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L'etat-actionnaire dans une société issue de l'OHADA. Cas de Congo Airways société anonyme avec conseil d'administration


par Anthony NTENDELE BIKELA
ISC - Liège - MBA 2021
  

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1.3.2.2. La spécificité des actions détenues par les salaries de Congo Airways SA et la place de ces derniers dans la gouvernance de la société.

D'entrée, il sied de relever l'imprécision de la procédure ayant abouti à l'attribution des actions nominatives détenues par les salariés de Congo Airways SA avec CA qui, en arrivant dans la jeune société, ont trouvé les actions souscrites et le montant intégralement libéré en leur nom. En effet, alors que la société ne comportait aucun salarié, lors de sa constitution, on ne saurait comprendre qu'une personne qui n'existe pas encore puisse souscrire au capital d'une société en formation ou donner mandat à une autre personne pour le faire à sa place. Cette souscription au nom des salariés aboutirait à une participation fictive au capital social, ce qui constituerait une irrégularité dans la constitution du capital social si les fondateurs de la société ne libéraient pas ledit montant souscrit aux prescrits de l'article 640 alinéa 4 et 5 de l'AUSCGIE qui, en substance dispose que « les fondateurs ou, dans le cas de l'augmentation de capital, les membres du Conseil d'administration ou l'administrateur général sont tenus dans les conditions prévues à l'articles 640-1 ci-après, de faire libérer les actions souscrites ou acquises par la société en application de l'alinéa premier du présent article. De même, lorsque les actions sont souscrites ou acquises par une personne agissant en son nom propre mais pour le compte de la société, cette personne est tenue de libérer les actions solidairement avec les fondateurs ou, selon le cas, les membres du Conseil d'administration ou l'administrateur général. Le souscripteur est en outre réputé avoir souscrit les actions pour son propre compte ».

En outre, on ne sait non plus lequel, parmi les salariés de Congo Airways SA avec CA détient effectivement lesdites actions, car aucun critère de répartition n'a été défini. Devrait-on prendre en compte certains critères objectifs tels que le sérieux, l'assiduité, la compétence managériale ou le critère d'ancienneté du salarié ? Bien entendu, la prise en compte de ces critères peut aggraver les difficultés résultant aussi de l'indétermination du législateur. Tel est le mutisme de l'article 640 de l'AUSCGIE, susceptible de laisser la voie ouverte à toutes les combinaisons fondées sur des critères subjectifs comme le degré d'allégeance du salarié au chef d'entreprise. En l'absence d'une interdiction expresse, rien ne peut aussi s'opposer à ce que ces actions soient réservées à une catégorie de salariés et, pourquoi pas à une seule personne.

Par contre, nous retenons que toutes les catégories de salariés sont concernées : les administrateurs titulaires d'un contrat de travail au sens des articles 417 et 426 de l'AUSCGIE, les cadres, les PNT, les PNC, les agents de maîtrise, les employés de Congo Airways SA avec CA. Cet argument, renforcé par l'indisponibilité attachée aux actions des salariés, telle qu'organisée par l'AUSCGIE, ne devrait tomber qu'en cas de refus exprès d'un salarié de ne pas participer à l'actionnariat.

Dans cette optique, nous retenons que toute personne titulaire d'un contrat de travail effectif au sein de Congo Airways SA doit se prévaloir des actions en présence.

Cependant, sous le registre de la nature juridiques des actions détenues par les salariés de Congo Airways avec CA, nous notons qu'elles sont nominatives.Elles ne sont admises ni aux négociations sur une bourse des valeurs ni aux opérations d'un dépositaire central en vertu de l'article 748-1 de l'AUSCGIE. Mais du point de vue des droits conférés, elles ne se retrouvent pas dans la catégorie des actions de jouissance parce qu'elles ne sont pas intégralement amorties. En principe, bien que ne donnant pas droit au premier dividende, les actions détenues par les salariés devraient conserver les autres droits notamment le droit de vote et de négociabilité, cependant, il n'en est pas le cas.

En droit, la SA est une société de capitaux dans laquelle les actions sont, en principe négociables sous certaines conditions et, conformément à l'article 764 de l'AUSCGIE, elles sont librement transmissibles. Cela signifie que le détenteur de telles actions peut en disposer librement en les cédant sauf en cas d'existence d'une clause d'agrément ou de préemption. Dès lors, on voit que le principe de la libre négociabilité est mis en mal par le caractère illimité de la forme nominative des actions détenues par les salariés, d'où leur indisponibilité. Ce sont donc des actions inaliénables.

Or, les stipulations d'inaliénabilité attachées à un bien ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt légitime et sérieux. A cet effet, l'article 765-1 de l'AUSCGIE dispose en substance que les causes d'inaliénabilité affectant des actions ne sont valables que si elles prévoient une interdiction d'une durée inférieure ou égale à dix (10) ans et qu'elles sont justifiées par un motif sérieux et légitime.De facto, l'inaliénabilité légale des actions détenues par les salariés de Congo Airways est, certes, justifiée par l'intérêt supérieur de la société. Elle empêche les salariés de monnayer immédiatement leurs actions en favorisant l'entrée d'intrus dans la société.

En principe, pour avoir effectué des apports, l'actionnariat procure certains droits au détenteur des actions, notamment, celui d'avoir une place dans la gouvernance de la société. Cependant, les actions détenues par les salariés de Congo Airways ont la spécificité de manquer toute prérogative qui devrait y être attachée.

1.3.2.2.1. Le défaut de prérogatives attachées à la détention d'actions

L'actionnaire salariés de Congo Airways, déjà enchaîné dans une indisponibilité et obligatoire de ses titres par l'AUSCGIE, n'a ni droit aux dividendes ni droit au vote.

1.3.2.2.1.1. L'absence d'un droit au vote

En principe le salarié attributaire des actions de la société devient un actionnaire disposant d'un droit fondamental, celui de rester associé, c'est-à-dire de faire partie de la société et surtout, d'exercer le droit de vote. Et, en ce qui concerne les actions, il existe un principe sacro-saint en droit des sociétés lequel veut qu'il y ait « à capital égal, vote égal ». Ce principe signifie que le droit de vote attaché à toutes les catégories d'actions doit être proportionnel à la quotité du capital représentée et que chaque action détenue doit donner droit à une voix au moins.

Malheureusement, le salarié de Congo Airways SA avec CA, détenteur des actions qui en principe donnent le droit de participer aux assemblées, lieux privilégiés pour exprimer son droit de vote, est exclu, d'en disposer, ni par un représentant ni par un mandataire, lors des réunions des actionnaires, par conséquent, ils ne votent pas, ce qui constitue une distorsion au principe sus-évoqué ayant trait à l'égalité des actions.

L'article 542 de l'AUSCGIE explique mieux cette situation car les actions rachetées par la société conformément aux dispositions des articles 639 et suivants sont dépourvues de droit de vote. Il ne peut en être tenu compte pour le calcul du quorum.

Nous comprenons alors mieux l'attitude du législateur OHADA qui n'a voulu que le salarié actionnaire ne soit qu'un détenteur précaire des actions qui demeurent toujours la propriété de la société. Ainsi le dispose l'article 625 du Code Civil Congolais Livre III, quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire. On peut, dans ce cas, affirmer que le salarié possède pour autrui. Devenant ainsi un détenteur précaire des actions qui lui sont attribuées, le salarié ne peut ni en user (en exerçant un droit de vote), ni en jouir (en bénéficiant d'un droit d'information), ni même en disposer car lesdites actions sont indisponibles et non négociables.

De cette manière, on est tenté de voir dans cette attribution d'actions inutilisables comme disait VASSEUR (1981, p. 64) cité par (KOMLAN ALAKI, 2014), un cadeau d'un capitalisme aux abois qui doute de lui-même et qui veut « se donner bonne conscience ou donner bonne conscience aux pouvoirs publics ».

En voulant contenir l'actionnariat salarié dans une proportion raisonnable, le législateur a contribué à créer une catégorie hétéroclite et inédite d'actions entre les mains des salariés.

Comme pour le cas de la privation du droit de vote, la détention d'actions ne donne pas au salarié le droit aux dividendes.

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