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L'etat-actionnaire dans une société issue de l'OHADA. Cas de Congo Airways société anonyme avec conseil d'administration


par Anthony NTENDELE BIKELA
ISC - Liège - MBA 2021
  

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2.2.2. Protection de l'intérêt social rendue difficile face à l'Etat actionnaire38(*)

Dans la mesure où l'État est actionnaire majoritaire (même minoritaire) d'entreprises, il peut lui arriver, notamment à l'occasion de cession d'actifs, d'en privilégier une figure au détriment d'une autre(SCHMIDT, 2004). On se trouve alors face à une hypothèse de conflit d'intérêt relativement classique en droit des sociétés. Mais les risques de conflits d'intérêt proviennent surtout du fait qu'il est susceptible de poursuivre des objectifs distincts de ceux d'un actionnaire privé ordinaire : préoccupations économiques, sociales, finalités de service public, impératifs de défense nationale...

L'une des difficultés de l'actionnariat étatique tient ainsi à la rencontre de deux « intérêts » : l'intérêt général et l'intérêt social, dont les fonctions normatives risquent d'autant plus d'entrer en conflit que leur contenu est flou.

CARTIER-BRESSON (2010, p. 186) fait observer que la logique de l'intérêt général a longtemps prévalu dans les entreprises publiques, d'autant plus facilement que les finalités d'intérêt général autour desquelles devaient s'ordonner, leur gestion étaient davantage présupposées que définies. Outre que ces finalités tendent à être de plus en plus encadrées par des instruments contractuels, l'ouverture croissante du capital des entreprises publiques rend l'État davantage sensible à la nécessité de ne pas porter atteinte à l'intérêt social. Cette nécessité peut également apparaître lorsque l'État est actionnaire minoritaire, les risques de conflit d'intérêt n'étant pas non plus négligeables. A cet égard, COZIANet al. (2000)donnent l'exemple d'EADS : en 2007, les dirigeants du groupe ont mis au point un plan de réorganisation, mais se sont heurté à «l'interventionnisme des États français et allemand soucieux de préserver l'emploi dans ces deux pays ; alors que l'intérêt social pourrait suggérer une diminution des effectifs tenant uniquement compte des conditions d'exploitation et conduisant à fermer tel ou tel site industriel, l'intérêt général oblige à tenir compte de contraintes locales et à équilibrer les sacrifices entre les deux pays, fut-ce au détriment de la rationalité économique »

Mais on peut s'interroger sur la portée réelle de cette contrainte, dans la mesure où les mécanismes de sanction des conflits d'intérêts prévus par le droit des sociétés semblent encore assez peu dissuasifs pour l'État actionnaire, ce qui pourrait toutefois évoluer compte tenu de l'activisme croissant des actionnaires minoritaires.COZIAN et al. (2000)suggèrent encore, avec une touche d'ironie, « pour faire court, l'intérêt social plie devant l'intérêt général ; tout au moins c'est ce que pensent les serviteurs de l'État, en attendant qu'un actionnaire un peu moins timoré que les autres ne viennent rechercher la responsabilité de l'État s'il estime que l'intérêt de l'entreprise a été négligé au nom de l'intérêt général. En attendant un tel crime de lèse-majesté, force est de reconnaître que les choses se sont améliorées, sinon dans la forme, du moins dans le fond, avec la création de l'Agence des participations de l'État (...). Cependant, les institutions sont une chose (...) et la pratique des hommes politiques en est une autre. Aussi bien, tant que l'État détiendra des participations, même minoritaires dans des entreprises, on peut craindre que ces derniers soient tentés de peser sur le destin de ces entreprises ».

Ces difficultés apparaissent notamment à travers la question de l'abus de majorité, qui ouvre la voie de l'annulation des décisions des organes sociaux, ainsi qu'à l'octroi de dommages-intérêts aux actionnaires minoritaires conformément à l'article 130 de l'AUSCGIE. Il a été jugé que même si toutes les conditions de forme ont été respectées, une décision collective peut être constitutive d'un abus de majorité si elle a été « prise contrairement à l'intérêt général de la société dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité » ((D. 1961, p. 661 ; JCP 1961, II 12164). Cette formule révèle le refus de la jurisprudence de trancher entre un courant doctrinal cher à DANA (1979, p. 715) et à SCHMIDT (2004)qui considère que l'atteinte à l'intérêt social caractérise l'abus de majorité et un courant plus individualiste, qui considère que l'élément déterminant est la rupture de la communauté d'intérêt entre les actionnaires.

S'il n'est pas rare que des décisions déterminées par l'État actionnaire majoritaire apparaissent comme contraire à l'intérêt social, on ne saurait pour autant les considérer comme prises dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité. Le caractère intentionnel de l'abus de majorité distingue la décision abusive de la décision imprudente ou inopportune. Ainsi l'actionnaire minoritaire ne bénéficie d'aucune garantie protégeant des aléas d'une gestion préjudiciable, surtout s'il s'agit d'une entreprise publique. On l'a vu notamment à travers la jurisprudence relative à l'opération du « coup d'accordéon », qui consiste à éponger les dettes de l'entreprise en réduisant le capital social à zéro, afin de pouvoir le ré-augmenter dans un second temps, par une émission d'actions nouvelles39(*). A ce propos, la Cour d'appel de Versailles a reconnu en 1991 la validité de la pratique « coup d'accordéon ». Elle a considéré que cette opération n'avait pas été constitutive d'un abus de majorité dès lors que l'État, actionnaire majoritaire, avait perdu sa mise propre lors de la réduction du capital, comme les autres actionnaires. Elle a souligné qu' «il s'agissait en l'espèce d'une société où l'État disposait de la majorité absolue, et où il avait pris cette majorité en application d'une doctrine largement proclamée, faire triompher l'intérêt général au-delà de l'intérêt particulier qui aurait pu être celui d'Usinor conçu isolément ; que la politique suivie correspondant donc à une stratégie, annoncée aux actionnaires, de restructuration de la sidérurgie dans son ensemble, lesquels étaient libres s'ils ne voulaient pas être associés à une pareille aventure, de vendre leurs actions»(VIANDIER, 1991, p. 277). La Cour de cassation a confirmé cette solution en 1994 (Cass. corn. 17 mai 1994, Rev. soc. 1994 p. 485, note DANA-DEMARET). En revanche, il y a abus de majorité lorsque les pertes ayant motivé le « coup d'accordéon » sont nées de conventions illégalement conclues par les actionnaires majoritaires, dans le dessein de se favoriser au détriment des minoritaires (Cass. 3èmc civ., 25 mars 1998, RJDA 6/98, n°722)

En outre, les décisions qui peuvent apparaître contraires à l'intérêt social sont souvent prises par l'État dans le cadre de prérogatives de tutelle (telles que la fixation des prix du billet par le Ministère de l'Economie), auxquelles les règles de l'abus de majorité ne sont pas applicables.

Ces considérations sont transposables à la question d'un éventuel abus de minorité par l'État actionnaire. Dans la mesure où la figure de l'État actionnaire minoritaire a progressé, et où il n'est pas rare que l'État conserve, voire acquière une minorité de blocage, la question est davantage susceptible de se poser que de s'en passer. Toutefois, COZIAN et al. (2000) déclinent qu'un tel abus de la part de l'État ne semble pas non plus aisé à établir, dans la mesure où la Cour de cassation française exige, là encore, la réunion de deux conditions : l'une objective (l'opposition à une opération essentielle et conforme à l'intérêt social), l'autre subjective et a priori délicate à démontrer pour un actionnaire tel que l'État (une attitude « égoïste » dictée par l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés). Si ces conditions sont réunies, peuvent notamment être constitutifs d'un abus de minorité le fait de s'opposer de façon répétée (dans un but personnel) à une augmentation de capital nécessaire à la survie de la société, ou encore à l'affectation de bénéfices aux réserves(CHARVERIAT, et al., 2009).

Reste la possibilité de poursuivre la responsabilité de l'État actionnaire en cas de liquidation. La personnalité morale des sociétés anonymes, qui a pour corollaire l'autonomie patrimoniale, n'est pas une donnée absolue. Ce voile peut être écarté si la société se trouve en cessation de paiements du fait du comportement fautif d'un actionnaire. Ceux qui participent à la gestion peuvent voir leur responsabilité civile engagée dans le cadre de l'action en comblement de passif. Instaurée par l'Acte portant organisation des Procédures collectives d'Apurement du Passif.

Aux termes de l'article 183 de l'APCAP,« Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation des biens d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, la juridiction compétente peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider, à la requête du syndic, du ministère public ou de deux contrôleurs dans les conditions de l'article 72 alinéa 2 ci-dessus, ou même d'office, que les dettes de la personne morale sont supportées en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou certains d'entre eux ». L'action en comblement de passif peut être introduite par l'administrateur judiciaire, le représentant des créanciers, le liquidateur, le procureur de la République, ou encore être intentée d'office par le tribunal saisi de la demande d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Les fautes de gestion susceptibles d'engager la responsabilité des dirigeants sociaux recouvrent tous les actes, intentionnels ou non, de décision, d'exécution, de négligence ou de défaut de surveillance, qui se sont révélés contraires aux intérêts de la société.

L'État est rarement dirigeant de droit des entreprises qu'il contrôle. Cette qualification est applicable lorsque l'État est lui-même administrateur. Le plus souvent, il nomme à ces responsabilités des administrateurs dont il devra assumer financièrement les fautes de gestion, dès lors qu'elles ne constituent pas des fautes personnelles de la part de ces agents. En revanche, son intervention directe dans la gestion des entreprises parait susceptible d'emporter la qualification de dirigeant de fait. On désigne en effet sous ce terme la situation des personnes (physiques ou morales) qui, sans avoir été investies par les organes d'une société du pouvoir de la représenter, s'arrogent un pouvoir de direction qui déborde de la simple activité de surveillance et de contrôle et l'exercent en toute souveraineté et indépendance.

Pourtant, la mise en cause de l'État en tant que dirigeant de fait est restée rarissime. Cela s'explique d'abord par le fait que la liquidation de sociétés contrôlées par l'État a longtemps constitué une hypothèse d'école. En France par exemple, le Tribunal des conflits a limité l'applicabilité de l'action en comblement de passif aux personnes publiques. Cette limitation est d'abord passée par une distinction entre la personne publique dirigeante de droit, dont la responsabilité relève du droit commun et du juge judiciaire et la personne dirigeante de fait, dont la responsabilité ne peut être appréciée que par le juge administratif (TC, 2 juillet 1984, Commissaire de la République du Loiret, Rec. p. 449 ; AJDA 1984, p. 562, concl.LABETOULLE ; RFDA 1985, p. 81, note DELVOLVE; D. 1984, JP, p. 545, note F. DERRIDA ; JCP 1984, II, 2036, note ALFANDARI. Par ailleurs, le Tribunal des conflits avait justifié cette solution par l'idée que « la question de savoir si l'État, en accordant une aide à une entreprise en difficulté, s'est comporté en fait comme un dirigeant de celle-ci n'est pas dissociable de l'appréciation que la juridiction, si elle s'en trouve saisie, est nécessairement conduite à porter en vue de déterminer si la responsabilité de l'État est engagée, sur les interventions des autorités publiques, à l'occasion des concours que celui-ci a dispensés à l'entreprise» (TC, 23 janvier 1989, Préfet de la Loire, Rec. p. 291, D. 1989 p. 367, concl. FLIPO et p. 370, note AMSELEKetDERRIDA, à propos de la liquidation de la société Manufrance, dont l'État était l'un des actionnaires).

Dans la mesure où l'État est très rarement dirigeant de droit, cette distinction limitait considérablement la possibilité de voir sa responsabilité engagée dans les conditions du droit commun sur le fondement de l'action en comblement de passif.

Le Tribunal des conflits s'est affranchi cette approche très formelle dans l'arrêt Comité d'expansion de la Dordogne en 1999, dans lequel il a considéré que l'action en comblement de passif ne s'applique pas aux dirigeants personnes publiques agissant dans le cadre d'une mission de service public administratif, l'appréciation de leur responsabilité relevant alors du juge administratif. Apropos de l'insuffisance d'actif d'un comité d'expansion créé pour favoriser le développement économique local sous la forme d'une association créée par le département de la Dordogne. Le tribunal a affirmé dans cet arrêt « que le législateur ait entendu, par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, faire relever de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, la recherche de la responsabilité civile de l'État ou d'autres personnes morales de droit public au titre de l'exercice d'une mission de service public administratif » (TC, 15 novembre 1999, Comité d'expansion de la Dordogne, AJDA 1999, p. 992, chron. FOMBEUR et GUYOMAR).Il a ainsi ouvert la possibilité d'une action en comblement de passif à l'encontre de des personnes publiques dirigeants de fait n'ayant pas agi dans le cadre d'une mission de service public administratif. C'est ce qu'a confirmé le Tribunal des Conflits dans un arrêt du 20 novembre 2006, Olympique d'Alès en Cévennes, à propos d'une collectivité locale dirigeante de fait : « la recherche de la responsabilité civile de l'État ou d'autres personnes morales de droit public au titre de l'exercice d'une mission de service administratif relève de la compétence des tribunaux de l'ordre administratif, une telle action relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire lorsque la responsabilité de l'État ou de la personne morale de droit public est recherchée au titre d'une activité à caractère industriel ou commercial sans qu'il y ait lieu de distinguer si la collectivité publique concernée a agi en qualité de dirigeant de fait ou de droit »(RJDA 2/07, p. 119, concl. CHAUVAUX).

Restent à déterminer les implications de cette jurisprudence pour l'État actionnaire.

Si le juge administratif estime que le fait de conduire une entreprise à poursuivre des activités déficitaires pour des finalités de service public ou pour des motifs de politique économique ou de politique sociale s'inscrit dans le cadre d'une mission de service public administratif, la mise en cause de l'État dirigeant de fait dans le cadre d'une action en comblement de passif devant le juge judiciaire sera écartée. Ses fautes de gestion seront alors appréciées par le juge administratif, selon les règles générales de la responsabilité administrative. Le juge administratif peut notamment être conduit à écarter l'exigence d'une faute lourde (s'agissant d'activité de gestion qui ne constituent pas des missions de surveillance ou de contrôle), ou encore à appliquer la distinction entre faute personnelle et faute de service (AJDA 2006, p. 656, note BRENET). Le juge administratif pourrait également s'inspirer de principes dégagés par le juge judiciaire dans le cadre de l'action en comblement de passif(CE. 1er octobre 2004, ADEPS, AJDA, 2005. p. 164,note NICINSKI).

Toutefois, la jurisprudence récente du Tribunal des conflits tend à restreindre la compétence du juge administratif, sans doute pour tenir compte de divergences avec la Cour de cassation. Dans l'arrêt Comité d'expansion de la Dordogne, il s'était attaché au fait que le Comité d'expansion « a été investi d'une mission d'intérêt général à caractère administratif visant à contribuer au développement économique du département, et dont ce dernier exerçait la direction tout en pourvoyant à la quasi-totalité de ses dépenses » pour conclure à la compétence du juge administratif. Dès lors que l'association avait une mission de service public administratif, on pouvait assez logiquement en déduire que le département avait lui-même agi dans le cadre d'une telle mission.

Pour autant, il n'était pas exclu par l'arrêt Comité d'expansion de la Dordogne que des actions de personnes publiques actionnaires concernant des sociétés à objet commercial soient reliées à des missions de service public administratif, ce qui aurait préservé la compétence du juge administratif pour les mesures de soutien public à des entreprises en difficulté. Le Tribunal des conflits en a jugé autrement dans l'arrêt Olympique d'Alès en Cévennes de 2007, qui précise en la restreignant la portée de la jurisprudence Comité d'expansion de la Dordogne. Le Tribunal des conflits s'est attaché au seul objet social de la société d'économie mixte locale en question (organisation de manifestations sportives payantes notamment, et non gestion d'un service public administratif) pour conclure à l'applicabilité de l'action en comblement de passif à la commune d'Alès. Si elle a l'avantage de simplifier la répartition des compétences, cette motivation manque de cohérence, dans la mesure où c'est la responsabilité de la collectivité publique qu'il s'agissait d'apprécier. Par conséquent c'est l'action de cette dernière ayant contribué à l'insuffisance d'actif qu'il aurait logiquement fallu qualifier de SPIC ou de SPA, et non les seules missions de la société en liquidation. La jurisprudence Olympique d'Alès en Cévennes pourrait conduire à appliquer l'action en comblement de passif à tous les cas où l'Etat actionnaire a contribué à l'insuffisance d'actif d'une entreprise (hormis le cas improbable où cette entreprise se serait vue confier une mission de service public administratif). L'arrêt Olympique d'Alès en Cévennes va ainsi dans le sens d'une meilleure séparation entre les fonctions d'actionnaire (relevant largement du juge judiciaire) et de puissance publique.

On assiste par ailleurs à un développement des mécanismes de prévention des conflits d'intérêts en droit des sociétés, qui passe notamment par des obligations d'information à la charge des actionnaires et des administrateurs, par des moyens d'investigation des actionnaires minoritaires, par l'interdiction du vote intéressé(HADJI-ARTINIAN (2001) cité par SCHMIDT (2004, p. 34).

L'étude du gouvernement des entreprises publiques révèle la volonté de l'Etat d'exploiter les mécanismes de la société de capitaux tout en les adaptant à ses besoins spécifiques. Son souci de maîtriser la conduite des affaires sociales l'a conduit à adopter les schémas classiques de la société anonyme, caractérisés par une forte concentration du pouvoir de direction et par l'effacement des organes de contrôle.

Cette volonté l'a également conduit à s'approprier certains des pouvoirs des organes sociaux. Cette concentration poussée du pouvoir se traduit par une exacerbation des difficultés du gouvernement des sociétés dans les entreprises publiques, qui rend l'Etat particulièrement réceptif aux principes du « gouvernement d'entreprise » inspirés du capitalisme anglo-saxon. En outre, l'ouverture croissante aux investisseurs privés ne peut qu'inciter l'Etat à la prise en compte de l'intérêt social, dont la protection était autrefois largement illusoire dans les entreprises publiques.

Le principe de la hiérarchie des organes que l'État actionnaire contrarie en s'attribuant des prérogatives essentielles de l'assemblée générale et du conseil d'administration, repose sur le postulat de leur homogénéité. En même temps qu'il a mis à mal le premier, l'État actionnaire a révélé le caractère illusoire du second, à travers l'hétérogénéité des organes sociaux de la société, d'où il faut limiter l'influence de l'Etat par des solutions idoines.

* 38 Nous nous sommes inspiré plus de la jurisprudence française à cause du vide qu'il y a en droit de l'OHADA sur cette question.

* 39 La Cour d'appel de Versailles a reconnu en 1991 la validité de la pratique « coup d'accordéon ». Elle a considéré que cette opération n'avait pas été constitutive d'un abus de majorité dès lors que l'État, actionnaire majoritaire, avait perdu sa mise propre lors de la réduction du capital, comme les autres actionnaires. Elle a souligné qu' «il s'agissait en l'espèce d'une société où l'État disposait de la majorité absolue, et où il avait pris cette majorité en application d'une doctrine largement proclamée, faire triompher l'intérêt général au-delà de l'intérêt particulier qui aurait pu être celui d'Usinor conçu isolément ; que la politique suivie correspondant donc à une stratégie, annoncée aux actionnaires, de restructuration de la sidérurgie dans son ensemble, lesquels étaient libres s'ils ne voulaient pas être associés à une pareille aventure, de vendre leurs actions» (V. sur cet arrêt VIANDIER (A.), «L'intérêt social cède-t-il devant la raison d'État ? », Bull. Jolv 1991, p. 277). La Cour de cassation a confirmé cette solution en 1994 (Cass. corn. 17 mai 1994, Rev. soc. 1994 p. 485, note DANA-DEMARET (S.)). En revanche, il y a abus de majorité lorsque les pertes ayant motivé le « coup d'accordéon » sont nées de conventions illégalement conclues par les actionnaires majoritaires, dans le dessein de se favoriser au détriment des minoritaires (Cass. 3èmc civ., 25 mars 1998, RJDA 6/98, n°722)

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand