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Le droit à la présomption d'innocence face au droit à l'information

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par Ouaogarin Roger SANKARA
Université Ouaga 2 - Master de recherche en Droit Privé Fondamental 2015
  

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Section 2 : La responsabilité sociale contrôlée au profit de la présomption d'innocence

Même si l'on présume la grande vertu des journalistes à se soumettre volontiers à la déontologie et à faire montre de responsabilité sociale, l'effectivité de celle-ci suppose un certain contrôle. Mais réfractaires à l'autorité de la justice, les professionnels des médias refusent aux cours et tribunaux le droit d'être juges de la déontologie.

Cette situation a fait émerger des modes de contrôle diversement appréciés par les journalistes (§1) et des techniques variées de résolution des atteintes aux droits de la personne dont la présomption d'innocence (§2).

§1. Des modes de contrôle diversement appréciés par la presse

La régulation et l'autorégulation constituent les modes de contrôlede la responsabilité sociale du journaliste. Présentés comme des alternatives à la justice étatique désapprouvée par les journalistes, ces deux modes de contrôle visent le même but mais diffèrent du point de vue des acteurs. Leur mission est de s'assurer du respect par les journalistes de l'éthique et de la déontologie comprenant à la fois l'équilibre, le pluralisme et la protection des droits des personnes, dont la présomption d'innocence. Si l'autorégulation est effectuée par des journalistes mandatés par leurs pairs, les régulateurs, s'il arrive qu'ils soient de la profession, sont très souvent imposés par les pouvoirs publics. On comprend d'ores et déjà que la régulation soit critiquée par les journalistes (A) et l'autorégulation saluée par eux (B)

A. La régulation critiquée par les journalistes

Les journalistes voient en la régulation l'immixtion des pouvoirs publics dans la sphère médiatique. Mais la dépendance traditionnelle des organes de régulation (1) est de plus en plus tempérée (2).

1. La dépendance des organes de régulation à l'égard des pouvoirs publics

Les organes de régulation sont des structures organisées par la Constitution, par une loi ou par un décret. Au Burkina Faso, le Conseil supérieur de la communication (CSC) est l'organe de régulation, devenue une institution constitutionnelle, au terme de l'article 160.3 de la loi fondamentale209(*). La constitutionnalisation a été suivie de l'adoption de la loi organique n°015-2013/AN du 14 mai 2013 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la communication. Le contrôle de la responsabilité sociale des médias est particulièrement effectué par la Commission chargée de la liberté de la presse, de l'éthique, de la déontologie et du suivi des normes publicitaires.

En Côte d'Ivoire, la régulation est assurée par le Conseil national de la presse pour la régulation de la presse écrite et la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle pour la radiodiffusion. Au Mali, le Conseil supérieur de la communication est également une autorité constitutionnelle.

Au Burkina Faso, le Conseil supérieur de la communication a estimé qu'un reportage télévisuel montrant des prévenus menottés à visage découvert est attentatoire à la présomption d'innocence210(*). Or le droit positif national ne comporte pas de dispositions interdisant cette pratique. Il a aussi considéré qu'un article titré: «Abandon d'un nouveau-né au secteur 22 de Bobo-Dioulasso: l'auteur retrouvée et arrêtée par la justice » méconnaissant le droit à l'image et à la dignité humaine. Mais il a omis de relever l'atteinte à la présomption d'innocence perceptible dans la terminologie employée. Dans ces cas d'espèce, il faut relever la grande sensibilité de l'organe de régulation à la protection du droit à la présomption d'innocence et aux autres droits de la personnalité.

On ne peut pas nier le rôle de ces instances de régulation dans la préservation de la présomption d'innocence et des autres droits de la personnalité, même si leur réceptivité au sein des journalistes pose problème.

En effet, ces structures sont nées de la volonté de l'Etat ou de ses organes et leurs moyens de fonctionnement proviennent des ressources publiques. Des journalistes y siègent souvent. Mais ils sont cooptés par les pouvoirs publics qui les nomment. Les hommes de médias s'en méfient parce qu'ils y voient des outils de censure et de musèlement. Conscient de ces critiques, les pouvoirs publics essayent de tempérer la dépendance des organes de régulation des médias à l'égard de l'Etat.

* 209 Il s'agit d'une innovation introduite par la loi n°033-2012/AN du 11 juin 2012 constitutionnalisant le Conseil supérieur de la communication (CSC).

* 210 Conseil supérieur de la Communication, Rapport public, 2011, p. 46

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams