2.2.1.1.2. Selon le droit interne congolais appliqué
chez Congo Airways
L'idée de puissance publique entretient des liens
consubstantiels avec la notion d'Etat. Il est donc impossible de parler de
l'Etat actionnaire sans se référer à la puissance
publique. C'est le cas de privilège que l'Etat s'octroie dans la
procédure de nomination des dirigeants sociaux. Pour preuve, les
dirigeants sociaux de Congo Airways sont tous nommés par l'Etat
actionnaire suivant une procédure non prévue dans l'AUSCGIE mais
prévue à l'article 81 de la Constitution de la République
Démocratique du Congo en ce termes : « Sans
préjudice des autres dispositions de la Constitution, le
Président de la République nomme, relève de leurs
fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du
Gouvernement délibérée en Conseil des ministres [...]
les mandataires de l'Etat dans les
entreprises[...] ».
Nous savons que le Président de la République
pose des actes unilatéraux revêtus de la puissance publique.
On cite à titre d'exemple, l'Ordonnance n°15/019
du 25 mars 2015 portant nomination d'un Administrateur et
Président du Conseil d'administration de la
Société Congo Airways ; l'Ordonnance n°15/010 portant
nomination d'un Directeur général de la société
Congo Airways. Cette pratique est admise en droit administratif et par voie de
corollaire, les dirigeant ainsi nommés adoptent, le plus souvent, la
même culture et les mêmes méthodes de gestion que les
responsables politiques.
D'ailleurs, à ce sujet, certains auteurs ont fait
observer que la connexion entre le milieu politique et celui d'une telle
société est très étroite et la circulation est
fluide(CHRISTENSEN & LAEGRIED (2011, p. 364) ; BARTOLI (2005, p. 419)
et HENRY (1991, pp. 3-19)). Certains vont plus loin pour affirmer qu'il est
fréquent de voir tel ou tel chef d'entreprise publique quitter ses
fonctions pour être chargé de haute responsabilité
politique, notamment ministérielles(ALHOUSSEINI MOULOUL, 2005). L'on
comprend que l'interaction entre l'univers politique et celui de l'entreprise
publique est incontestable ; car les dirigeants sociaux de l'entreprise tirent
leur autorité de l'Etat ou viennent carrément des institutions
publiques, ou empruntent à celui-ci l'un de ses attributs essentiels,
comme VEDEL (1954)dit : « le pouvoir de commander », le
pouvoir d'exercer les prérogatives de puissance publique dans
l'entreprise publique.
L'Etat s'octroie également le privilège de
révocation des dirigeants sociaux et Administrateurs qu'il a
nommé chez Congo Airways. La révocation des dirigeants a toujours
été libre. Le caractère discrétionnaire de la
révocation des dirigeants nommés par ordonnance apparaît
comme la conséquence du caractère d'emploi supérieur
à la discrétion du Président de la République.
Situés au point de jonction entre la politique et l'administration, ces
emplois « doivent être occupés par des personnes ayant,
notamment en raison de leur orientation politique, la confiance du
gouvernement»(CHAPUS, 2001). D'où leur caractère
essentiellement révocable. Dans le silence des textes, le juge
administratif considère que les dirigeants d'entreprises publiques
occupent un emploi supérieur à la discrétion du
gouvernement, que ces entreprises soient dotées du statut
d'établissement public ou de société anonyme.
Puisqu'elle prend la forme d'un acte administratif, la
révocation des représentants de l'État et des dirigeants
est soumise au principe du parallélisme des formes et des
compétences, qui se retrouve également en droit des
sociétés à la seule différence que la
décision de révocation prise par l'Etat n'a
généralement pas à être motivée.
Les modalités d'exercice de pouvoir de nomination et de
révocation des dirigeants sociaux s'expliquent en réalité
par des considérations spécifiques à l'Etat. On attribue
généralement le recours à des procédés
exorbitants du droit des sociétés au fait que l'Etat ne souhaite
pas prendre le risque de voir ses choix remis en cause par d'autres
actionnaires.
Les dirigeants sociaux nommés par l'Etat sont des
mandataires des entreprises où l'Etat a une participation. Ils sont
ainsi nommés sur proposition du Ministre ayant le portefeuille dans ses
attributions laquelle proposition est discutée au Conseil des ministres,
à l'identique des plus hauts emplois civils et politiques de
l'État, alors même qu'il s'agit d'emplois de direction d'une
personne morale de droit privé qui ne constitue en rien un
démembrement de l'État. Comment justifier de remettre ainsi en
cause le pouvoir de nomination des dirigeants des organes de la
société, pouvoir consacré par l'AUSCGIE ? Sans doute par
le fait qu'à la différence de n'importe quel actionnaire
privé l'État s'était inventé, dans la l'AUSCGIE
l'autorisation d'appliquer à la société issue de l'OHADA,
les textes internes même ceux qui lui sont contraire.
A l'aune de ces observations, l'on remarque que c'est
à travers la tutelle que s'exprime la puissance publique.
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