CONCLUSION GENERALE
276. De cette étude qui consiste à confronter
le monument historique qu'est le Code civil, à la
nécessité de le réformer, que faut-il retenir ? Des
éléments de réponse ont pu démontrer plusieurs
aspects que revêt aujourd'hui le Code civil. Cette position inconfortable
dans laquelle il se trouve a alors conduit à envisager la façon
de le réformer. Contrairement à d'autres330, nous
pensons que le Code civil ne correspond plus à ce que l'on attend d'un
Code aujourd'hui.
277. A la question « Pourquoi réformer le Code
civil », la principale réponse ne pouvait être que la
suivante : afin de remédier à ces défauts, de combler ses
lacunes. Toute entreprise de codification a pour but premier de simplifier la
loi et de la rendre accessible à tous. Or, le code civil est devenu si
complexe, en raison d'une inflation législative, d'un immobilisme, qu'il
ne revêt plus aujourd'hui une nature de code, mais de recueils de lois
civiles. Un recueil de lois civiles complexe, qui n'a pas su être
simplifié puisque la réforme d'ensemble n'est pas l'axe d'action
principal du législateur français. Complexe, mais aussi
vieillissante, l'oeuvre n'est plus aujourd'hui qu'un lieu de mémoire.
Son idéologie, son langage, sa forme et son fond sont aujourd'hui
dépassés au regard de la réalité sociale. Le juge
civil, normalement bouche de la loi, est alors devenu en l'espace de deux
siècles, maitre du Code civil. Sans réforme, cette
complexité et cette obsolescence perdureront, à l'heure ou
apparaît vitale une simplification et modernisation de notre droit
civil.
278. Remédier aux défauts certes, mais
également l'adapter à l'Europe : un tel argument constitue
l'enjeu majeur d'une réforme. Cette réforme est rendue
nécessaire en raison de la domination des sources internationales sur
les sources internes. La prolifération et surtout la dispersion de ces
sources rendent nécessaire une réforme du Code civil. A l'heure
de la montée en puissance des droits de l'homme, l'existence même
du Code est remise en cause. En effet, les droits de l'homme, droits
fondamentaux par excellence, le sont plus encore que ceux de l'ordre civil dont
le Code en est l'expression. Notre Code civil actuel n'a plus sa place dans un
monde ou l'affirmation de tels droits subjectifs permet la régulation
sociale. Il n'a plus sa place non en raison de l'émergence d'un
véritable ordre communautaire, d'une Europe du commerce dont la
législation rend le Code civil inadapté. Un « Code civil
330 L. Vogel, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr.
préc., p. 170.
Réformer le Code civil 106
des français » puisqu'il s'agit de cela
aujourd'hui, n'a plus sa place à l'heure de la construction
européenne.
279. Ainsi, la réforme du Code civil n'a pu être
envisagée qu'à travers deux voies. D'une part, une recodification
civile conduite au plan national. Celle-ci, afin de prospérer, devra
recouvrir des qualités techniques exceptionnelles, résulter d'une
forte volonté politique et d'un consensus démocratique.
Malgré cela, la question de la « forme de la réforme »
n'est pas à négliger. Qu'elle soit partielle ou globale, la
recodification civile au plan national devra nécessairement prend la
forme d'une innovation. En effet, recodifier à droit constant serait un
mal supplémentaire pour le droit civil français,
déjà affaibli.
D'autre part, la réforme du Code civil a pu et doit
être envisagée au regard d'une codification européenne.
Cela suppose bien sûr une révision des valeurs qui animent l'ordre
européen. Les difficultés de recodification interne et
d'incohérence que cela pourrait engendrer sont telles que
l'élaboration d'un Code civil européen constitue le remède
à tous les maux : un droit unique qui supprimerait toutes les entraves.
Le développement d'une identité juridique européenne est
nécessaire et pourrait conduire à unifier le droit civil
européen. Cependant, là encore, les obstacles sont nombreux.
280. Le coeur même du débat, au delà de
s'interroger sur « pourquoi et comment » faut-il réformer le
Code civil, a alors relevé du non-dit. Le terme de « réforme
» fait peur car le Code civil est « symbole d'unité », du
moins sa représentation. En effet, derrière la question du
maintien, ou de l'abandon du Code civil, c'est la destinée de la France,
plus encore, de l'Europe qui est posée331. « Masse de
granit » jetée par le Napoléon Bonaparte sur le sol de la
France pour conforter la nation332, le Code civil en tant qu'objet
constitue alors un obstacle de taille à la réforme, un obstacle
de poids face à la nécessité d'une unification
européenne.
281. Beaucoup, à travers le débat de la
réforme du Code civil, qu'elle soit nationale ou européenne,
sentent que c'est le coeur même du système juridique
français qui est en cause. Cependant, que la réforme prenne la
forme d'une réforme nationale ou qu'elle soit édifiée au
niveau européen, l'action est entre les mains des politiques. Tout au
long de cette étude, notre volonté a été de
démontrer la nécessité de la réforme, sans nier les
obstacles. Malgré cela, le pessimisme règne en maître
à l'heure où réformer demande une union politique
incontestée et
331 Y. Lequette, art. préc., 1804-2004, Le Code civil
un passé, un présent, un avenir, ouvr. préc., p.
31.
332 J.-L. Halpérin, L'impossible Code civil, PUF,
1992, p. 265.
Réformer le Code civil 107
touche au défaut majeur de la France, son
conservatisme. L'ambition de notre étude était pourtant de s'y
refuser.
Réformer le Code civil 108
|