Titre II. Face à l'insécurité
juridique, une régulation nécessaire
Le cadre juridique des ICOs est flou, et source
d'insécurité juridique. Les investisseurs ne sont pas
suffisamment protégés, c'est pourquoi une réglementation
propre aux ICOs semble nécessaire (Chapitre 1). Tout comme concernant
les titres cotés, admis aux négociations d'un dépositaire
central où la législation n'admettant pas l'utilisation d'un DEEP
ne permet pas son utilisation dans un cadre sécurisé (Chapitre
2).
Chapitre 1. Une réglementation spécifique
des ICOs inéluctable
L'autorégulation qui a pu être mise en oeuvre est
insuffisante pour protéger les investisseurs (Section I), c'est pourquoi
les différents acteurs de la chaîne de blocs se positionnent en
faveur d'une réglementation (Section II).
Section I. Une autorégulation non
satisfaisante
Du fait de l'objectif initial d'émancipation des
autorités centrales poursuivi par la blockchain peut-on
envisager une autorégulation de celle-ci ? Il nous semble que non, de
par le besoin de sécurité des investisseurs ( 1) qui ne peut
être satisfait par une (auto)régulation insuffisamment robuste
(§2).
57 « Quand la Russie se lance dans la réglementation
des ICO », Journal du Coin, 3 avril 2018
58 « Malte définit un cadre juridique clair sur les
cryptoactifs » Journal du Coin, 23 Avril 2018
§1. 18
Une sécurité
nécessaire
Au départ, les investisseurs participant aux ICOs
étaient des experts et les émetteurs constituaient un petit
milieu de spécialistes, connus et reconnus, dont les investisseurs
pouvaient jauger la valeur. Or désormais les ICOs s'adressent
également à des investisseurs profanes, une
sécurité plus forte devient nécessaire pour les
protéger. Comprendre si une ICO a un intérêt
économique, si elle est viable et robuste nécessite des
connaissances en cryptographie qui ne sont pas communes et les conseillers
extérieurs n'offrent aucune garantie certifiée de leur
impartialité.
Le flou juridique qui entoure les ICOs n'est pas propice
à l'expansion du système car la confiance est un prérequis
nécessaire pour un investissement. La liberté amène une
insécurité et peut nuire à une compétitivité
saine et à la confiance des investisseurs.
§2. Une autorégulation insuffisante pour
garantir la protection des investisseurs
Certains arguent pour une régulation du système
par lui-même, des initiatives ont d'ailleurs vu le jour telles que
ConsenSys Diligence, Project transparency ou encore
l'élaboration d'un Code de conduite par l'association Suisse Crypto
Valley59 ou le « Security Law
Framework60». En France une autorégulation s'est
mise en place rapidement via l'AMF à titre non officiel, les
émetteurs français consultaient l'AMF avant d'émettre sur
le marché, c'est pourquoi les ICOs en France sont moins nombreuses et de
bonne qualité. Or si cela fonctionne en France, ce n'est pas le cas pour
d'autres pays, où ce type d'autorégulation ne s'est pas mis en
oeuvre. De plus, pour combien de temps cette autorégulation
fonctionnera-t-elle encore ? Toutes ces initiatives ne sont pas contraignantes,
tout émetteur d'ICO n'est pas dans l'obligation de respecter un code de
conduite, ces initiatives sont basées sur une démarche proactive
des utilisateurs. Dès lors, cela n'est pas suffisant pour
protéger les investisseurs et garantir la confiance61.
D'autant que certaines agences de notation sont
considérées comme non fiables62 et effectuent pour
certaines un travail d'analyse technique superficiel, examinant d'avantage le
potentiel économique, que les risques des projets63. De plus
en plus d'acteurs s'élèvent contre le manque de transparence des
ICOs, pourtant condition essentielle à leur bon fonctionnement. On
retrouve ce manque de transparence dans la technologie employée
où les smart contracts ne sont déployés
qu'à l'issu de l'opération et où il est impossible de
connaître en temps réel le montant des fonds levés
où d'autres qui changent le « soft cap », c'est
à dire le montant qui s'il n'est pas atteint déclenche le
remboursement des investisseurs, en pleine levée de fonds. Egalement le
rôle des conseillers, qui sont des personnalités reconnus dans le
milieu de la blockchain et qui étudient le projet est flou et
les modalités de leur participation restent très incertaines. Ces
conseillers apportent une caution aux ICOs, par exemple le projet TheDAO
en 2016 avait bénéficié de conseillers prestigieux,
apportant du crédit au projet qui a fait une levée record de
fonds et qui a été piraté du fait d'une faille dans le
code64.
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