2.2.5.2- Le sexe de l'enfant et
l'abandon scolaire
En Afrique de façon générale, et dans
certaines régions au Cameroun, la fille demeure « une force de
travail tout autant qu'un bien matrimonial, indispensable pour la famille, le
lignage, voire le groupe social étendu dont l'inscription à
l'école peut remettre en cause l'organisation domestique, pose des
problèmes pour la garde du nouveau-né, mais aussi rompre les
échanges matrimoniaux » (Geral, 1998 cités par
Kaboré et Pilon, 1999).
Cette marginalisation dont sont victimes les filles en
matière de scolarisation tire ses fondements dans le processus de
socialisation et d'éducation familiale qui met plus l'accent sur la
dépendance que sur la réussite des filles. En conséquence,
dans les sociétés traditionnelles africaines, la fille n'a pas
besoin de l'éducation formelle pour assurer son rôle de
mère et d'épouse, (Mungah 1993, cité par Wakam et al.
1999).
Les caractéristiques individuelles des enfants
affectent leur scolarisation. Des études ont montré qu'en
Afrique, la différence de scolarisation entre fille et garçon
existe. Les études sur la performance scolaire des enfants montrent que
les filles réussissent mieux à l'école que leurs camarades
de sexe masculin, les travaux effectués par Marcoux (1994) et Wakam
(2003) révèlent une sous scolarisation des filles due à la
participation à des travaux et aux activités domestiques que les
garçons.
Au Mali par exemple, Marcoux montre que, 97% des filles
participent aux travaux domestiques contre 25% des garçons. Aux
Caraïbes, on a pu constater que les filles, comparativement aux
garçons, ont une scolarité plus stable et longue, qu'elles
abandonnent plus rarement leurs études et parviennent à des
niveaux d'éducation fonctionnelle plus avancés à l'issue
de leur scolarité que les garçons (UNESCO, 2004).
Dans les pays industrialisés, et plus
précisément les pays de l'OCDE, on a également
remarqué que les filles de 15 ans révolus obtenaient, dans les
domaines littéraires, de meilleurs résultats que les
garçons du même âge. Dans les domaines scientifiques par
contre, les garçons enregistraient des performances supérieures
à celles des filles. Néanmoins, des études plus
récentes montrent une amélioration des compétences
féminines dans les disciplines telles que les mathématiques et
les sciences, ceci à cause des initiatives scolaires et de
l'évolution générale du rôle de la femme dans la
société (UNESCO, 2004). De manière générale,
les meilleures performances scolaires féminines s'expliquent par la
maîtrise du raisonnement verbal, l'adoption de stratégie
d'apprentissage plus efficace et leur aspiration professionnelle plus
ambitieuse que celle des garçons.
L'écart entre les rendements scolaires des filles et
des garçons est d'autant plus accru qu'à l'adolescence, les
garçons éprouvent très souvent du dédain pour
l'autorité, subissent plus fortement la pression de leur groupe d'amis
et adoptent des comportements de petits durs afin d'affirmer leur
masculinité (UNESCO, 2004). Cette affirmation de leur virilité se
manifeste également par des retards et un absentéisme plus ou
moins régulier lors des enseignements. Au regard de la
sous-scolarisation féminine, de leurs lourdes responsabilités
domestiques et des pesanteurs sociales et culturelles, on peut fort
opportunément se demander si ce qui est constaté dans les pays
industrialisés peut être également valable pour les pays
africains.
Ainsi la femme est d'abord mère et épouse et sa
fonction principale est celle de la reproduction. Chez ses parents, elle est
considérée comme une « résidente passagère
» devantsubir une migration pour cause de mariage alors que chez son
mari, elle reste étrangère venue d'une famille à laquelle
elle reste rattachée. La femme se marie très jeune et exerce la
plupart de ses activités au sein du foyer conjugal sans perspectives
d'épanouissement personnel et individuel autre qu'au service d'autres
personnes (Tchabewou, 2002).
A contrario, l'homme est perçu comme celui à qui
incombent les charges du ménage. Il lui revient par conséquent
d'exercer des activités hors du foyer conjugal afin de subvenir aux
besoins de sa famille ou de son ménage.
L'école offrant les possibilités d'insertion
dans des activités pérennes et valorisantes, l'inscription et
l'encadrement du garçon dans les institutions scolaires s'avèrent
de facto assuré de la part des parents. Ces normes et perceptions
spécifiques à la société africaine dans sa
majorité expliquent en grande partie la réticence à la
réussite scolaire de la fille en raison du statut particulier de la
femme auquel elle est appelée à devenir.
Alors que l'existence d'une performance scolaire
différentielle en Afrique subsaharienne selon le sexe de l'enfant en
faveur du sexe masculin est un facteur explicatif de la composition
diversifiée des ménages rencontrés en Afrique. De nombreux
travaux de recherche montrent effectivement que la scolarisation des enfants
est affectée par la composition du ménage. Cette dernière
participe tantôt à la scolarisation, tantôt à la
sous-scolarisation. Ainsi cette influence de la composition des ménages
sur la fréquentation scolaire des enfants est fonction de la taille du
ménage, de la présence des enfants en bas âges, de la
présence d'adultes et des personnes âgées.
On a constaté que la présence des enfants en bas
âge constitue une entrave à la fréquentation scolaire des
enfants. Ceci parce que ces enfants demandent de la part de leurs
aînés beaucoup de soins et d'attention (Chernikhovsky 1985). Au
Botswana, Lloyd et Blanc (1996) dans leur étude portant sur sept pays
d'Afrique subsaharienne montrent que, la présence des personnes
âgées et surtout celle des femmes âgées agit
positivement sur la scolarisation, car ces dernières participent aussi
aux activités domestiques ; ce qui témoigne de la
substituabilité des activités domestiques entre les femmes et les
enfants, aussi entre femmes et fillescorroborée par les études
(DeVreyer 1994 ; Clevenot et Pilon 1996) comme une réalité peu
surprenante, cela se rencontre aussi bien chez les hommes chefs de
ménages que chez les femmes chefs de ménages. Cependant, les
femmes chefs de ménages accordent autant d'importance à la
réussite scolaire de leurs filles que de leurs fils.
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