B - L'unification du droit européen des
contrats comme solution médiane
268. Il n'est plus à démontrer qu'une
unification du droit européen est nécessaire, mais cette
entreprise comporte de nombreux obstacles, difficiles à surmonter. Pour
autant, notre Code civil ne rayonne plus sur la scène internationale, il
convient alors d'envisager une solution médiane à l'unification
du droit européen, à savoir l'unification du droit
européen des contrats.
269. L'idée d'un Code européen des contrats
fait face à tous les obstacles rencontrés : il est
justifié économiquement, et la création d'une culture
juridique commune n'est pas nécessaire. Cette idée est celle de
la Commission européenne qui, au travers de communications, a
souhaité mettre en place une unification du droit européen des
contrats323. Ces communications donnent un nouvel élan au
projet. Dans sa première communication, en
320 Voir notamment J. Huet, « Nous faut-il un « euro
» droit civil ? », D, 2002, p. 2611. Sur ces
modalités envisageables, elles sont selon lui au nombre de quatre et
applicables au regard d'une unification du droit civil européen des
contrats : « offrir aux agents économiques un modèle de
droit des contrats et des suretés, reconnu au niveau européen ;
(É) que les règles uniformes adoptées soient
proposées comme modèle aux législateurs nationaux ;
(É) prévoir des règles uniformes s'incorporant aux droits
nationaux, mais applicables uniquement aux opérations
trans-européennes ; (É) réaliser une uniformisation des
droits internes des Etats membres, dans les matières
considérées, afin d'éviter à une entreprise d'avoir
affaire à deux sortes de droits. ».
321 B. Fauvarque-Cosson, art. préc.
322 Ph. Rémy, art. préc., in Livre du
bicentenaire, ouvr. préc., p. 119.
323 En juillet 2001, la Commission a lancé une
consultation publique sur l'opportunité de mettre en place un droit
européen des contrats, Communication de la Commission au Conseil et au
Parlement européen concernant le droit européen des contrats,
JOCE, 13 septembre 2001, C 255/1.
Réformer le Code civil 102
juillet 2001, la Commission européenne
réfléchit aux options concevables mais surtout aux
dysfonctionnements du marché intérieur dus à l'inexistence
de règles communes aux contrats.
270. Une fois encore, une unification et non une
harmonisation est envisagée, la seconde solution étant gage de
« désharmonisation »324. Le droit des obligations
des Etats membres a été affecté, à plusieurs
reprises, de politiques sectorielles d'harmonisation, qui ont montré
leurs limites et leurs effets néfastes325. Les effets d'une
harmonisation sont donc limités, il s'agit de changements en surfaces et
non d'une véritable évolution. Une unification du droit
européen des obligations est alors vitale, encore plus lorsque l'on
précise que ce droit des contrats est, en Europe, un droit
fondamentalement éclaté, entre une dizaine de systèmes.
Cette diversité est, pour certains domaines, source de richesse. En
matière de droit des contrats, ce n'est pas le cas, il n'est pas
envisageable que des éléments centraux tels que la formation du
contrat, les clauses, la bonne foi, les effets du contrat soient régis
par les droits nationaux à l'heure d'une Europe du marché et des
consommateurs.
271. L'idée même d'un Code européen des
contrats suscite, en grande partie, les mêmes critiques que celle d'un
Code civil européen. Une des principales critiques demeure l'argument
culturel, mais également la nature même des droits nationaux. En
effet, la conciliation entre Common Law et Civil Law peut
sembler impossible. Cependant, le conflit se cristallise sur l'idée
même d'une unification : pourquoi unifier, gommer les différences
? Pour les tenants de cette thèse, il conviendrait d'accepter, de se
réjouir de la diversité et d'agir en vue de mieux la
gérer326. Enfin, l'argument économique est tout de
même invoqué, bien que nous doutions ici de sa
légitimité, tant il paraît logique qu'un droit unique
conduirait pour le moins, à réduire les coûts de
transaction.
272. Les arguments en faveur d'un Code européen des
contrats semblent alors plus convaincants, d'abord parce qu'avant même de
constituer des arguments, il s'agit d'un simple constat : les échanges
en Europe sont entravés par la diversité des droits nationaux.
L'aboutissement à un véritable marché unique en Europe ne
peut se faire sans droit unifié, un Code européen des contrats
est alors la solution. Il n'est pas superflu de rappeler que cette unification
du droit européen, même limité au droit des obligations,
nécessitera du temps, mais n'est pas utopique. Un code commun des
contrats, applicable à tous les pays de l'Union
324 C. Witz, Plaidoyer pour une code européen des
obligations, D. 2000, p. 79.
325 Par exemple, la directive européenne sur la
responsabilité du fait des produits défectueux, qui nuit à
la lisibilité du droit français.
326 A.-J. Arnaud, Pour une pensée juridique
européenne, PUF, 1991, spéc. p. 241 s.
Réformer le Code civil 103
européenne, constituerait un outil de qualité
pour confectionner un contrat, les diversités culturelles et
linguistiques ne peuvent ainsi être invoquées, il s'agit ici d'un
« faux-débat », de « faux-arguments » dans le seul
but d'objecter à une unification.
273. Une fois la nécessité d'un Code
européen des contrats démontrée, il convient de
déterminer son contenu, sa forme, son application. Ce possible code
devrait-il être l'unique contenu de règles applicables au contrat
ou devrait-il coexister avec les codes nationaux ? Si l'on envisage la
cohabitation de deux types de règles, des complications évidentes
apparaitraient, et cette idée n'est pas compatible avec l'idée
d'une véritable unification. Il faut alors, et le constat est rude,
mettre à l'écart les droits nationaux. Cette mise à
l'écart serait en effet la seule à garantir l'effectivité
d'un Code européen des contrats. Enfin, le terme « contrat »
est à étudier. En effet, il n'est pas synonyme «
d'obligations ». Si l'on unifie les règles contractuelles, une
unification des règles en matière de responsabilité
délictuelle est également nécessaire. S'agissant des
contrats spéciaux, l'unification semble inévitable. Il convient
ainsi d'envisager un Code européen des obligations et non d'un Code
européen des contrats. Certes l'ambition est plus grande, mais
l'effectivité de la réforme en dépend.
274. Cette réflexion sur le droit civil
européen des obligations doit également être l'occasion de
s'interroge sur notre droit des obligations en droit interne327. En
France, cette matière est quasi inerte et ne reflète plus
l'état de notre droit positif. Pour autant, aujourd'hui le
progrès est immense au plan interne au regard de l'avant-projet de
réforme du droit des contrats. La question à poser est la
suivante : est-ce une étape vers un Code européen des
obligations328 ? L'espoir est permis.
275. La véritable solution médiane est ainsi la
suivante : un Code européen des obligations, obligatoire pour les
parties et les Etats membres, se substituant aux droits nationaux et couvrant
tant les relations intracommunautaires que les relations
internes329. La tache semble ardue, presque insurmontable. Mais
l'unification du droit européen des obligations est nécessaire.
Cette unification va de pair avec une volonté politique forte, une
adhésion des gouvernements et des citoyens. Il est limpide que
l'unité juridique en Europe se fera, du moins en ce qui concerne la
matière contractuelle, cependant elle ne pourra se réaliser
327 J. Huet, art. préc., p. 2611.
328 C. Witz, art. préc., p. 79.
329 Voir sur ce point B. Fauvarque-Cosson, art. préc.,
note 41.
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qu'avec du temps, beaucoup de temps et avec comme base une
culture juridique européenne. Cette dernière reste aujourd'hui
à construire.
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