2.1.2.
Dispositif exorbitant du droit commun
Les textes internes sont appliqués à Congo
Airways en vertu des article 916 et 21 de l'AUSGIE. Les dispositions de ces
textes consacrent le régime particulier à Congo Airways et
autorisent l'application des règles particulières,
afférentes à une activité règlementée
exercée par la société.
2.1.2.1. Le régime particulier : autorisation du
législateur de l'OHADA ?
Du fait de son incarnation d'Etatpuissance publique,
noussommes amené à nous interroger sur sa capacité
à se comporter pleinement comme un actionnaire ordinaire. Une
réponse négative s'impose et implique que certains
aménagements juridiques soient introduits dans la gestion de la
société dans laquelle il détient une fraction du capital
social, pas pour faire plaisir à l'Etat actionnaire, mais pour permettre
à la société de vivre pleinement sa vie économique.
Certes, il n'est pas indiqué clairement que le législateur
communautaire a fait des aménagements dans l'AUSCGIE pour tenir compte
de la présence de la puissance publique dans une société.
En effet, il serait paradoxal que l'AUSCGIE fasse ouvertement
allusion à la puissance publique dans le fonctionnement des
sociétés commerciales, dans la mesure où derrière
la puissance publique, se cache un absolutisme. Pourtant, admettre que l'Etat
puisse être actionnaire et ne pas invoquer la notion de puissance
publique pourrait être une illusion. C'est pourquoi, l'on est
porté à croire que derrière l'exception prévue
à l'article 916 de l'AUSCGIE se cache l'expression de la puissance
publique voulue par le législateur africain.
L'exception prévue par l'AUSCGIE tient exclusivement
à la particularité invoquée par l'article 916 dudit Acte
uniforme pour ce qui concerne les sociétés soumises à un
régime particulier. Il est vrai que la notion de puissance publique
n'apparaît pas clairement dans cet article. Mais, de
l'interprétation large et combinée des articles 908, 916 et 919
de l'AUSCGIE, il se dégage que les dispositions législatives et
réglementaires spécifiques auxquelles sont soumises les
sociétés à régime particulier subsistent, dans la
mesure où elles ne sont pas contraires à celles dudit Acte
uniforme(MUKENDI WAFWANA & UPIO KAKURA, 2013).
En d'autres termes un texte législatif ou
réglementaire du droit interne qui n'est ni contraire, ni identique
à l'AUSC et GIE, mais qui contient des dispositions faisant
référence à la puissance publique peut être
appliqué à l'entreprise publique régie par l'article 916
de l'AUSCGIE.
Tout compte fait, il est remarquable d'observer que la
puissance publique n'est pas inscrite dans l'AUSCGIE. Même si cette
notion existe par interprétation de certains articles dudit Acte
uniforme, notamment l'article 916, elle n'est pas expressément
évoquée comme un élément pouvant être pris en
compte dans l'application de l'Acte uniforme à l'entreprise publique.
De ce qui précède, par exception, Congo Airways
est soumise aux règles internes, en particulier celles applicables aux
entreprises du portefeuille de l'Etat dont elle fait partie intégrante.
A ce titre, les dispositions de certains textes, soit intégralement,
soit partiellement, sont appliquées à Congo Airways,
notamment : la loi n° 08/007 du 7 juillet 2008 portant dispositions
générales relatives à la transformation des entreprises
publiques (bien que créée ex nihilo) ; la loi
n° 08/010 du 7 juillet 2008 fixant les règles relatives à
l'organisation et la gestion du portefeuille de l'Etat ainsi que certaines
règles de contrôle, à l'instar de celui que le Parlement
peut y exercer, en vertu de l'article 100, alinéa 2 de la Constitution.
Or les logiques, sinon les règles, des deux systèmes peuvent
être antinomiques : la tutelle repose sur un contrôle a priori par
des organes extérieurs à l'entreprise, quand le droit des
sociétés prévoit un contrôle a posteriori
effectué par les organes de gouvernance internes.
Il y a lieu d'épingler également certaines
règles relatives au statut du personnel dirigeant des entreprises
publiques nommé par ordonnance du Président de la
République contresigné par le Premier Ministre, lesquelles
constituent un autre exemple de décision pour laquelle l'État
exerce des prérogatives exorbitantes du droit commun. En effet,
l'application, dans les sociétés à participation publique,
de cette disposition à l'heure actuelle nonobstant la primauté de
la Constitution dans la hiérarchie des normes, se fait en vertu de
l'interprétation extensive de l'article 81, 6° qui proclame que
(...) le Président de la République nomme, relève de leurs
fonctions et, le cas échéant, révoque (...) les
mandataires de l'Etat dans les entreprises et organismes publics. Il sied de
relever que le contexte de l'élaboration de la Constitution du 18
février 2006, suivi de la loi modificative et complétive de
celle-ci en 2011, ignorait l'existence du droit de l'OHADA dans l'espace
juridique congolais, laquelle existence n'a été effective
qu'à la suite de la ratification en 2012, du Traité de l'OHADA
par la RDC. La nomination et la révocation des dirigeants sociaux devait
se faire par les organes de la société en vertu des dispositions
des articles 447, 462, 469, 470, 485, 492, 495 et 510 de l'AUSCGIE et des
statuts ; le Président de la République devait ainsi se voir
retiré cette prérogative dans la sphère du droit des
sociétés.
Sur le plan de leur traitement, les dispositions du
décret n°13-055 du 13 décembre 2013 portant statut des
mandataires publics dans les entreprises du Portefeuille de l'Etat leur sont
appliqué. N'est-ce pas là une violation de l'Acte Uniforme par
l'Etat qui veut assurer une véritable mainmise sur les dirigeants
sociaux et partant, sur Congo Airways ? Ceci révèle un indice de
soumission, à certains égards, de cette société au
droit administratif alors même que par sa forme, elle est une personne
morale de droit privé. PESCATORE (1975, p. 199) relevait que le droit
administratif par rapport à l'AUSCGIE en ce qui concerne son application
dans cette société, est un auxiliaire adventice, l'expression
d'une compétence liée et ne saurait mettre en échec le
droit communautaire. Cependant, dans la pratique, l'on observe qu'il
l'altère.
Ces règles de droit public et de droit administratif
sont applicables chez Congo Airways en vertu de l'article 916, alinéa
1er de l'AUSCGIE qui dispose que « le présent Acte
uniforme n'abroge pas les dispositions auxquelles sont assujetties les
sociétés soumises à un régime particulier
». Cet article autorise l'application de ce dispositif exorbitant aux
entreprises publiques qui sont à classer dans la catégorie des
sociétés à statut particulier. (...) ces
spécificités tiennent notamment à la présence de
l'État dans le capital de la société. Ce qui a
amené la doctrine à admettre que les entreprises publiques font
partie de ces sociétés soumises à un régime
particulier(KOLONGELE EBERENDE, 2011, p. 27).
Dans un Avis consultatif rendu 30 avril 2001, la CCJA a
indiqué qu'à l'égard des sociétés à
statut particulier, l'article 916, al. 1er précité
laisse également subsister les dispositions législatives
spécifiques auxquelles lesdites sociétés sont soumises
»(CCJA, Avis consultatif n° 001/2001/EP du 30 avril 2001,
4ème question, 4ème branche (4-d) ; V.
égal., CCJA, Avis n° 2/2000/EP du 26 avr. 2000 et CCJA ; Avis
n° 003/2002 du 10 janv. 2002).
|