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Réformer le code civil.

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par Anaïs Bodenes
Université Rennes 1 - Master 2 Droit privé général 2014
  

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B - Nécessité et dérives d'une forte volonté politique

178. « La codification exige une volonté politique forte »234, cette affirmation que l'on doit à Rémy Cabrillac sonne juste : sans volonté politique forte, la codification est impossible. Appliquée à notre étude, cela conduit à énoncer que la réforme du Code civil doit nécessairement être portée par une forte volonté politique. Par le passé, l'Histoire a montré de nombreux exemples de cette illustration : projets abandonnés par faiblesse ou indifférence, codes imposés à l'arraché par un pouvoir sûr de lui et déterminé. Disposons-nous aujourd'hui d'une volonté politique assez puissante, au moins autant qu'en 1804, afin d'aboutir à une refonte globale du Code civil ?

179. Si notre Code civil a vu le jour en 1804, c'est précisément en raison de l'insistance de Napoléon Bonaparte. A l'inverse, en 1946 l'échec de la révision générale du

232 A. Outin-Adam ; A.-M. Reita-Tran, « Excès et dérives dans l'art de légiférer », D. 2006. p. 2919.

233 « Le rôle créateur de la pratique dans l'élaboration de la norme juridique », Gaz. Pal., 18 avril 2013, n°108, p. 23.

234 R. Cabrillac, « Recodifier », RTD Civ. 2001. p. 833

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Code civil français au lendemain de la seconde guerre mondiale est en partie liée au manque d'audace des pouvoirs publics. Ainsi, l'importance d'une volonté politique dans l'entreprise de codification, en l'espèce dans l'entreprise de réforme, est une réalité. Au-delà de rationaliser un système juridique, de demeurer une oeuvre cohérente, un ensemble construit, un nouveau Code civil doit être souhaité politiquement afin de faire aboutir le processus. Echapper au débat politique est impossible, ce dernier confère à tout code sa légitimité démocratique. Cependant, l'on peut se demander, et certains auteurs l'ont fait avant nous235, si la codification, mieux, la recodification, n'est pas plutôt une ambition de despote éclairé. Tel est le risque d'une trop forte volonté politique, celui de réduire à néant la dimension démocratique d'une loi, d'une réforme.

180. Il nous faut dénoncer le recours à des procédés tels que l'ordonnance afin de réformer le Code civil. Un nouveau code, pour continuer ou plutôt redevenir la « Constitution civile » d'un pays, doit recevoir la caution des représentants du peuple. Combinaison entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, l'élaboration de la loi est complexe. Aujourd'hui, une forme est particulièrement appréciée et donne une part belle à l'exécutif : le recours à l'ordonnance. Légiférer c'est ainsi faire de la politique. Que fait-on alors de la démocratie, rabattue au second rang ? La réforme du Code civil doit certes être le fruit d'une volonté politique, cependant elle ne doit pas constituer un moyen de faire de la politique. Le recours à l'ordonnance n'est pas la solution si l'on veut une réforme de bonne qualité.

181. Prise en application de l'article 38 de la Constitution (celui-ci permet au gouvernement de demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance des mesures qui sont normalement du domaine de la loi), une loi de 1999236 a changé la donne. Ainsi, cette loi a habilité le gouvernement à procéder à l'adoption de la partie législative de neufs codes publiés au cours de l'année 2000237. L'idée est que l'ordonnance serait l'outil approprié à des réformes lourdes en expertise juridique et pauvres en décision politique238. Tel n'est pas le cas de la réforme du Code civil qui revêt incontestablement une forte dimension politique. Le recours à l'ordonnance pour mener à bien la réforme paraît ainsi inenvisageable. Si l'on veut que le code devienne à nouveau « la constitution civile des français » l'on doit y

235 Notamment M. Grimaldi « A propos du bicentenaire du Code civil », in Mélanges Blanc-Jouvan, art. préc., spéc. n°5.

236 Loi n°99-1071 du 16 décembre 1999 portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnance, à l'adoption de la partie Législative de certains codes.

237 Codes de l'éducation, de la santé publique, de l'environnement, de commerce, de justice administrative, de la route, de l'action sociale, ainsi que du Code rural et du Code monétaire et financier.

238 P. Deumier, « Le code civil, la loi et l'ordonnance », RTD Civ. 2014 p. 597.

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toucher par la voie parlementaire : « le droit civil est au coeur de la vie quotidienne des français, et donc relève du Parlement ; la réforme soulève des questions de politique juridique, et donc relève du Parlement »239.

182. Malheureusement, ce n'est pas le souhait du législateur moderne que de faire une réforme alliant démocratie et politique. En effet, par une loi du 28 janvier 2015, le gouvernement a été habilité à réformer le droit des contrats, des quasi-contrats, le régime de l'obligation et la preuve, par voie d'ordonnance. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une réforme de l'ensemble du Code civil (que nous souhaitons vivement), il s'agit tout de même d'une réforme de grande ampleur en raison de son objet. Nous regrettons alors la méthode240, le recours à l'ordonnance, la mise à l'écart du Parlement. Cette réforme, marquée idéologiquement, a fait le choix de « l'économie administrée »241. Une insécurité juridique et une incohérence ne peuvent être que les conséquences néfastes d'un tel choix. Or, la sécurité juridique et la cohérence sont les deux piliers d'un nouveau Code civil, les deux caractéristiques majeures dont il ne fait plus preuve aujourd'hui. Si une réforme accentue les défauts actuels du Code, elle n'a pas lieu d'être.

183. A vouloir trop réformer, à vouloir réformer rapidement, par le biais d'instruments politiques non démocratiques, la réforme est vouée à l'échec. Ainsi, la réforme du Code civil doit certes avoir pour origine une volonté politique réelle, mais sans pour autant bafouer l'exigence démocratique. Le moment est pourtant venu de réformer : il semble en effet que notre pays, notre système politique dispose d'une volonté assez vivace de réformer, que l'on peut comparer à celle de 1804. Seulement, la méthode à laquelle il convient de recourir pour réformer doit être modifiée. Un choix plus démocratique conduira alors à l'effectivité d'un Code civil nouveau.

184. L'alliance entre légistique et politique, s'agissant de la réforme du Code civil, est sans conteste : une loi de qualité ne peut s'envisager qu'à travers des détails techniques scrupuleusement respectés, une vision du droit étranger passant par une acculturation mais également et surtout par une loi démocratiquement et politiquement fabriquée. Le respect de ces éléments ne peut aboutir à autre chose qu'à une réforme de qualité. Pour autant, il nous

239 P. Deumier, art. préc.

240 C'est également la position de N. Molfessis, « Droit des contrats : l'heure de la réforme », JCP G, n°7, 16 février 2015, doctr. 199.

241 N. Molfessis, ibidem.

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faut envisager un second aspect de la réforme : sa forme. En effet cette dernière postule du retentissement et du rayonnement d'une loi nouvelle.

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