1.3.2. Actionnariat des salariés chezCongo
Airways.
Il est nécessaire de préciser avant tout
développement, la notion de l'actionnariat des salariés car
l'intérêt du personnel dans la viabilité à long
terme de son entreprise est un élément que le cadre en
matière de gouvernance d'entreprise devrait prendre en compte. La
participation du personnel, lié à la société par un
contrat de travail, dans la gestion de l'entreprise peut passer par
l'information, la consultation et la participation au conseil d'administration.
Mais elle peut également consister en une implication financière,
en particulier par l'actionnariat salarié. NSHINGU KAZADI (2013, p. 6)
précise que « le salarié, actionnaire de la
société qui l'emploie, cumulerait deux qualités et serait
par conséquent soumis à deux statuts différents.
Lié à l'entreprise par un contrat de travail, il est placé
sous sa dépendance ; propriétaire, il participe aux organes
de la société ».La participation des
salariés au capital relève d'une longue tradition dans certains
pays à travers le monde.
Ces régimes sont essentiellement
considérés comme un moyen de renforcer l'implication et la
motivation des travailleurs, d'augmenter la productivité et de
réduire les tensions sociales. Mais cette participation des
salariés comporte aussi le risque d'un manque de diversification : si la
société fait faillite, les salariés actionnaires peuvent
perdre à la fois leur emploi et leurs économies. En tant
qu'investisseurs, les salariés peuvent toutefois contribuer, de
manière importante, à accroître la proportion
d'actionnaires privilégiant les résultats à long terme.
En effet, l'actionnariat salarié ne peut mieux trouver
assise que dans une société par action, dont la SA. Cette
dernière est par essence une société qui requiert des
capitaux, donc une structure réunissant un nombre assez important
d'actionnaires. Le fonctionnement de la société anonyme est
dominé par la règle de la majorité dans les organes de
gestion et les organes délibérants, selon laquelle toutes les
décisions sont prises à la majorité simple ou
qualifiée au sens des article 129 et 550 de l'AUSCGIE comme dans une
démocratie. A cet égard,PAILLUSSEAU (1996)considère que :
« Le pouvoir dans la société n'appartiendrait pas au
peuple des actionnaires réuni en assemblées
générales » ;alors que GUYON (2001, p.
133)affirme qu'« En réalité, le pouvoir dans la
société serait exercé par les dirigeants, qui l'ont
confisqué, de telle sorte que le fonctionnement de ces
sociétés serait plus technocratique que démocratique
(...). On ne saurait transposer les techniques de la démocratie aux
sociétés commerciales, cela n'est pas possible : d'abord
à cause des objectifs poursuivis par la
société, l'objectif principal de cette dernière
étant de faire des bénéfices ou de réaliser des
économies. Par conséquent, mieux vaudrait pour l'actionnaire une
société dirigée de manière dictatoriale, mais qui
réaliserait des profits, plutôt qu'une société
parfaitement démocratique qui ne générerait que des pertes
; ensuite à cause de la qualité des personnes en présence
à savoir les actionnaires et le vote du budget de la
société. Mais l'idée d'analogie entre la
société anonyme et le régime démocratique n'est pas
à exclure. (...) si dans les sociétés anonymes, la
démocratie n'est pas une fin, elle est le moyen pour l'actionnaire de
s'assurer que la société est administrée et dirigée
d'une manière conforme à ses
intérêts » ; pendant que BADJI(s.d., p. 14)
expose que les manifestations de la démocratie qui sont
notamment : « la loi de la majorité, la
séparation des pouvoirs, la protection des minorités, la
diversification des modes de prises de décisions, la transparence, le
renforcement des règles du gouvernement d'entreprise, la liberté
contractuelle et l'intervention du juge ».
Avoir un droit de regard et participer à la vie de la
société tout en étant lié par un contrat de
travail, est la situation typique de l'actionnariat salarié qui se
comprend comme l'accès de celui-ci au capital social de la
société qui l'emploie. Il est dans ce sens, la situation d'un
salarié qui cumule deux qualités traditionnellement
incompatibles.
Or, l'entrée du salarié dans l'un des organes
sociaux peut constituer une menace pour les associés existants car elle
se traduit corrélativement par une diminution de leurs
prérogatives.
L'importance de la participation des salariés est
d'influer, voire de limiter le pouvoir de l'employeur devenu absolu à un
moment donné et qui lui permettait de procéder à la libre
organisation de l'entreprise. L'atténuation des pouvoirs du chef
d'entreprise s'opère, justement, à travers les
prérogatives du personnel reconnu comme une entité juridique
collective. Mais, l'analyse de la participation instituée par l'AUSCGIE
révèle que l'action exercée par le salarié sur la
gestion de la SA est limitée et insuffisante parce
qu'individuelle(KOMLAN ALAKI, 2014).
L'AUSCGIE organise la participation salariée en ses
article 639 et suivants. En droit interne congolais, en l'absence d'une
législation bien étoffée l'actionnariat salarié est
prévu à l'article 24 de la loi n° 08/008 du 07 juillet 2008
portant dispositions générales relatives au désengagement
de l'Etat des entreprises du portefeuille qui dispose que « La
cession d'actions, des participations ou d'actifs se fait contre paiement
préalable et intégral du prix. Des avantages spécifiques
portant notamment sur les modalités d'acquisition et de paiement peuvent
être octroyés aux salariés ou acquéreurs
congolais.
On voit alors par-dessus tout, l'importance du rôle
capital que joue le salarié dans la société.
1.3.2.1. La
légitimation par l'intérêt social du rôle
prépondérant du capital humain et visées de l'actionnariat
salariés sur la productivité et sur la stabilité du
capital social.
ZENATI(1987) devisait de « Rendre le
prolétariat propriétaire et l'ouvrier boursicoteur, voilà
une vieille lune qui a la vie dure». Voilà, un bien lointain
souhait car les démocraties sont des régimes
égoïstes, qui ne se préoccupent pas de
l'intérêt des non-citoyens, hier les esclaves, aujourd'hui les
étrangers. Partenaires qui participent étroitement au devenir de
l'entreprise, ils se trouvent pourtant aux marchés de la
société qui l'organise. Il s'agit de leur reconnaitre une
vocation à y entrer mais pour réaliser une plus-value(ASTAUT,
s.d., p. 267).
En effet,MAZEAUD (1964, p. 387) cité par BADJI (2016,
pp. 9-34)expose que l'ouvrier est par là même hors de l'entreprise
dans laquelle il travaille. Il n'est ni copropriétaire de l'entreprise
ni associé dans l'entreprise. Il ne participe ni à la
propriété ni à la gestion de l'entreprise. Le contrat de
travail qui lie le salarié à l'entreprise, est un contrat de
subordination ; ce n'est pas un contrat d'association.
On est vite tenté de se poser les questions si, c'est
ça la justice et ; si, la dignité du travailleur est-elle
respectée ou encore, si l'équilibre entre les
éléments qui collaborent à l'entreprise : capital et
travail, est-il réalisé ?
On comprend que, dans un monde extrêmement
concurrentiel, dans lequel les capitaux ne sont pas en eux-mêmes
créateurs de richesses, et ou les différentiations
concurrentielles entre les entreprises et les créateurs de valeur
dépendent, comme l'affirme PAILLUSSEAU (2005, p. 589), principalement de
l'innovation, de la créativité, des idées et du travail
des équipes des entreprises : l'apport du capital humain est,
dès lors, essentiel.
1.3.2.1.1. La
légitimation par l'intérêt social du rôle
prépondérant du capital humain
L'actionnariat salarié est une manifestation
de l'intérêt social. Cette notion a
été précisée plus haut.Toutefois, à la
lecture sur le développement de la notion de l'intérêt
social, il appert que le législateur de l'OHADA n'a pas pris clairement
position pour l'une ou l'autre de visions sus-développées.
Pour notre part, nous pensons que l'intérêt
social dépasse celui de l'Etat actionnaire. La prise en compte de
l'ensemble des partenaires de l'entreprise déplace le champ de
réflexion traditionnel : la performance ne doit plus
s'apprécier au regard des seuls intérêts des actionnaires
mais au regard de l'ensemble des stakeholders, ce qui impose de
bâtir de « nouveaux indicateurs de la performance globale
». Ainsi, comme soutenu par CHARREAUX &
DESBRIERES (1997),l'objectif de la firme ne serait plus de maximiser la valeur
actionnariale, mais plutôt la valeur totale ou globale de la firme.
Aussi, SAINT-JOURS (1993, p. 12)soutient également que
l'actionnariat salarié participe-t-il de l'idée d'une
démocratie participative destinée à assurer la
pérennité et le fonctionnement normal de la SA par les
« citoyens » que sont ses salariés. En effet, cette
tendance est une réaction contre la conception féodale de
l'entreprise caractérisée par le pouvoir absolu des
détenteurs du capital organique simplement éclairés par
l'avis des institutions représentatives du personnel.
Si le législateur africain revient dans plusieurs
dispositions de l'AUSCGIE, en ses articles 130 alinéa 2, 131 et 891,
pour fustiger les atteintes à l'intérêt social, la
participation salariée apparait de facto comme sa promotion.
En effet, aux termes de l'article 130 alinéa 2 de
l'AUSCGIE « les décisions collectives constitutives d'un
abus de majorité sont nulles. Il y a abus de majorité lorsque les
associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul
intérêt, contrairement aux intérêts des
associés minoritaires, sans que cette décision ne puisse
être justifiée par l'intérêt de la
société. La responsabilité des associes ayant
voté la décision constitutive de l'abus peut être
engagée par les associes minoritaires pour la réparation du
préjudice en résultant à leur
égard » ; dans l'article 131 de l'AUSCGIE il est
précisé que « les associés minoritaires ou
égalitaires peuvent engager leur responsabilité en cas d'abus de
minorité ou d'égalité. Il y a abus de minorité ou
d'égalité lorsque, en exerçant leur vote, les
associés minoritaires ou égalitaires s'opposent à ce que
des décisions soient prises, alors qu'elles sont
nécessitées par l'intérêt de la
société et qu'ils ne peuvent justifier d'un
intérêt légitime. La juridiction compétente peut
désigner un mandataire ad hoc aux fins de représenter à
une prochaine assemblée les associes minoritaires ou égalitaires
dont le comportement est juge abusif et de voter en leur nom dans le sens des
décisions conformes à l'intérêt
social y compris celui des différents associes »,
et ; l'article 891 de l'AUSCGIE précise que
« encourent une sanction pénale le gérant de la
société à responsabilité limitée, les
administrateurs, le président directeur général, le
directeur général, le directeur général adjoint, le
président de la société par actions simplifiée,
l'administrateur général ou l'administrateur
général adjoint qui, de mauvaise foi, font des biens ou du
crédit de la société, un usage qu'ils
savent contraire à l'intérêt de celle-ci,
à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour
favoriser une autre personne morale dans laquelle ils sont
intéressés, directement ou indirectement ».
Par ailleurs, il est fait la promotion de la participation
salariée, dans une perspective démocratique où la
réorganisation du capital organique nécessite l'accession des
salariés à l'exercice du pouvoir de décision par la
détention d'une partie du capital matérialisant le droit de
propriété sur les biens de l'entreprise. L'actionnariat
salarié constitue une forme de démocratie participative dans
l'entreprise ainsi qu'un moyen pour les employeurs d'absorber la contestation
sociale.
Ainsi donc, l'actionnariat salarié apparaît dans
la nouvelle donne de l'économie globalisée comme un enjeu pour le
développement des entreprises, d'où son impact sur la
productivité et la stabilité de la société.
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