Le droit à la présomption d'innocence face au droit à l'information( Télécharger le fichier original )par Ouaogarin Roger SANKARA Université Ouaga 2 - Master de recherche en Droit Privé Fondamental 2015 |
B. De nouveaux moyens de publicité à la portée universelleLe développement d'Internet a donné naissance à de nouveaux médias caractérisés par l'instantanéité et l'universalité dans l'émission et la réception de l'information. Nous traiterons en particulier des médias en ligne en ce qu'ils permettent une instantanéité dans la diffusion de l'information attentatoire à la présomption d'innocence (1) et des réseaux sociaux (2). Lorsque la culpabilité d'un individu est irrégulièrement déclarée via ces moyens de publicité, on peut imaginer l'immensité du préjudice causé à la victime. 1. L'instantanéité attentatoire à la présomption d'innocenceAu Burkina Faso, les dispositions du Code de l'information de 1993 étaient applicables aux médias en ligne. Mais ce texte de portée générale a été remplacé par plusieurs normes spécifiques dont la loi n°058-2015/CNT portant régime juridique applicable à la presse en ligne. L'article 2 de ladite loi définit non pas la presse en ligne, mais plutôt le service de presse en ligne, comme tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel consistant en la production et la mise à disposition du public d'un contenu original, d'intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d'informations présentant un lien avec l'actualité et ayant fait l'objet d'un traitement à caractère journalistique. Les médias en ligne ont une portée universelle. Ils abolissent les frontières entre Etats. Ils atteignent les lecteurs où qu'ils se trouvent, en dehors de tout réseau de distribution. Ainsi, une fois l'information mise en ligne, elle est recevable dans les secondes suivantes à tous les points du monde. La portée de l'information en ligne, lorsqu'elle concerne la mise en cause d'un individu par la justice, entraîne une propagation de sa culpabilité à une grande échelle. Le préjudice est d'autant plus énorme que les médias en ligne se caractérisent par une interactivité permettant aux internautes de se livrer, par des commentaires, au lynchage médiatique des personnes poursuivies par la justice et présentées déjà comme coupables par la presse en ligne. Les réseaux sociaux constituent une autre menace au droit à la présomption d'innocence. 2. Les communautés attentatoires à la présomption d'innocenceEn droit burkinabè, les réseaux sociaux sont régis par la loi sur le régime juridique de la presse en ligne. La protection des individus sur les réseaux sociaux est également régie par les lois portant traitement des données à caractère personnel103(*). Les réseaux sociaux couramment utilisés sont Facebook, Google+,Instagram, Twitter, etc. Comme leur nom l'indique, les réseaux sociaux sont animés par des communautés d'internautes interagissant entre eux. Les communautés constituent un terreau fertile au lynchage médiatique entendu comme une critique répétée et systématique par des médias d'une personne ou d'un groupe de personnes. Bien que n'étant pas directement régis par les lois sur la presse, les réseaux sociaux constituent des moyens de publicité des atteintes aux droits de la personnalité. Bien avant l'adoption de la loi n°058-2015/CNT du 04 septembre 2015 portant régime juridique de la presse en ligne, de laquelle se rapprochent les réseaux sociaux, le tribunal de grande instance de Ouahigouya a statué, en 2014, sur une affaire de diffamation suite à des faits publiés sur Facebook. Le juge avait fait application de l'article 109 du Code de l'information alors en vigueur, estimant que ce texte s'appliquait à tout support de communication de masse, tel que Facebook104(*). Sous le couvert du droit à l'information, les acteurs de la justice eux-mêmes portent atteinte au droit à la présomption d'innocence. * 103 Loi n°010-2004/AN du 20 avril 2004 portant protection des données à caractère personnel * 104 TGI de Ouahigouya, 10 septembre 2014, inédit. |
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