§3. Le cadre général de la
responsabilité civile environnementale au plan international
Classiquement, pour prétendre à
réparation les victimes d'atteintes devaient prouver trois
éléments indissociables à savoir : qu'il y a eu d'abord
une « faute », ensuite, que cette faute a occasionné un «
dommage », qu'enfin, le « préjudice » qu'elles ont subi
résulte directement de cette faute. Il n'apparait pas nécessaire
de développer de façon détaillée ces conditions de
droit commun, mais d'en examiner les interférences. Le préjudice
réparable de droit commun était donc perçu comme un
préjudice personnel qui atteignait la victime dans sa personne, dans ses
proches ou dans ses biens.
Inéluctablement, cette théorie de la
responsabilité parce qu'elle était subjective, stricte et
excluait plusieurs victimes collatérales ou indirectes et autres
victimes personnes morales surtout privées (Associations de
défense de l'environnement, mouvements écologiques...)
s'avérait impropre162 à une prise en charge juste et
équitable du dommage environnemental tant pour situer les
responsabilités que pour réparer les dommages.
Ceci, du fait que les dommages environnementaux sont par
essence des dommages à large spectre, c'est-à-dire des dommages
collectifs qui touchent souvent un nombre important de personnes à la
fois dont chacune doit pouvoir prétendre à réparation.
Finalement, l'on peut s'interroger de savoir quelles peuvent
être les conséquences de l'objectivation de la
responsabilité civile environnementale et des faveurs faites aux
victimes par rapport à l'efficacité même de la
réparation des atteintes environnementales?
Le dommage classique n'est réparable que s'il est
direct, actuel, certain et si la victime justifie de son intérêt
à agir.
Concernant la faute civile, elle est constituée
dès lors que du fait de la négligence, de l'imprudence ou
intentionnellement, une personne cause à autrui ou à un bien
appartenant à un tiers des dommages qu'ils soient matériels ou
immatériels (responsabilité délictuelle). La faute peut
résulter également de l'inaction ou être le fait d'une
chose dont on est propriétaire (responsabilité des choses) ou que
l'on détient même à titre précaire.
Enfin, la faute civile peut être liée à la
mauvaise exécution d'une obligation prédéfinie d'origine
contractuelle (la responsabilité contractuelle).
Avant de consacrer la faute environnementale, certains pays
comme la France avaient prévu un mécanisme souple qui permettait
de retenir la responsabilité d'une personne physique ou morale qui a
161 Idem
162 ROBIN, C., La réparation des
dommages causés par l'Erika : un nouvel échec dans l'application
du principe pollueur-payeur, RJE, 1/2003, p. 32
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manqué à son devoir de sécurité
envers les autres (responsabilité des produits défectueux,
article 1386-1 du Code civil français).
S'agissant du dommage civil, c'est l'altération ou la
détérioration par un auteur (dommageur) d'un bien ou d'une chose
lui appartenant ou appartenant à un tiers. C'est en outre l'atteinte
physique volontaire ou involontaire qu'une personne (l'auteur) occasionne
à autrui (la victime). Le dommage civil est prouvé par sa
matérialité et rarement par présomption.
Quant au lien causal, c'est à la victime qui
prétend avoir été lésée ou atteint dans ses
biens ou dans sa personne de faire la preuve que les préjudices qu'il a
subis sont directement liés à l'agissement fautif de l'auteur.
A l'opposé de la réparation du dommage civil, la
réparation du dommage écologique outre son caractère
indirect, incertain et futur, peut être mis en oeuvre par toute personne
qui en a souffert.
En droit commun, le préjudice doit être direct et
personnel pour donner droit à réparation, en matière
environnementale la preuve du caractère personnel est bien souvent
difficile à faire dans le cas du dommage environnemental parce que la
nature est un bien collectif qui De même, dans dommage écologique
il n'est pas exigé que responsable ait commis une faute.
Dans tous les cas, la démonstration du lien entre la
faute et le dommage est ici plus difficile à faire. En
conséquence, la victime est admise avec plus de largesse et de faveur
quant à la production de la preuve.
Les présomptions et risques appréciées
souverainement par les juges, suffisent souvent à emporter la
responsabilité. La Convention, elle permet ainsi aux juges de
«tenir dûment compte du risque accru de provoquer le dommage
inhérent à l'activité dangereuse163 (article
10) pour apprécier et justifier le lien de causalité.
Sanctionner en présence d'un moindre «risque
» réel ou futur, c'est l'une des originalités du droit
international de l'environnement qui, face au haut désir de
prévention et de protection fait fléchir les règles de
responsabilité de droit commun.
C'est le cas en droit français depuis un certain moment
où la responsabilité civile fondée sur les articles 1382
(responsabilité pour faute), 1383, 1384 (responsabilité du fait
des choses), 1386 (responsabilité du propriétaire) a
été jugée inadaptée à répondre
promptement aux besoins de la réparation des dommages environnementaux
dus à des pollutions par des déchets industriels.
Ce fléchissement des règles civiles est
compréhensible au regard des enjeux. Certaines atteintes
environnementales pouvant décimer des millions de personnes sinon
exterminer la planète si elles venaient à se produire, il est
bien raisonnable de veiller à ce que de tels cataclysmes ne se
réalisent jamais. Il est donc conforme à la raison de causer de
petits torts au droit civil pour préserver l'environnement et
l'humanité.
C'est autour du principe «pollueur-payeur» que la
responsabilité civile des personnes morales est organisée. Or,
comme l'a fait remarquer Geneviève VINEY164, ce principe est
à l'origine un instrument de justice fiscale qui a par la suite pris une
envergure avec la Directive 2004/35 sur la responsabilité
environnementale.
D'autres conventions internationales élargissent le
champ des personnes responsables. C'est le cas de la Convention internationale
du 20 novembre 1992 portant création des FIPOL qui affirme que les
conséquences économiques des dommages par pollution ne devraient
pas être supportées par les
163
MARTIN (G.J.), «La Convention du Conseil de l'Europe
du 8 mars 1993 dite convention de Lugano », in Cours
n°8, Master 2 DICE, op.cit., p. 16.
164 VINEY, G., « Les principaux aspects de la
responsabilité civile des entreprises pour atteinte à
l'environnement en droit français», JCP, éd. G,
n°3, Doctr. 3900, p.40.
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propriétaires seuls mais devraient l'être en
partie par tous ceux qui ont des intérêts financiers dans le
transport des hydrocarbures.
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