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Réformer le code civil.

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par Anaïs Bodenes
Université Rennes 1 - Master 2 Droit privé général 2014
  

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B - Une incompatibilité en pratique : la subjectivisation du droit positif

100. Au nom des droits de l'homme, droits subjectifs, la Convention européenne des droits de l'homme accompagnée de la Cour de Strasbourg établissent un nouveau corps de droit. Celui-ci n'est pas sans poser de problème avec l'ancien corps de droit : notre Code civil. Ce nouveau corps de droits fait ainsi éclater le droit positif actuel129. Cet éclatement doit être la source d'une adaptation afin de régler l'incompatibilité, à savoir la subjectivisation du droit positif et ainsi laisser place à une cohérence nouvelle.

101. Les droits de l'homme sont incontestablement l'avenir du droit, bien que certains soient très nuancés sur la question130. La véritable question se situe sur un autre plan, les droits de l'homme sont-ils l'avenir du Code civil ? L'influence que la Convention exerce sur notre oeuvre symbolique est incontestable. Cette influence peut être appréciée d'un regard optimiste, c'est notre cas, ou plus tristement, d'un regard pessimiste, regard qui conduit à énoncer que la Convention déstabilise notre Code, représente un obstacle à sa cohérence. Il n'est pas ironique d'énoncer que sa cohérence n'a pas attendu l'avènement des droits fondamentaux pour être ébranlée. Pourtant, la complémentarité théorique du Code civil et de la Convention européenne des droits de l'homme est réduite aujourd'hui à néant tant les relations entre ces deux types de normes sont houleuses, sources d'une incompatibilité : le droit positif se subjectivise. L'antinomie des termes est évident, c'est pour cette raison qu'une adaptation du Code est nécessaire, vitale.

102. Cette subjectivisation du droit positif trouve sa source par l'intégration, dans l'ordre juridique française, de la Convention européenne des droits de l'homme en 1974 mais, surtout, de l'acceptation précitée du droit de recours individuel offert à toute personne. Aujourd'hui, sous l'influence des droits fondamentaux, l'importance moindre que revêt le droit positif français doit être étudiée. Cette influence est telle que le contenu du Code en est affecté, le législateur intervient en effet dans l'hypothèse où ce contenu apparaît incompatible avec les droits garantis par la Convention. Cette intervention est, de prime abord, une réelle avancée et paraît nécessaire. Certes, mais la subjectivisation du droit positif rend notre Code civil incohérent.

129 Ph. Malaurie, « La Convention européenne des droits de l'homme et le droit civil français », art. préc.

130 D. Gutmann, « Les droits de l'homme sont-ils l'avenir du droit ? », in L'avenir du droit, Mélanges en hommage à François Terré, Dalloz, PUF, Editions du Juris-Classeur, 1999, p. 330 et s.

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103. Le Code civil est vieillissant, nos droits civils nationaux sont alors remaniés par des droits fondamentaux par nature plus humains, compatibles avec la réalité sociale car attentifs aux personnes. Cependant cette idéalisation doit être nuancée : la « fondamentalisation » du droit civil a pour corolaire une subjectivisation de celui-ci131. Cette subjectivisation n'est pas compatible avec l'esprit du Code civil, celui de définir un ordre civil. La réforme civile en est alors l'objet. Le droit civil matérialisé dans notre Code est le socle de l'organisation de la société : son attention est portée sur les relations des membres de cette société, le modèle qu'il édicte permet à chacun de prévoir la portée de ses actes, d'agir en conséquence. A l'inverse, les droits fondamentaux s'intéressent à l'individu lui-même et non à ses relations : la personne prime, c'est la représentation même du droit subjectif. Ainsi la subjectivisation du droit civil conduit à envisager notre système juridique comme définit autour de l'individu, comme un « droit civil entièrement revisité par les droits fondamentaux132 ». Ce n'est pas la nature du Code civil que d'être une compilation de droits subjectifs. Celui-ci doit refléter la vision d'une société. De fait, si n'importe quel droit fondamental peut remettre en cause le modèle qu'incarne le Code civil, il n'y a plus de Code civil. Ce Code, pour être effectif, doit être stable et la « fondamentalisation » de ses droits ne le permet pas. Aujourd'hui, les règles civiles contenues dans notre Code ont pour mission de coordonner les intérêts de tous au regard d'une certaine vision de la société, cependant elles sont dépourvues de vigueur propre puisque les droits fondamentaux peuvent les remettre en cause.

104. Les droits fondamentaux constituent certes l'avenir du Code civil, seulement et seulement si le législateur intervient pour remettre de l'ordre dans cette incohérence. La nature de ces droits subjectifs appuie cet argument. Le Code civil est un texte à valeur législative et non à valeur constitutionnelle (à l'exception de quelques textes). Sa valeur législative fait de lui un texte inférieur aux traités internationaux133. Ainsi, le contenu même du Code civil doit être modifié lorsqu'il est contraire à ce qu'édicte la Convention européenne des droits de l'homme. Pourtant, cette Convention est ignorée des réformes entreprises du droit civil. L'on peut citer la loi du 29 juillet 1994 sur le respect du corps humain134 ou bien la

131 Y. Lequette, « Le Code civil est la prolifération des sources internationales », in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 187.

132 Y. Lequette, ibidem.

133 Art. 55 de la Constitution de 1958.

134 Loi n° 94-653 sur le respect du corps humain.

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loi du 8 janvier 1993135 relative à l'autorité parentale sont des réformes qui n'ont pas été influencées par la Convention européenne des droits de l'homme : « les instruments juridiques internes et l'évolution de la société française suffisaient à eux seuls à justifier les changements du Code civil adoptés »136. Fort heureusement, la menace de l'éventualité d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme a poussé le législateur à agir : c'est l'exemple de la loi du 22 janvier 2002 concernant l'accès aux origines137.

105. Pour certains, il s'agirait d'une instrumentalisation de la Convention européenne des droits de l'homme afin de justifier une modification du Code civil138. En réalité, il s'agit de modifications nécessaires, sur lesquelles le législateur actuel devrait prendre exemple afin de réformer l'ensemble du Code civil. Ainsi, sans tomber dans un Code civil rempli de droits subjectifs, il s'agirait de le réformer en tenant compte, sans les ignorer, des droits fondamentaux. En effet, leur importance nous empêche de les laisser de côté. Aujourd'hui notre Code civil est instable, incohérent et vieillissant : autant d'arguments qui pourraient engendrer une condamnation de la France en raison de l'exigence européenne relative à la stabilité et à la clarté des normes : les lois doivent, selon la Cour européenne des droits de l'homme, être accessibles139. Au regard de l'accessibilité au droit, ce que ne garantit plus notre Code civil, la Cour européenne a malheureusement toujours considéré que les dispositions de notre Code étaient accessibles. Cependant, s'agissant de l'instabilité, la prévisibilité des normes civiles n'est plus assurée, en raison des multiplications des lois, des modifications constantes. Une réforme d'envergure est ainsi nécessaire afin de mettre le droit français en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme. Cette réforme semble difficile à mettre en oeuvre puisque l'influence de la Convention sur le contenu du Code civil est faible : peu de modifications interviennent à ce propos. A l'inverse, notre droit positif se subjectivise, le paradoxe est considérable.

106. En réalité, il apparait que la réelle influence des droits de l'homme, des droits fondamentaux est exercée, non pas de manière indirecte par le législateur, mais de manière directe et cela par le juge. En effet, l'influence de la Convention européenne est phénoménale s'agissant de l'interprétation du Code civil. Le contenu du Code est ainsi directement modifié,

135 Loi n°93-22 du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille, aux droits de l'enfant et au juge des affaires familiales.

136 A. Debet, « Le Code civil et la convention européenne des droits de l'homme », in 1804-2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, ouvr. préc., p. 953 et s. spéc. p. 960.

137 Loi n°2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.

138 A. Debet, art. préc., in 1804-2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, ouvr. préc., p. 961.

139 CEDH, 26 avril 1976, Sunday Times c/ Royaume-Uni, série A, n° 30, Rec. p. 31, § 49.

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celui-ci souffrant d'une perte de légitimité considérable, entraînant dans sa perte le juge français.

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