2.3 Théories explicatives
Dans le cadre de la rédaction du présent
travail, nous avons choisi deux théories explicatives de notre
étude, il s'agit notamment de : les théories de l'apprentissage
et du développement.
2.3.1 Les théories de l'apprentissage et du
développement 2.3.1.1 Le cognitivisme de jean
Piaget
2.3.2 Justification théorique
L'approche cognitiviste s'intéresse surtout au
développement de l'intelligence et des processus cognitifs tels que la
perception, la mémoire et la pensée, ainsi qu'aux comportements
qui en résultent. Parmi les théoriciens qui appartiennent
à cette approche, Jean Piaget a eu une influence déterminante sur
la compréhension de l'intelligence du jeune enfant. De son
côté, Lev Vygotsky s'est également intéressé
au développement cognitif des enfants, mais en situant les
apprentissages dans un contexte socioculturel. Enfin, la théorie du
traitement de l'information s'est particulièrement
intéressée aux processus impliqués dans la captation et
dans la rétention de l'information. J. Piaget : la théorie des
stades du développement cognitif Le théoricien suisse Jean Piaget
(1896-1980) a été le plus éminent défenseur de
l'approche cognitiviste. Ses recherches ont considérablement
amélioré notre connaissance du développement de la
pensée de l'enfant.
2.3.2.1 Les quatre périodes du
développement intellectuel
Jean Piaget découpe le développement
intellectuel de l'enfant et de l'adolescent en quatre grandes périodes
ou niveaux. Piaget divise le développement psychologique de l'enfant en
plusieurs périodes, chacune elle-même divisée en stades,
conditionnant le suivant.
Les différents moments du développement sont :
1. La période de l'intelligence sensorimotrice (de la
naissance à 2 ans), divisée en 6 stades.
2. La période de l'intelligence
préopératoire (de 2 à 6 ans), divisée en 2
stades.
3. La période des opérations concrètes ou
de l'intelligence opératoire (de 6 à 10 ans).
60
4. La période des opérations formelles (de 10
à 16 ans).
Le fonctionnement cognitif est le même pour tous les
enfants appartenant à la même période. Les notions de
périodes impliquent que :
o L'ordre de chaque période soit toujours la même
chez tous les enfants ;
o Pour toutes les périodes, une organisation cognitive
existe (c'est-à-dire qu'on y trouve des pensées et des
comportements) ;
o Lors du passage à une autre période plus
avancée, les structures cognitives et les connaissances
déjà acquises sont intégrées (ce qui est
nommé l'emboîtement hiérarchique). Lorsqu'il y a passage
d'un stade à un autre, l'intelligence des enfants change
radicalement.
2.3.2.2 La période de l'intelligence
sensorimotrice
Au début, l'intelligence est essentiellement pratique.
Elle se construit en fonction des sens et de la motricité de l'enfant.
Elle lui permet d'organiser le réel selon un ensemble de structures
spatio-temporelles et causales. La période sensorimotrice inclut des
comportements et des connaissances de type sensoriel ou moteur. À cette
période, l'enfant ne possédant ni langage ni fonction symbolique,
ces constructions s'effectuent en s'appuyant exclusivement sur des perceptions
et des mouvements, autrement dit, par une coordination sensorimotrice des
actions sans intervention de la représentation ou de la pensée.
Au cours de cette période, les principales acquisitions cognitives sont
la causalité, la permanence de l'objet et la représentation
symbolique. Ce que Piaget entend par permanence de l'objet est le fait qu'une
personne accorde une existence aux choses « extérieures au moi,
persévérant dans l'être lorsqu'elles n'affectent pas
directement la perception » (Piaget Jean, 1937).
2.3.2.3 La période de l'intelligence
préopératoire
Piaget divise la période préopératoire
en 2 stades : le stade de la pensée symbolique (ou
préconceptuelle) et le stade de la pensée intuitive. Le stade de
la pensée symbolique concerne l'enfant de 2 à 4 ans environ,
tandis que celui de la pensée intuitive concerne celui de 4 à 6
ans environ.
2.3.2.4 La période des opérations
concrètes ou de l'intelligence opératoire
Pendant cette période, cette intelligence, dite
opératoire, reste dépendante de la présence dans le champ
de la perception des éléments sur lesquels porte la
réflexion, marquée par la
61
réversibilité de toute opération. La
période des opérations concrètes correspond au stade des
conduites opératoires. Cette période est marquée par
l'acquisition de certaines notions (les âges sont donnés à
titre indicatifs) :
o Les conservations physiques :
§ Conservation de la quantité de la
matière (7-8 ans) : un morceau de pâte à modeler contient
la même quantité de pâte qu'il soit présenté
en boule ou en galette.
§ Conservation de la quantité de poids (8-9 ans)
: un kilogramme de plume est aussi lourd qu'il soit présenté dans
un sac ou dans plusieurs.
§ Conservation de la quantité de volume (11-12
ans) : le volume d'un litre d'eau reste inchangé, qu'on le
présente dans une bouteille, ou dans un récipient plus
évasé.
o Les conservations spatiales :
§ Conservation des quantités numériques (7
ans) : quand on place une rangée de jetons peu espacés et qu'on
demande à l'enfant de prendre autant de jetons que l'exemple, il
réalisera correctement l'exercice.
§ Classification (8 ans).
§ Sériation (8 ans).
§ Groupements multiplicatifs : c'est la capacité
à combiner la classification et la sériation.
2.3.2.5 La période des opérations
formelles
Cette période est caractérisée par 5
éléments : le passage du concret à l'abstrait, le passage
du réel au possible, la prévision des conséquences
à long terme, la logique déductive et la résolution
systématique des problèmes.
Cette période est celle de l'adolescence. Vers 11-12
ans et jusqu'à 16 ans l'individu va mettre en place les schèmes
définitifs qu'il utilisera tout au long de sa vie. Alors que l'enfant,
jusqu'alors, ne pouvait raisonner que sur du concret, l'adolescent peut
maintenant établir des hypothèses détachées du
monde sensible. Dans la théorie piagétienne, l'accès
à la logique formelle est la dernière étape d'un processus
qui débute dès la naissance. Comme toute étape elle est le
fruit d'une succession d'adaptations au réel. Vers l'âge de 11 ans
l'enfant ne peut plus se contenter d'une logique concrète, il commence
à ressentir le besoin d'établir des hypothèses, des
raisonnements hypothético-déductifs (du type si...alors) pour
mieux appréhender le monde. Durant les cinq ans que dure ce stade les
schèmes logiques vont se mettre en place et s'affirmer jusqu'à ce
qu'ils soient totalement opérationnels vers l'âge de 16
62
ans. Jusqu'à l'adolescence, le possible est une forme
du réel. À la période de l'intelligence formelle, c'est le
réel qui est une forme du possible. Cela signifie que pour l'enfant la
base est le réel et qu'il échafaude des hypothèses
à partir de celui-ci, mais par la suite il est capable d'imaginer des
théories décontextualisées pour ensuite les appliquer au
monde sensible.
Tableau 2: J. Piaget : les stades du développement
cognitif
Stade
|
Age
|
Principales caractéristiques
|
Principales acquisitions
|
Sensorimoteur
|
Naissance à 2 ans
|
À partir de l'exercice des réflexes,
appréhension du monde par les sens et la motricité. Début
d'organisation cognitive.
|
Permanence de l'objet
|
Préopératoire
|
2à 6ans
|
Développement d'un système de
représentation. Utilisation croissante des symboles
(imitation différée, jeu
symbolique. Langage). Égocentrisme.
Non-conservation.
|
Langage, pensée
symbolique
|
Opérations concrètes
|
6à 12 ans
|
Utilisations d'opérations mentales
pour résoudre des problèmes
concrets. Compréhension des relations spatiales et des
liens de causalité augmente
|
Notions de conservation, classification,
réversibilité, décentration
|
Opérations formelles
|
12 ans Et plus
|
Pensée qui peut se détacher du concret et formuler
des hypothèses.
Peut envisager le possible. Peut réfléchir sur
des idées, des données abstraites.
|
Pensée abstraite, raisonne ment
hypothéticodéductif
|
De nombreuses théories composent l'approche
cognitiviste qui repose sur plusieurs postulats (Un postulat est une croyance,
une assise fondamentale à laquelle on adhère. Un postulat donne
naissance à de nombreux principes qui à leur tour, se composent
de règles que l'on peut décomposer en normes) dont certains
datent des années 30, grâce aux études de Edward Chace
Tolman (1932, 1938, 1942, 1959). Certains postulats sont issus d'autres
théories de l'apprentissage mais ont été adoptés
par les cognitivistes, comme c'est le cas de plusieurs principes du domaine de
l'ergonomie cognitive provenant de la psychologie gestaltiste ou encore des
nombreuses études du domaine de la linguistique et des neurosciences.
L'approche cognitiviste est beaucoup plus complexe que l'approche
béhavioriste et son évolution débute avec les apports des
néo- (Johanne Rocheleau Ph.D., 2009).
Dans ce texte, nous examinerons les différentes
théories constituantes de l'approche cognitivistes pour en
dégager les principes et les postulats utiles pour
l'enseignement-apprentissage. Nous procéderons de manière
chronologique afin de faire ressortir les différents
63
apports et de les mettre en relation les uns avec les autres
pour démontrer les influences et les évolutions qu'a connu
l'approche cognitiviste de l'apprentissage. Afin d'alléger le texte, les
principales références bibliographiques ont été
retirées. Cependant, vous les retrouverez à la fin du
présent document.
2.3.2.6 Les postulats néo-béhavioristes
de Tolman
Les premiers postulats cognitivistes sont nés en
réaction à certains postulats béhavioristes. Le premier
chercheur à se distinguer de l'approche béhavioriste
traditionnelle après Hull (le premier néo-béhavioriste)
fut Tolman, dont la théorie est appelée « purposive
behaviorism ». Bien qu'il conduise des études dont les sujets sont
encore des animaux (rats), Tolman parvient à dégager les premiers
postulats cognitivistes :
1. Le comportement se situe dans une dimension plus globale.
Tolman soutient que l'intention et la signification d'un comportement ne
peuvent s'expliquer dans la relation stimuli-réponses parce que d'autres
facteurs influencent le comportement.
2. L'apprentissage peut se produire sans renforcement. Tolman
renie l'importance accordée au renforcement en démontrant que ce
dernier peut tout aussi nuire à l'apprentissage. Par des études
comparatives et empiriques sur trois groupes de rats, Tolman démontre
que les rats n'ayant pas reçu de renforcement ont démontré
des performances supérieures aux autres groupes de rats ayant
reçu des renforcements administrés de manières
différentes. Il conduit ensuite plusieurs recherches et conclut que le
renforcement n'est pas un facteur critique pour l'apprentissage mais qu'il peut
influencer la performance.
3. Il peut y avoir apprentissage sans que des changements
soient constatés dans le comportement. Tout comme les tenants des
approches humanistes de l'apprentissage, Tolman constate que des apprentissages
peuvent être réalisés sans qu'ils se manifestent dans les
comportements. Il nomme ces apprentissages « apprentissages latents
». Plusieurs variables d'intervention doivent être
considérées. Tolman soutient tout comme Hull que la motivation,
l'habitude et l'intention jouent des rôles essentiels dans
l'apprentissage. Il ajoute que des états physiologiques et cognitifs
affectent les comportements observés. Il reconnaît l'importance
des différences individuelles dans l'apprentissage.
5. Le comportement est intentionnel. Pour Tolman, l'apprentissage
n'est pas qu'une réaction à un environnement ; il vise l'atteinte
d'un but pour agir sur l'environnement.
6.
64
Les attentes affectent le comportement. Lorsque quelqu'un a
appris qu'un certain type d'actions ou de comportements engendre certaines
conséquences précises, des attentes se manifestent par rapport
à ces conséquences. Tolman soutient alors que ce n'est pas le
renforcement qui affecte la réponse, mais l'expectative de cette
conséquence précise (qui pourrait être un renforcement) qui
affecte la réponse qu'elle précède.
7. L'apprentissage est le résultat d'un corps
organisé d'information. Toujours avec ses rats, Tolman a
démontré que l'apprentissage est une somme d'informations
organisées, les rats ayant intégré l'expérience
d'un labyrinthe A pour en déduire le chemin à parcourir dans un
labyrinthe B. En s'inspirant des travaux de la psychologie Gestalt allemande,
il élabore le concept de schèmes mentaux (cognitive map).
Si Tolman respecte le principe
d'équipotentialité des béhavioristes (ce qui s'applique
aux animaux s'applique aussi à l'homme), il apporte cependant un
éclairage nouveau sur le fonctionnement du cerveau humain et le
rôle qu'il joue dans l'apprentissage. Il inspirera de nombreux autres
chercheurs qui apporteront leurs contributions à l'élaboration de
l'approche cognitiviste, dont deux grandes tendances se dégageront :
1. les neurosciences ou psychophysiologie, qui tenteront
d'expliquer les comportements humains à partir des mécanismes
physiques de fonctionnement du cerveau, notamment par la psychologie
gestaltiste et la théorie des trois cerveaux de (McLean, Paul, 1978)
;
2. la psychologie cognitive qui visera l'établissement
de méthodes pédagogiques facilitant le traitement de
l'information en s'appuyant sur les résultats des recherches en
neurosciences.
|