent en fonction jusqu'à l'installation effective des institutions correspondantes prévues par la présente Constitution de la transition » et « En attendant de l'installation de la Cour constitutionnelle, du Conseil d'Eta et de la Cour de cassation, la Cour Suprême de Justice exerce les attributions leur dévolues par la présente Constitution » L'inconstitutionnelle déclarée de ces dispositions a été fondée premièrement sur l'article 17 de la Constitution qui consacrer la présomption d'innocence. En effet, l'alinéa 8 de cet article dispose que « Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif ». Deuxièmement, cette énonciation de l'article 61 du statut des magistrats telle qu'illustrée par cette loi sape également l'indépendance de la magistrature consacrée par la Constitution qui, en son article 149 alinéa 1, dispose que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». L'indépendance de la magistrature est garantie par l'Etat et énoncée dans la Constitution ou la législation nationale. Donc, tout acte du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif qui enfreint l'administration de la justice en République Démocratique du Congo doit être considéré comme violant l'indépendance du pouvoir judiciaire. En tout état de cause, la Cour s'est déclarée saisie pour dire le projet de loi lui soumis conforme à la Constitution. Là-dessus, la Cour a eu raison d'approuver les aménagements prenant en compte l'indépendance des magistrats face à un risque d'instabilité intempestive pour les magistrats que représenterait la prise à partie et la présomption d'innocence omettant la disposition qui interdisait tout magistrat pris à partie d'exercer ses fonctions. C'est là un aménagement de taille fait par le législateur organique pour se conformer à la volonté du juge constitutionnel exprimé à l'occasion de l'arrêt du 10 juin 2015 * 53CC, 10 juin 2015, Arrêt R. Const. 0014, inédit |
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