Le droit à la présomption d'innocence face au droit à l'information( Télécharger le fichier original )par Ouaogarin Roger SANKARA Université Ouaga 2 - Master de recherche en Droit Privé Fondamental 2015 |
B. Les pratiques professionnelles soucieuses de la présomption d'innocenceSur le terrain de la présomption d'innocence, la vérification de l'information évite aux journalistes d'affirmer la culpabilité sans en avoir les preuves (1). Par ailleurs, la distanciation réduit les erreurs dans la livraison de l'information (2). 1. La vérification des faits respectueuse de la présomption d'innocenceLe principe de la vérification de l'information constitue le socle même de son authenticité. La vérification porte sur les sources de l'information. Vérifier, c'est rechercher la preuve de l'information. A l'article 2 de leur charte, les journalistes burkinabè s'obligent «de publier des informations justes dont les sources sont vérifiables, dans le souci de l'intérêt général». Les juridictions justifient souvent la condamnation des journalistes par leur manque de prudence, laquelle renvoie à l'inobservance d'un devoir déontologique: le défaut de vérification des faits. On considère que le défaut de vérification des faits est une entrave à l'admission de la bonne foi205(*) libératoire du journaliste poursuivi en diffamation206(*). En s'appuyant sur une notion déontologique pour réprimer des atteintes aux droits de la personnalité dont la présomption d'innocence, les cours et tribunaux semblent oeuvrer ainsi à l'acceptabilité de leur autorité par les journalistes. Lorsque l'information est vérifiée, les risques de malmener la présomption d'innocence sont réduits. Ainsi, en matière de protection de la présomption d'innocence, la vérification des faits évite aux journalistes d'entériner dans ses productions les accusations de culpabilité non encore fondées portées à l'encontre des personnes mises en cause par la justice. Il en est également ainsi du principe de la distanciation des faits. 2. La distanciation des faits réductrice d'erreursLa distanciation constitue le premier pas vers la vérification. Elle implique que le journaliste prend du recul vis-à-vis des faits, refuse de tenir les déclarations des sources pour paroles d'évangile et doute des données les plus plausibles. La déclaration des journalistes européens de 1971 reconnait aux journalistes soumis à cette charte le droit d'émettre dans leurs articles « si cela est nécessaire, des réserves qui s'imposent 207(*)». L'une des techniques de distanciation consistent en l'utilisation de guillemets. Pour Jean Charron, «par les guillemets de distanciation, les journalistes marque une distance par rapport aux acteurs qu'ils citent [...]208(*)». En prenant du recul vis-à-vis des faits, le journaliste limite ses marges d'erreurs puisqu'il prend le temps de vérifier ses informations. En France, dans l'affaire «Alègre», il a été reproché aux journalistes d'avoir violé la présomption d'innocence de nombre d'accusés par manque de recul par rapport aux faits tels que présentés dès les premières heures de l'affaire. Le respect des principes et des pratiques déontologiques conduit les médias à la responsabilité. La déontologie n'est pas abandonnée à la seule bonne volonté des médias. Pour garantir son observance salutaire pour la présomption d'innocence et les autres droits de la personnalité, le contrôle s'impose. * 205 La bonne foi du journaliste est libératoire à quatre conditions : la légitimité de l'information, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et l'objectivité des propos et le sérieux de l'enquête, la vérification des faits. * 206 Cass. Crim, 8 septembre 2015, disponible sur www.legifrance.gouv.fr , consulté le mardi 15 novembre 2016 * 207 3e droit de la Charte de Munich de 1971. * 208 J. CHARRON, « Journalisme, politique et discours rapporté : Evolution des modalités de la citation dans la presse écrite au Québec : 1945- 1995», p. 161, disponible sur www.erudit.org, consulté le 25 novembre 2016 à 15 heures 25 mn 30s |
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