§3. Définition du développement
durable
Comme toutes les théories relevant de la pensée
économique, le développement durable a connu tout un long
processus avant d'être systématisé et accepté, par
la communauté internationale comme le modèle de
développement de ce siècle finissant et à venir.
Trois périodes permettent de retracer de façon
précise son émergence. Il y a les années 70 avec la
conférence de Stockholm, les années 80 avec le rapport BRUNDTLAND
et enfin l'année 1992 qui était l'occasion pour le concept de
connaître la grande consécration au travers la conférence
de Rio de Janeiro.
Lorsqu'on parle du développement durable l'on a
l'habitude de faire uniquement allusion à la conférence de Rio,
oubliant que ce concept a une histoire, celle que nous venons de résumer
en trois étapes.
Le développement durable est à la fois un
concept ancien et nouveau. Il est ancien dans la mesure où,
déjà du point de vue de ses implications il a été
mis en avant mais sans succès. Dans ce sens, nous pouvons nous
référer aux travaux de la conférence de Stockholm
(conférence mondiale sur l'environnement humain, du 5 au 16 Juin 1972)
qui en a élaboré l'ébauche28.
Parvenir à une définition de
développement durable qui serait acceptée par tous, reste un
défi que se doivent de relever tous ceux qui sont engagés dans le
processus de développement.
En effet, ce concept a fait l'objet de tout un foisonnement
d'interprétations. J PEZZEY29 dans son ouvrage
intitulé Economic analysis of sustainable development, a
recensé plus de soixante définitions du concept dans la
littérature économique contre six dans le rapport de la CMED.
De ce fait, le concept apparaît donc à la fois ou
et peu convainquant car la multiplicité de définitions ouvre le
champ à qui le veut de faire une interprétation du concept allant
dans le sens de ses propres intérêts. Le caractère nouveau
du concept tient en revanche à la nouvelle appellation de ce qui
était entendu comme une gestion judicieuse de l'environnement par la
croissance, mais aussi aux mécanismes pratiques mis en places pour sa
réalisation effective.
En effet, la médiatisation fort poussée du
concept lui donne un caractère foncièrement nouveau. Ainsi, les
travaux de la commission mondiale pour l'environnement et le
développement, présidée par Madame Gro Harlem BRUNDTLAND
et la conférence de Rio de Juin 1992 devaient permettre au concept
d'avoir une audience beaucoup plus grande. L'on a pu donc dire à cet
effet que le rapport BRUNDTLAND a présenté officiellement
à l'ensemble des Pays le concept de développement durable.
Malgré la polémique née du débat
Nord/Sud ou plutôt pays industrialisés et ceux appelés par
pudeur pays en développement, la conférence s'est quand
même accordée sur ce que la protection et l'amélioration de
l'environnement humain est une question d'importance majeure et qu'il faille
à ce titre veiller à ce que les populations et l'environnement
dans le monde ne soient plus affectés par le développement
économique.
27 NGUYEN QUOC DINH et al.,op.cit.,p.1231
28 Débat sur l'environnement,
développement et coopération, présidé par M
Edgard PISANI (président de l'institut du monde arabe), Evénement
européen, sept 93, P 262
29 PEZZEY, J., Economic analysis of sustainable
development, the world bank, Mars 1989
16
Regroupés autour de M. Stephan SCHMIDHIENY, conseiller
de M. STRONG, le business council for sustainable development, composé
de 50 chefs de grandes entreprises a mené depuis 1990 une
réflexion qui a abouti à la publication d'un manifeste
présenté publiquement à Rio de Janeiro le 29 Mai 1992,
c'est-à-dire quelques jours avant l'ouverture de la conférence:
« Changer de cap, réconcilier le développement de
l'entreprise et la protection de l'environnement, Dunod, Paris, 1992.
Cet ouvrage se propose de préciser le contenu d'un
développement durable et de faire connaître les nombreuses actions
déjà menées par les industriels pour préserver
l'environnement.30
Ce fut l'occasion de l'émergence du concept
d'écodéveloppement qui se voulait une stratégie
du développement fondée sur une gestion judicieuse des ressources
locales, et du savoir-faire applicable aux zones rurales et au monde entier.
Selon GENDRON (2004), « la notion de « DD »
s'est propagée de façon autonome, sans que l'arrimage avec
l'imposante littérature sur le développement ne soit toujours
fait »31. Or, si ce concept fait l'objet de multiples
interprétations aujourd'hui, il emboite tout simplement le pas du
concept développement qui a connu plusieurs débats
théoriques. En effet, le vocable développement fait son
apparition au sortir de la deuxième guerre mondiale.
Perçu alors comme une croyance occidentale, il prend
véritable forme lors du discours du président américain
TRUMAN en janvier 1949 dans lequel « il lance l'idée d'un programme
qui fasse partager les acquis scientifiques et industriels de son pays avec les
régions sous-développées... »32 .
Ce fut le début des débats entre le Nord et le
Sud, le Nord justifiant ses interventions par la théorie de la
modernisation6 et les étapes de la croissance de Rostow ainsi que le
Sud, fustigeant une main mise néo-colonialiste et réclamant son
autonomie. C'est la raison pour laquelle une tentative de définition du
concept « DD » le replace dans le prolongement d'un débat
ancien en économie, débat portant sur les contradictions
engendrées par le processus d'accumulation de richesses. Une
deuxième tentative se focalise sur la dégradation de
l'environnement et l'épuisement des ressources naturelles.
Ainsi, pour les théoriciens de la croissance et ou du
développement, notamment HICKS (1946) définit le critère
de durabilité comme équivalent à la quantité de
richesses que l'on peut consommer durant une période, sans que l'on
s'appauvrisse entre le début et la fin de cette période. Si l'on
s'en tient à cette définition, pour le Dr TCHOUASSI, « la
problématique du « DD » s'enracine dans les interrogations sur
les conditions favorables à la création d'un surplus
économique et à l'accumulation de richesses sur le long
terme», ce qui laisse entrevoir que le « DD » met en exergue
l'origine de l'accumulation des richesses dans la mesure où il y a une
croissance au départ et celle-ci doit être durable.
Les économistes classiques, qui avaient une vision
dynamique des sociétés c'est-à-dire que l'enrichissement
des nations était lié à l'accumulation du capital par une
certaine partie de ladite société, bien qu'exprimant globalement
leur confiance dans la régulation de l'économie par le
marché, se sont butés au « principe de population » de
MALTHUS.
Dans ce cas, Citation donnée par GENDRON (2004) dans
Développement Durable et Economie Sociale : Convergences et
articulations.
Fallait-il arrêter les naissances pour éviter
l'épuisement des ressources qui sont utilisées à nourrir
une population croissante ? Et si la population croît plus rapidement que
les ressources, un danger plane à l'horizon. Ce danger n'est autre que
le déséquilibre qui entraînera le manque
d'équité, équité prônée par le «
DD ».
30SCHMIDHIENY, S., Changer de cap,
réconcilier le développement de l'entreprise et la protection de
l'environnement, Dunod, Paris, 1992
31 GENDRON (2004), Développement Durable et Economie
Sociale : Convergences et articulations.
32 TRUMAN(1949) dans son discours en faveur des pays
en voie de développement.
17
STUART MILL (1848) va poser les bases du « DD » un
siècle bien avant en déclarant « ce ne sera, que quand, avec
de bonnes institutions, l'humanité sera guidée par une judicieuse
prévoyance, que les conquêtes faites sur les forces de la nature
par l'intelligence et l'énergie des explorateurs scientifiques
deviendront la propriété commune de l'espèce et un moyen
d'améliorer et d'élever le sort de tous »33. Ce
qui laisse entrevoir que la base du « DD » repose sur le changement
de mentalités tandis que son noeud est symbolisé par le partage
et la coopération.
Pour certains marxistes notamment O'CONNOR (1992), qualifie le
« DD » comme étant «la seconde contradiction du
capitalisme » qui se traduit par l'apparition des problèmes
environnementaux ».
Pour tenter d'expliquer ce concept, D. CLERC (2002), par
exemple, différencie le
développement humain du développement durable.
En effet, les deux termes recouvrent toujours la même divergence.
Avec le développement humain, se pose la question de
l'apparition et de l'utilisation des richesses nouvelles, comme le
développement durable renvoie au contenu de ces richesses en
énergies et en matières non renouvelables, ainsi qu'à
leurs effets à long terme sur l'ensemble de l'humanité. Il
ressort de cette définition, une notion très importante qui est
celle du temps. Si bien qu'il y a dans cette prise en compte du temps,
l'idée que le développement durable, renvoie, finalement,
à la nécessité de la non-décroissance des richesses
(ressources naturelles) au cours du temps.
Selon BLANCHET Ph. (2002), le « DD » n'est
d'ailleurs pas seulement une préoccupation ou un objectif pertinent pour
les pays et les populations Cité par Dr TCHOUASSI, «
Mécanismes internationaux du Développement Durable »
(2011).
Il est en effet porteur d'une critique à l'égard
des modes de développement qui affectent tout autant, voire plus, les
pauvres que les riches. En outre, le développement durable est une forme
de réponse aux problèmes environnementaux qui nécessitent
et favorisent un renforcement de la démocratie. Enfin le
développement durable est un partage équitable de l'avoir, entre
générations présentes et les générations
futures.
Selon GENDRON (2004), « la notion de « DD »
s'est propagée de façon autonome, sans que l'arrimage avec
l'imposante littérature sur le développement ne soit toujours
fait ». Or, si ce concept fait l'objet de multiples interprétations
aujourd'hui, il emboite tout simplement le pas du concept développement
qui a connu plusieurs débats théoriques.
En effet, le vocable développement fait son apparition
au sortir de la deuxième guerre mondiale. Perçu alors comme une
croyance occidentale, il prend véritable forme lors du discours du
président américain TRUMAN en janvier 1949 dans lequel « il
lance l'idée d'un programme qui fasse partager les acquis scientifiques
et industriels de son pays avec les régions
sous-développées... »34.
Ce fut le début des débats entre le Nord et le
Sud, le Nord justifiant ses interventions par la théorie de la
modernisation et les étapes de la croissance de Rostow ainsi que le Sud,
fustigeant une main mise néo-colonialiste et réclamant son
autonomie. C'est la raison pour laquelle une tentative de définition du
concept « DD » le replace dans le prolongement d'un débat
ancien en économie, débat portant sur les contradictions
engendrées par le processus d'accumulation de richesses. Une
deuxième tentative se focalise sur la dégradation de
l'environnement et l'épuisement des ressources naturelles.
Ainsi, pour les théoriciens de la croissance et ou du
développement, notamment HICKS (1946) définit le critère
de durabilité comme équivalent à la quantité de
richesses que l'on peut
33 STUART MILL (1848), Notion de développement
durable.
34 GENDRON (2004), Développement Durable et Economie
Sociale : Convergences et articulations.
18
consommer durant une période, sans que l'on
s'appauvrisse entre le début et la fin de cette période.
Si l'on s'en tient à cette définition, pour le
Dr TCHOUASSI, « la problématique du « DD » s'enracine
dans les interrogations sur les conditions favorables à la
création d'un surplus économique et à l'accumulation de
richesses sur le long terme». Ce qui laisse entrevoir que le « DD
» met en exergue l'origine de l'accumulation des richesses dans la mesure
où il y a une croissance au départ et celle-ci doit être
durable. Si ce concept n'a pu faire fortune ou a connu des difficultés
pour sa mise en oeuvre, cela était dû au désaccord qui a
précédé son élaboration. Il y avait une sorte
d'absence de consensus autour de lui. Mais à présent, le fil des
années vient de renverser l'ordonnance des choses.
En effet, le développement durable qui est une
«version réactualisée» de
l'écodéveloppement requiert de plus en plus d'audience.
Du point de vue de son contenu le développement durable
tire ses origines de la conférence de Stockholm. Plusieurs
éléments attestent suffisamment ce propos. Pour s'en convaincre,
nous allons citer deux principes de la déclaration de la
conférence. Le premier dit que: «L'homme a un droit fondamental
à la liberté, à l'égalité et à des
conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité
lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le
devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour
les générations présentes et
futures...»35.
Pour le second principe, :«Les ressources du globe, y
compris l'air, l'eau, la terre, la flore, la faune et particulièrement
les échantillons représentatifs des écosystèmes
naturels doivent être préservés dans l'intérêt
des générations présentes et à venir par une
planification ou une gestion attentive selon que de besoin ».
On retrouve dans ces deux principes le maillon important de la
définition du développement durable proposée par le
rapport BRUNDTLAND, c'est-à-dire, «un développement qui
répond aux besoins des générations présentes sans
compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs".36
Ceci étant dit, on peut conclure que le
développement durable, dans ses implications notamment, est un paradigme
ancien qui n'était pas réellement appliqué en raison des
intérêts égoïstes des Etats.
Nous pouvons retrouver cette déduction dans les propos
de M. Ignacy SACHS: « La conceptualisation de
l'écodéveloppement a surtout été
élaborée au cours des années 71-75, et le rapport
Brundtland n'a pas apporté d'idées très neuves".
37
Toutefois, le rapport BRUNDTLAND et la conférence de
Rio de Janeiro de Juin 1992 auront le mérite de le faire revivre tout en
l'étayant et lui conférant des aspects multidimensionnels qui lui
permettent aujourd'hui d'occuper le devant de la scène internationale.
On a pu ainsi parler des origines récentes du développement
durable.
Ainsi, on peut se permettre de dire que le concept de
développement durable présente une vision
"écocentrée" et "anthropocentrée"; suivant qu'elles se
donnent pour objectif essentiel la protection de la vie en
général (et donc de tous les êtres, du moins ceux qui ne
sont pas encore condamnés) ou le bien être de
l'homme38.
Le développement durable tend donc à exiger une
prise en compte des intérêts sociaux et environnementaux au
même titre que les intérêts économiques par le
développement. En ce sens,
35 GENDRON (2004), Développement Durable et Economie
Sociale : Convergences et articulations.
36 Notre avenir à tous,
Commission mondiale pour l'environnement et le
développement, édition du fleuve, publications du Québec,
1987, p.10
37 Le développement
reconsidéré : in revue du tiers monde, n°134, p. 59
38 COMELIAU, C., Développement du
développement durable, ou blocage conceptuel? Revue tiers monde,
n°137, 1994, page 61
19
celui-ci ne doit plus être seulement mesuré par
rapport au PNB par têtes d'habitants, mais doit désormais tenir
compte de l'amélioration ou la détérioration des
réserves en ressources naturelles qui a des effets sur la santé
des populations.
La section suivante est réservée à la
consécration de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement durable.
|