§2 : Les conditions d'ouverture de la
réparation du dommage environnemental causé par la pollution par
des déchets industriels.
Chaque jour à travers le monde plusieurs atteintes
à l'environnement, à l'écosystème, aux
espèces et aux paysages, graves ou bénins, sont
perpétrées. Des millions de litres (environ huit millions) de
pétrole brut se déversent d'ailleurs en ce moment dans le golfe
du Mexique aux États-Unis, souillant la mer, contaminant les eaux et
détruisant la biodiversité et privant des millions d'êtres
humains et d'animaux d'un cadre de vie et d'un environnement
sain157.
Plusieurs industries manufacturières ou productrices de
biens et services génèrent elles-aussi, au même moment, des
déchets dangereux et libèrent dans le ciel des millions de tonnes
de gaz
156 KISS,A.C., Introduction au droit international de
l'environnement, UNITAR, Genève, Suisse,2ème
édition, p.128
157 CORNU-THENARD, V., La réparation du dommage
environnemental : Étude comparative de la Directive 2004/35/CE
du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale et de l' «
US Oil Pollution Act », RJE, 2/2008, a, pp. 175 -187.
55
carbonique, de dioxyde de carbone, des fibres de plomb, des
poussières d'amiante, tous très nuisibles à la
santé158.
Des immondices de déchets dangereux d'origine
ménagère, hospitalière et industrielle, sont illicitement
déversées dans les rues des cités et une partie
immergée dans les océans et les fleuves. Si ces agissements
contre l'environnement sont faits à dessein par une partie des
dommageurs, d'autres sont perpétrés par ignorance, par imprudence
ou de manière accidentelle.
Comment lutter alors contre cette nouvelle forme de
«criminalité» contemporaine dressée contre la nature?
Comment réparer les conséquences de ces graves atteintes à
l'environnement, principaux facteurs perturbateurs de l'environnement, du
milieu naturel, du climat et de l'écosystème, quand on sait qu'il
encore y a des controverses sur les concepts mêmes d'«atteinte
à l'environnement, de «déchets» et
«pollutions»?
Comme dans la plupart des catastrophes, une fois survenues,
les solutions idoines envisageables doivent consister en des actions
concrètes et promptes tendant à faire cesser le trouble, à
sauvegarder les biens et espèces menacés non atteints, à
prévenir tout aggravation et tous dommages latents.
Ensuite, faut-il situer civilement les responsabilités,
sanctionner les auteurs qui ont occasionné les dégâts et
les contraindre à assumer les conséquences de leurs actes. Mais
alors que la mise en oeuvre judiciaire de la responsabilité civile des
pollueurs était jadis rigide, ce mécanisme a été
édulcoré, allégé en partie pour lui permettre de
mieux s'adapter à la réparation des dommages environnementaux. La
consécration des concepts de «préjudice écologique
pur» ou «dommage écologique» en est l'illustration.
Pendant longtemps, la mise en oeuvre de la
responsabilité environnementale des pollueurs et des dommageurs de
l'environnement ainsi que la réparation des préjudices qui en
résultaient, se faisaient essentiellement sur le fondement des
règles civiles de la responsabilité, soit délictuelle,
soit quasi-délictuelle, soit contractuelle, soit du fait des produits
défectueux. Cependant, force a été de constater que ces
règles civiles qui plaçaient uniquement l'homme au centre des
préoccupations et de protection se sont avérées
inadaptées à protéger efficacement l'environnement et
à régir les dommages environnementaux du fait d'une part, de leur
faible propension à la prévention et d'autre part, des exigences
de la preuve de la matérialité du dommage c'est-à-dire de
la faute ainsi que du lien de causalité.
A l'inverse, la protection de l'environnement, bien collectif
non approprié, aspirait à s'enclencher par la simple perception
de l'éventualité de la menace ou du risque sans qu'il ne soit
besoin de faire la preuve scientifique de l'atteinte. Le démariage entre
responsabilité civile de droit commun et la responsabilité
environnementale se réalisait dès lors au point d'accoucher d'une
responsabilité intermédiaire centré sur le dommage
écologique.
Dès 1993, la Convention de Lugano (article 2,
7°) distingua clairement les «dommages communs» du
«dommage écologique» perçu comme les pertes ou les
dommages «résultant d'une altération de
l'environnement».159
Cette consécration du préjudice
écologique pur rendu possible par les efforts conjugués d'une
législation internationale innovante et d'une jurisprudence audacieuse a
marqué inéluctablement une étape importante en droit
international de l'environnement.
Ce renouveau de la responsabilité civile
environnementale a été surtout facilité par la
jurisprudence160, car le droit positif qu'il soit interne ou
international, est souvent lent à réagir du fait de son
inflexibilité. Mais, les difficultés de détermination de
la responsabilité environnementale au plan international ne
158V. ZAKANÉ V. ; GARANE H., Le droit de
l'environnement burkinabé, préc. p.295
159 ZAKANÉ, V. ; GARANE H., Le droit de
l'environnement burkinabé, préc. p.295
160 MARTIN, V-G., «La responsabilité civile pour
les dommages à l'environnement et la Convention de Lugano, RJE 2-3/
1994, p. 123.
56
s'arrêtent pas aux dommages. Car pour situer ces
responsabilités, il faut, suivant les nationalités des parties
(auteurs et victimes), le lieu de perpétration du dommage
environnemental, trouver non seulement la juridiction qui a compétence
internationale à trancher.
A titre illustratif, en droit comparé notamment en
France, on peut relever l'affaire du Naufrage de l'Erika qui a vu la
jurisprudence française s'affranchir des strictes règles civiles
pour consacrer, sans anicroches, l'autonomie de l'atteinte à
l'environnementale et par ricochet, la particularité du préjudice
écologique en tant que préjudice objectif et distinct.
La jurisprudence a également suivi la cadence
puisqu'elle retient dans la même affaire Erika explicitement l'autonomie
«du préjudice résultant de l'atteinte à
l'environnement».
Cette consécration marque un pas important dans le
traitement des atteintes à l'environnement du litige, mais encore,
trouver surtout le droit applicable à la situation après qu'il
eût été procédé à l'imputation de la
responsabilité.161
|