1.3.2.2. La spécificité
des actions détenues par les salaries de Congo Airways SA et la place de
ces derniers dans la gouvernance de la société.
D'entrée, il sied de relever l'imprécision de la
procédure ayant abouti à l'attribution des actions nominatives
détenues par les salariés de Congo Airways SA avec CA qui, en
arrivant dans la jeune société, ont trouvé les actions
souscrites et le montant intégralement libéré en leur nom.
En effet, alors que la société ne comportait aucun
salarié, lors de sa constitution, on ne saurait comprendre qu'une
personne qui n'existe pas encore puisse souscrire au capital d'une
société en formation ou donner mandat à une autre personne
pour le faire à sa place. Cette souscription au nom des salariés
aboutirait à une participation fictive au capital social, ce qui
constituerait une irrégularité dans la constitution du capital
social si les fondateurs de la société ne libéraient pas
ledit montant souscrit aux prescrits de l'article 640 alinéa 4 et 5 de
l'AUSCGIE qui, en substance dispose que « les fondateurs ou, dans
le cas de l'augmentation de capital, les membres du Conseil d'administration ou
l'administrateur général sont tenus dans les conditions
prévues à l'articles 640-1 ci-après, de faire
libérer les actions souscrites ou acquises par la société
en application de l'alinéa premier du présent article. De
même, lorsque les actions sont souscrites ou acquises par une personne
agissant en son nom propre mais pour le compte de la société,
cette personne est tenue de libérer les actions solidairement avec les
fondateurs ou, selon le cas, les membres du Conseil d'administration ou
l'administrateur général. Le souscripteur est en outre
réputé avoir souscrit les actions pour son propre
compte ».
En outre, on ne sait non plus lequel, parmi les
salariés de Congo Airways SA avec CA détient effectivement
lesdites actions, car aucun critère de répartition n'a
été défini. Devrait-on prendre en compte certains
critères objectifs tels que le sérieux, l'assiduité, la
compétence managériale ou le critère d'ancienneté
du salarié ? Bien entendu, la prise en compte de ces
critères peut aggraver les difficultés résultant aussi de
l'indétermination du législateur. Tel est le mutisme de l'article
640 de l'AUSCGIE, susceptible de laisser la voie ouverte à toutes les
combinaisons fondées sur des critères subjectifs comme le
degré d'allégeance du salarié au chef d'entreprise. En
l'absence d'une interdiction expresse, rien ne peut aussi s'opposer à ce
que ces actions soient réservées à une catégorie de
salariés et, pourquoi pas à une seule personne.
Par contre, nous retenons que toutes les catégories de
salariés sont concernées : les administrateurs titulaires
d'un contrat de travail au sens des articles 417 et 426 de l'AUSCGIE, les
cadres, les PNT, les PNC, les agents de maîtrise, les employés de
Congo Airways SA avec CA. Cet argument, renforcé par
l'indisponibilité attachée aux actions des salariés, telle
qu'organisée par l'AUSCGIE, ne devrait tomber qu'en cas de refus
exprès d'un salarié de ne pas participer à l'actionnariat.
Dans cette optique, nous retenons que toute personne titulaire
d'un contrat de travail effectif au sein de Congo Airways SA doit se
prévaloir des actions en présence.
Cependant, sous le registre de la nature juridiques des
actions détenues par les salariés de Congo Airways avec CA, nous
notons qu'elles sont nominatives.Elles ne sont admises ni aux
négociations sur une bourse des valeurs ni aux opérations d'un
dépositaire central en vertu de l'article 748-1 de l'AUSCGIE. Mais du
point de vue des droits conférés, elles ne se retrouvent pas dans
la catégorie des actions de jouissance parce qu'elles ne sont pas
intégralement amorties. En principe, bien que ne donnant pas droit au
premier dividende, les actions détenues par les salariés
devraient conserver les autres droits notamment le droit de vote et de
négociabilité, cependant, il n'en est pas le cas.
En droit, la SA est une société de capitaux dans
laquelle les actions sont, en principe négociables sous certaines
conditions et, conformément à l'article 764 de l'AUSCGIE, elles
sont librement transmissibles. Cela signifie que le détenteur de telles
actions peut en disposer librement en les cédant sauf en cas d'existence
d'une clause d'agrément ou de préemption. Dès lors, on
voit que le principe de la libre négociabilité est mis en mal par
le caractère illimité de la forme nominative des actions
détenues par les salariés, d'où leur
indisponibilité. Ce sont donc des actions inaliénables.
Or, les stipulations d'inaliénabilité
attachées à un bien ne sont valables que si elles sont
temporaires et justifiées par un intérêt légitime et
sérieux. A cet effet, l'article 765-1 de l'AUSCGIE dispose en substance
que les causes d'inaliénabilité affectant des actions ne sont
valables que si elles prévoient une interdiction d'une durée
inférieure ou égale à dix (10) ans et qu'elles sont
justifiées par un motif sérieux et légitime.De facto,
l'inaliénabilité légale des actions détenues par
les salariés de Congo Airways est, certes, justifiée par
l'intérêt supérieur de la société. Elle
empêche les salariés de monnayer immédiatement leurs
actions en favorisant l'entrée d'intrus dans la
société.
En principe, pour avoir effectué des apports,
l'actionnariat procure certains droits au détenteur des actions,
notamment, celui d'avoir une place dans la gouvernance de la
société. Cependant, les actions détenues par les
salariés de Congo Airways ont la spécificité de manquer
toute prérogative qui devrait y être attachée.
1.3.2.2.1. Le défaut de prérogatives
attachées à la détention d'actions
L'actionnaire salariés de Congo Airways,
déjà enchaîné dans une indisponibilité et
obligatoire de ses titres par l'AUSCGIE, n'a ni droit aux dividendes ni droit
au vote.
1.3.2.2.1.1. L'absence d'un droit au
vote
En principe le salarié attributaire des actions de la
société devient un actionnaire disposant d'un droit fondamental,
celui de rester associé, c'est-à-dire de faire partie de la
société et surtout, d'exercer le droit de vote. Et, en ce qui
concerne les actions, il existe un principe sacro-saint en droit des
sociétés lequel veut qu'il y ait « à
capital égal, vote égal ». Ce principe signifie
que le droit de vote attaché à toutes les catégories
d'actions doit être proportionnel à la quotité du capital
représentée et que chaque action détenue doit donner droit
à une voix au moins.
Malheureusement, le salarié de Congo Airways SA avec
CA, détenteur des actions qui en principe donnent le droit de participer
aux assemblées, lieux privilégiés pour exprimer son droit
de vote, est exclu, d'en disposer, ni par un représentant ni par un
mandataire, lors des réunions des actionnaires, par conséquent,
ils ne votent pas, ce qui constitue une distorsion au principe
sus-évoqué ayant trait à l'égalité des
actions.
L'article 542 de l'AUSCGIE explique mieux cette situation car
les actions rachetées par la société conformément
aux dispositions des articles 639 et suivants sont dépourvues de droit
de vote. Il ne peut en être tenu compte pour le calcul du quorum.
Nous comprenons alors mieux l'attitude du législateur
OHADA qui n'a voulu que le salarié actionnaire ne soit qu'un
détenteur précaire des actions qui demeurent toujours la
propriété de la société. Ainsi le dispose l'article
625 du Code Civil Congolais Livre III, quand on a commencé à
posséder pour autrui, on est toujours présumé
posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire. On
peut, dans ce cas, affirmer que le salarié possède pour autrui.
Devenant ainsi un détenteur précaire des actions qui lui sont
attribuées, le salarié ne peut ni en user (en exerçant un
droit de vote), ni en jouir (en bénéficiant d'un droit
d'information), ni même en disposer car lesdites actions sont
indisponibles et non négociables.
De cette manière, on est tenté de voir dans
cette attribution d'actions inutilisables comme disait VASSEUR (1981, p. 64)
cité par (KOMLAN ALAKI, 2014), un cadeau d'un capitalisme aux abois qui
doute de lui-même et qui veut « se donner bonne conscience ou
donner bonne conscience aux pouvoirs publics ».
En voulant contenir l'actionnariat salarié dans une
proportion raisonnable, le législateur a contribué à
créer une catégorie hétéroclite et inédite
d'actions entre les mains des salariés.
Comme pour le cas de la privation du droit de vote, la
détention d'actions ne donne pas au salarié le droit aux
dividendes.
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