INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le droit à l'éducation pour tous reste un droit
fondamental, incontournable et sans substitut. Il y'a de cela plusieurs
décennies, parler de l'abandon scolaire dans certains pays était
vu comme une question marginale, mais aujourd'hui, cette question marginale est
devenue une question préoccupantepour tous.Aujourd'hui, on compte
à 250 millions, le nombre d'enfant ayant été à
l'école, etsorti du système scolaire précossement et cela
sans savoir lire (Banque mondiale, 2016). Depuis toujours, l'éducation
joue un rolecrutial dans le développement économique. Platon
affirmait d'ailleurs qu'un homme qui néglige l'éducation traverse
la vie d'un pas chancelant. Les travaux de (Schultz& Becker, 1964) ont
montré à suffisance qu'il y'aune contiguité entre
l'investissement dansl'éducation et la croissance économique.
Selon cette approche, l'éducation constitue un investissement pour les
individus et la société ; cet investissement accroit la
productivité de ceux qui la recoivent et crée, par là, une
augmentation de leurs rémunérations. Ilest indéniable
qu'on ne saurait dissocier le développement économique, social et
culturel d'un Etat, de la maîtrise de son système éducatif.
Aucundeveloppement durable ne peut se faire sans un système
éducatif durable pour tous.
Plusieurs systèmes éducatifs dans le monde
souffrent aujourd'hui de maux chroniques, qui pour la plus parts, ne sont pas
toujours traités à leurs racines, mais au feuillage. Parmi ces
maux, nous avons celui de l'abandon scolaire.
Au Cameroun par exemple, il est inquiétant de noter que
selon les statistiques présentées par l'UNICEF dans son rapport
sur le secteur de l'éducation au Cameroun paru en Avril 2018, 17% des
élèves de la première année primaire, 20% des
élèves de la 5ème année primaire, 18,7% des
élèves de la fin du secondaire 1, et 14,9%
desélèves du secondaire 2 sont des décrocheurs
(UNICEF,2018). Ce qui fait de l'abandon scolaire depuis 2002 jusqu'à ce
jour, la plus grande cause de gaspillage des ressources affectées au dit
secteur.
L'abandon scolaire induit donc une perte d'efficacité
interne du système éducatif de l'ordre de 15% des ressources
investies(UNICEF, 2018). La question qui pourrait tarauder nos esprits est
celle de l'efficacité des différentes politiques, programmes, et
projets mis en place pour enrayer le phénomène d'abandon
scolaire. Le document de stratégie du secteur de l'éducation et
de la formation au Cameroun (2013-2020), élaboré en
2010,plaçait déjà les jalons de la politique
éducative pour la décennie afin de rendre le système
éducatif plus efficace. Le principal objectif était celui de
parvenir à un enseignement primaire universel de qualité. Cet
objectif s'inscrivait dans la lignée de la stratégie nationale de
croissance et d'emploi visant à fournir au système productif un
capital humain capable de satisfaire les besoins en termes de croissance
économique.
De nombreux progrès ont été
réalisésces dernières années sur
certainsindicateurs, à l'instar de l'augmentation du ratio
manuel-apprenant, le recrutement et le déploiement de nouveaux
enseignants, ainsi quel'évaluation des résultats d'apprentissage.
Cependant, le secteur éducatif reste encore confronté à de
nombreux défis dus notamment aux nombreuses crises auxquelles le pays
fait face depuis ces dernières années. Le plan sectoriel de
l'éducation actuel est axé sur l'amélioration de
l'accès et l'équité, la qualité et la pertinence,
ainsi que sur la gouvernance et la gestion du secteur. Améliorer
l'accès et l'équité à tous les niveaux de
l'éducation revient à augmenter le taux d'inscription
préscolaire de 40% dans tout le pays ; augmenter l'accès en
réduisant les disparités de toute nature dans l'enseignement
primaire et secondaire ; promouvoir l'alphabétisation tant chez les
enfants que chez les adultes. Tout ceci dans le but ultime de rendrele
système éducatif plus efficace. S'agissant de la gouvernance et
de la gestion scolaire, il s'agit ici d'élaborer des stratégies
pratiques permettant de retenir les enfants le plus longtemps possible à
l'école, et de leur éviter ainsi un abandon précoce des
études.
Depuis Adam Smith, la plupart des économistes
reconnaissent qu'au-delà des dotations factorielles dont peut jouir un
Etat, les compétences de la main d'oeuvre d'un pays représentent
un de ses atouts concurentiels les plus importants. De ce fait, la formation du
capital humain devient une priorité pour les économies. Les
travaux de Romer, de Robert Lucas et de Barro(1990), témoignent du fait
que la qualité de la formation d'un individu augmente sa
probabilité de trouver un emploi mieux rémunéré. Si
cela est vérifié dans le contexte Camerounais, il va d'un
raisonnement logique que ceux qui ne fréquentent pas, ou sortent
prématurément du système scolaire sans formation, sont
susceptibles d'être sans emploi ; comme quoi, les décrocheurs
d'aujourd'hui sont les chomeurs de demain.
Ramener sur la table du débat scientifique la question
de l'abandon scolaire, est loin d'etre une problèmatique creuse et vide
de sens. Plusieurs auteurs ont théorisé sur les causalités
éparses et nombreuses, relatives au phénomène d'abandon
scolaire. On distingue généralement trois grandes approches
théoriques relatives au phénomène d'abandon scolaire
à savoir : l'approche sociologique de l'abandon scolaire,
l'approche économique et l'approche psychologique. S'agissant de
l'approche sociologique de l'abandon scolaire, Bourdieu et Passeron
(1964, 1970)s'insurgeant contre la pensée fonctionnaliste des
années cinquante, qui pronait le fait que le système scolaire
soit basé sur la méritocratie et l'égalité des
chances. Pour ces deux auteurs de la sociologie de l'éducation,
l'école n'est que la reproduction des classes sociales existentes. A
l'aide de statistiques Francaises, ils montrent que chaque individu acquiert de
ses parents un capital culturel par le biais du style et du type de langage
utilisé par ses parents ; or, disent-ils, le langage utilisé
à l'école, n'est pas celui des classes
défavorisées, mais celui des classes privilégiées,
ce qui maintient les inégalités entre les pauvres et les riches
à l'école, car les élèves issus des classes
favorisées ont un capital culturel composé de savoirs faire,
savoirs être, et savoirs dire.De ce fait, ils comprendraient mieux le
langage et la volonté des enseignants (qui est celui de leurs parents),
que les élèves issus des classes défavorisées.
Ainsi, selon cette approche, les élèves qui abandonnent
l'école, sont ceux issus des classes défavorisées, comme
quoi l'école favorise les riches et défavorise les pauvres.
A la suite de la théorie sociologique de l'abanon
scolaire, les théoriciens précurseurs de l'économie de
l'éducation à l'instar de Becker, Shultz, Mincer
dans les années soixante, pensent que le contexte économique dans
lequel vit un individu explique ses choix en matière d'éducation
et d'acquisition du capital humain. Pour les psychologues de
l'éducation, les recherchent montrent que les jeunes qui abandonnent
l'école manifestent plus de comportements de délinquance et sont
des rebels (Bachman, 1972), ils ont pour la plupart un manque
d'estime de soi (Wehlage et Rutter, 1986) et des niveaux plus
élevés de dépression (Fine et Rosenberg,
1983).
A ces différentes approches théoriques
explicatives du phénomène d'abandon scolaire, se sont
ajoutés plusieurs travaux empiriques. Les travaux de Charest
(1980), regroupent les facteurs qui déterminent l'abandon
scolaire sous quatre catégories : les caractéristiques
individuelles, le milieu socioéconomique, la carière scolaire et
le vécu scolaire. Cette approche de Charest est d'ailleurs en accord
avecle modèle de Brofenbrenner (1979) ou
modèle de l'influence intégrée, dit
écologique parce qu'il considère le développement humain
comme étant fonction de l'interaction progressive et réciproque
entre la personne et son milieu (environnement). Selon ce modèle,
l'abandon scolaire serait la résultante de l'influence de plusieurs
environnements à l'instar de la famille. Les travaux de
(Delisle, 1988), etceux de (Henripin et Proux,
1989) sont révélateurs à ce sujet, car ils
montrent que des difficultés de communication avec la famille, des
modèles familiaux défavorables, les tensions entre les membres de
la famille, sont susceptibles d'influencer la complétude scolaire d'un
enfant.
Face au constat préalable que nous avons fait, letaux
d'abandon scolaire au Camerounreste élevé depuis plusieurs
années, ce qui induit une perte de l'efficacité globale du
système éducatif de l'ordre de 15 points. Nous avonsrelevé
de façon théorique, l'incidence du capital humain sur la
croissance économique, et par analogie, de l'abandon scolaire sur le
chomage et l'employabilité ; il nous semble intéressant de
questionner une fois de plus les déterminants de l'abandon scolaire au
Cameroun. Plusieurs études ont été faites dans ce sens
à l'instar de (Noumba, 2008), de(Ntouda,
2011),notre étude quant à elle, vient questionner de
façon spécifique l'existence d'un lien entre la structure
familiale et l'abandon scolaire au Cameroun. Notre objectif principal dans le
cadre de cette étude, est d'identifier les différents facteurs
qui inter agissent dans le processus d'abandon scolaire, et de manière
spécifique : montrer l'existence d'un lien entre la structure
familiale et l'abandon scolaire ; aussi, il sera question demontrer que la
propension à l'abandon scolaire est beaucoup plus élevée
chez les élèves issus des structures familiales instables, que
celle des élèves issus des structures familiales stables.
Notre hypothèse générale est que
plusieurs facteurs inter agissent dans le processus d'abandon scolaire ;
ce qui nous conduit à formuler deux hypothèses secondaires :
la première, il existe un lien entre la structure familiale et l'abandon
scolaire ; la deuxième, les élèves issus des familles
instables abandonnent plus l'école que ceux des familles stables.
Ce mémoire est organisé autour de deux
parties : la première partie analyse théoriquement la
relation entre instabilité familiale et abandon scolaire tandis que la
seconde partie présente la méthodologie et discute des
résultats des analyses empiriques. Nous aurons de ce fait cinq
chapitres. Le chapitre 1 qui énoncera la problématique de
l'étude, le chapitre 2 qui présentera l'approche théorique
de l'étude, le chapitre 3 présentera la méthodologie, le
chapitre 4 qui présentera et analysera les résultats, enfin le
chapitre 5 interprétera les résultats et montrera les
implications professionnelles.
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