2.2.1.2.2.2.
Affectio societatis
L'affectio societatis est un élément
spécifique du contrat de société et dont le défaut
peut par conséquent compromettre l'existence de la
société. Il en constitue l'élément intentionnel et
se défi nit en substance comme une volonté au moins implicite de
collaboration égalitaire dans une perspective commune
intéressée(GUYON, 2003, p. 14 et ss). Implicitement,
l'alinéa 2 de l'article 4 en fait une consécration formelle,
lorsqu'il dispose que « la société commerciale doit
être créée dans l'intérêt commun des
associés. »
L'affectio societatis peut être
présenté comme le fondement implicite des obligations (et
aussi des droits) des associés. Dès lors, c'est de lui que
découlent les obligations pour l'associé d'accepter les
décisions adoptées par la majorité. C'est encore de lui
que résultent à l'égard des associés, les
obligations de ne pas faire concurrence à la société ; en
effet, si l'associé est libre de faire partie d'une
société ou d'exploiter personnellement un fonds de commerce, il
est contraire à l'affectio societatis s'il concurrence
directement la société par une activité similaire à
celle exercée par cette dernière. La perte
caractérisée par l'un des associés de l'affectio
societatis peut conduire le juge à prononcer à lademande des
autres, son exclusion de la société(GUYON, 2003, p. 63).
De ce qui précède, il appert en principe que les
droits attachés à chaque action sont égaux, pour celles de
même catégorie et, de la conception classique de la
société anonyme, l'influence ne devait qu'être liée
de manière indissoluble au capital, car le principe de
l'égalité des actionnaires est considéré comme une
règle fondamentale du droit des sociétés.
« De même que l'égalité des individus est le
signe de l'unité, abstraite et fondamentale, de la condition de citoyen,
l'égalité des actionnaires devait être le témoignage
de l'unité de leur condition »(CARTIER-BRESSON, 2010, p.
121). Cependant, ce principe est mis à la rude épreuve des
exceptions de la proportionnalité des actions détenues, lorsqu'il
faut dégager la majorité, consécutive à
participation au capital. C'est pourquoi on a déduit des atteintes
portées par l'Etat au lien entre pouvoir et capital, comme c'est la cas
dans cette étude, ce qu'« il est illusoire de voir dans la
société (...) une expression du capitalisme, même
public (...). Aussi,si collectivités et particuliers
possèdent des droits de gestion exactement proportionnels à leurs
apports en capital, la logique du système capitaliste est sauve : la
propriété des biens reste le principede la mesure du pouvoir sur
les biens. Mais la pratique a précisément rompu cette
correspondance entre propriété et gestion »
Pourtant, la fragilité du principe
d'égalité des actionnaires est apparue de manière
évidente dès les années 1920, avec la prolifération
des actions à vote plural qu'on ne trouve d'ailleurs pas chez Congo
Airways. Si la loi du 13 novembre 1933 prononça leur prohibition en
France, le mouvement d'individualisation de la condition des actionnaires n'a
cessé de se poursuivre par d'autres voies. Ce phénomène
est tellement manifeste que certains auteurs n'hésitent plus à
qualifier l'égalité des actionnaires de « mythe
»BISSARA (s.d., p. 18) ;CARTIER-BRESSON (2010, p.
124) ;GUYON (1988, p. 229). En même temps qu'il l'a consacré,
le Conseil constitutionnel français a confirmé la
relativité du principe d'égalité des actionnairesdans sa
décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 relativeà la loi de
mutualisation de la Caisse nationale du Crédit agricole, lorsqu'il
reproduit le classique considérant de principe suivant lequel «
le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le
législateur règle de façon différente des
situations différentes, ni à ce qu'il déroge à
l'égalité pour des raisons d'intérêt
général pourvu que dans l'un et l'autre cas la différence
de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui
l'établit »(GUYON, 1988, p. 229). L'évolution de la
société anonyme a révélé qu'elle est une
« démocratie de capitaux » et non de personnes, car
« plus l'apport est important, plus le risque est élevé,
donc plus l'influence de l'apporteur dans la vie sociale doit être
reconnue »(GUYON, 2001, p. 133). En ce sens, le fondement de la
légitimité du pouvoir dans la société de capitaux
est patrimonial. Mais c'est un fondement plus économique que juridique,
plus diffus que le droit de propriété de l'entrepreneur
individuel.
Dès lors qu'il est manifeste que la répartition
du capital ne suffit plus à rendre compte de l'influence dans la
société anonyme, la véritable question qui se pose est de
savoir si les aménagements opérés par le
législateur communautaire en reconnaissance des sociétés
à régime particulier et celles exerçant une
activité règlementée, méconnaissent l'idée
suivant laquelle l'influence de l'Etat est légitimée par
l'application des textes de législation interne nonobstant l'application
de l'AUSCGIE.
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