V/ DISCUSSION
A la lumière des principaux résultats obtenus,
quels enseignements peut-on en tirer ? Un retour à la littérature
permet à travers ces lignes de discuter de ces résultats. Ce
parcours est effectué en fonction des trois dimensions
analysées.
Les conditions déterminantes
En ce qui concerne les conditions déterminantes du
changement dans l'organisation, il est ressorti dans un premier temps que ce
changement observé confirme l'idée de changement entamé en
réaction aux pressions environnementales, à la
nécessité de l'adaptation à cet environnement et à
la capacité à évoluer » (FABRE et al.,
2007). L'idée de la nécessité organisationnelle ou
représentation positive du changement (Perret, 2000) est mise en
évidence. L'adaptation peut être vécue comme un
événement dramatique, une crise dans la vie d'une organisation
(Demers, 1999). Ces phénomènes ont été
observés avec les problèmes essentiels liés à la
gestion du personnel.
La légitimité du changement a par
conséquent été reconnue par les destinataires du
changement, ce qui en a favorisé l'adhésion (Bernoux, 2010). En
effet, lorsque les acteurs perçoivent la légitimité d'un
changement et son bien-fondé, ils ne s'opposent aucunement à
l'idée de sa mise en oeuvre. L'exercice de légitimation
s'avère fondamental, tel que cela a été
développé par certains auteurs dont Rondeau et Bareil (2010).
En considérant l'objet du changement, celui-ci devrait
pouvoir toucher toutes les dimensions essentielles de l'entreprise (Robbins et
DeCenzo, 2008). Cette transformation devrait permettre à l'organisation
de revoir de façon profonde son organisation et sa stratégie.
En effet, les volets du changement, hormis le besoin
nécessaire et urgent de la transformation juridique, n'ont pas
été déterminés de façon formelle et
précise par les dirigeants. Il n'en demeure pas moins que les attentes
formulées par les destinataires du changement sont une suite logique
à la réaction face à l'environnement concurrentiel. Ces
attentes concernent entre autres la réorganisation de la
comptabilité, l'apprentissage de procédures fiscales liées
au nouveau statut juridique, la révision des procédures
budgétaires, l'adoption de nouveaux comportements individuels et
collectifs.
Le changement entamé a été
appréhendé sous l'angle de son niveau et de son ampleur.
(Brassard, 2003 ; Christensen & Overdorf, 2000 ; Rondeau, 1999 ; Demers,
1999 ; Johnson et Scholes, 2000). Dans le cas présent, il est
marqué par une rupture avec un système préexistant
même si sa mise en oeuvre semble s'opérer de façon
progressive. Il est à un stade parcellaire ; l'étape visible est
la transformation juridique. Il est vrai que l'activité initiale se
poursuit mais sous une forme totalement nouvelle et dans un contexte tout aussi
nouveau.
63
TRAORE Zakaria, Master Recherche en Sciences de gestion
(2ème promotion), ISIG International
Mise en oeuvre du changement organisationnel : enjeux et
défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
Les enjeux et rôles déterminants
Un des enjeux majeurs de cette transformation pourrait
être la flexibilité de l'organisation dans un environnement
concurrentiel (Tarondeau et al., 1994 in Soparno, 2005).
Cela pourrait se situer au niveau des processus mais aussi des
ressources. Il a été montré que les processus aussi bien
internes que ceux liés à la gestion des projets de la structure
sont suffisamment souples et flexibles. L'enjeu pourrait véritablement
se situer au niveau des ressources. Au stade actuel, l'Agence a des charges de
fonctionnement assez élevées en comparaison avec les autres
structures privées. Ces structures minimisent leurs coûts de
production en ressources humaines et en équipement technique.
Ceci pourrait être paradoxalement un
élément à leur avantage, dans la mesure où la
réglementation a fixé un niveau minimal d'équipement et de
compétences. La plupart des structures pourraient disposent de ce
minimum. Cependant, il s'agit d'un domaine où le niveau de qualification
et l'expérience des prestataires devraient être des
éléments déterminants. Tout ceci pose le problème
de la flexibilité ou du dynamisme des capacités qui est «
une aptitude à reconfigurer ses compétences pour faire face aux
changements rapides de l'environnement ou pour les instaurer ». Il est
distingué des capacités proactives reflétant un
comportement « pionnier » et des capacités réactives
traduisant la rapidité à réagir à une offensive de
la concurrence (Soparno, 2005).
Bien que cet aspect n'ait été un facteur de
différenciation au profit de l'Agence lorsqu'elle a participé
à certaines compétitions, il n'en demeure pas moins que sur le
long terme, cela devrait pouvoir s'imposer. De plus, il est inimaginable de
chercher à réduire les ressources, notamment humaines, au regard
d'une situation conjoncturelle. La perspective de diversification et de
développement des activités sur d'autres horizons renforcent
cette conviction à conserver tout le personnel et mieux à le
renforcer.
Bénéficier de l'adhésion au changement
est un enjeu important. Cet élément s'observe lorsque les
avantages associés au changement sont perçus par les
destinataires comme étant supérieurs aux bénéfices
perdus dans la situation actuelle, additionnés aux désavantages
qui viendront avec le changement (Collerette et al. (2008). Vu sous le
prisme de l'organisation, rester dans le statut d'association ne permet pas
à l'entité de tirer profit de ce nouvel environnement. Elle
pourrait être vouée à disparaître dans la mesure
où la part de marché dévolue à cette
catégorie de prestataires serait très marginale. En effet, cela
se fera par les attributions de gré à gré, ce qui est une
exception au principe de la mise en concurrence des acteurs. Il est
établi sur le plan économique que ce procédé
d'allocation des ressources est inefficace.
Pour assurer l'adhésion au projet, il convient de faire
de la communication un facteur essentiel de réussite du changement
(Strebel, 1996 in Cordelier et Marie-Montagnac,
64
TRAORE Zakaria, Master Recherche en Sciences de gestion
(2ème promotion), ISIG International
Mise en oeuvre du changement organisationnel : enjeux et
défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
2008)31. Cet aspect a été
suffisamment pris en compte avec la série de rencontres
organisées entre les dirigeants et le personnel à l'effet
d'informer largement et régulièrement le personnel, confirmant
l'idée que, même si la dynamique du changement est à
l'initiative des dirigeants, ces derniers tiennent à l'inverse compte
des idées émises par leurs subordonnés (Cordelier et
Marie-Montagnac, 2008) ou la théorie de l'implication du personnel
développée par des auteurs (Demers, 1999).
Ceci n'a pas empêché une manifestation de la
méfiance par moments. En effet, le personnel a été
amené à formuler des doléances à même
d'atténuer les risques éventuels qu'ils prendraient en s'engager
avec la nouvelle société. Cela confirme l'idée que la mise
en oeuvre du changement est le lieu de constatation de logiques
différentes et contradictoires et des coalitions (Crozier et Friedberg,
1977 ; Pichault, 2009 ; Bareil et Savoie 1998) qui se forment entre acteurs en
vue de défendre un certain nombre d'intérêts. Sur la table
des négociations, le maître mot justifiant les doléances du
personnel était le caractère incertain de la nouvelle
société. La gestion des contrats liant le personnel de
l'association à la nouvelle société est allée dans
le sens des revendications du personnel.
La nécessité de l'adaptation à
l'environnement devrait passer par la mise en oeuvre de choix
stratégiques ou d'une politique volontariste comme l'ont montré
Hafsi et Hatimi (2003)32 dans le cadre d'une étude sur le
secteur industriel des télécommunications sujet à une
réglementation en rapport avec les choix stratégiques des
entreprises évoluant dans ce secteur. Le maintien de la position de
leader est une lutte perpétuelle.
Ceci a été constaté à la suite de
la première participation de la structure à la mise en
concurrence des agences de maîtrise d'ouvrage
déléguée et s'est présenté comme le premier
test de son repositionnement comme leader.
Les effets du changement
L'analyse des effets du changement permet de traiter de
certaines problématiques telles la durée attendue, la perception
de la fin du changement et les résultats escomptés.
A ce propos, comme l'indique Brassard (2003), ce sont les
acteurs qui déclarent que le changement a été
amorcé à tel ou tel moment, après la prise de conscience
d'une impulsion de changement. Ce sont eux aussi qui déclarent
qu'à tel ou tel moment le changement est achevé, ou devrait
arriver à son terme, qu'il est réussi ou non ou qu'une
transformation s'est produite ou non.
31 Benoît Cordelier et Hélène
Marie-Montagnac, Conduire le changement organisationnel, (33) 2008,
Communication et Organisation.
32 Taieb Hafsi, Imad-eddine Hatimi, changement
institutionnel, stratégie concurrentielle et performance, XIIème
conférence de l'Association Internationale de Management
Stratégique, 3,4,5 et 6 juin 2003.
65
TRAORE Zakaria, Master Recherche en Sciences de gestion
(2ème promotion), ISIG International
Mise en oeuvre du changement organisationnel : enjeux et
défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
Si le début du processus peut être situé
au début des premières études, ou en termes de processus
à la phase de décristallisation ou d'éveil et de
désintégration, aucun élément prévisionnel
ne sert pour l'instant de référence quant à la fin.
Ceci n'est peut-être pas très étonnant
dans la mesure où il s'agit d'une première véritable
expérience de mise en oeuvre de changement important, mais aussi et
surtout au regard du fait que toute transformation consistant à se
repositionner dans un environnement ayant changé de façon
soudaine et imprévue (Demers, 1999), est vue comme très
coûteuse et difficile à réaliser.
Le processus semble être parti pour durer et aucune
formulation expresse n'est faite pour indiquer les aspects qui seront
modifiés. A défaut de cette précision, les dimensions
probables à toucher ont été proposées par les
acteurs.
Cependant, des indicateurs peuvent être définis
pour permettre dans un horizon de six (6) à douze (12) mois
d'apprécier de façon plus conséquente les effets
réels du changement : nombre de participation aux manifestations
d'intérêt, nombre de manifestations d'intérêt
remportées, niveau d'exécution des prestations, qualité
des prestations (délais, coûts, réceptions effectives),
formations effectuées au profit des acteurs (personnel), appropriation
des formation, appropriation des nouvelles méthodes de travail.
Aussi, la mise en oeuvre du changement fait apparaître
des écueils qu'il faut savoir éviter. Les préconisations
de Kotter se manifestent. Il est constaté un certain piétinement
d'où la non stimulation suffisante « du sentiment d'urgence »,
« un manque de vision » et la non constitution « d'un noyau dur
».
Le modèle de Rondeau, inspiré d'autres
modèles notamment le modèle contextualiste et des approches
basées sur le style de mise en oeuvre du changement, s'avère
pertinent pour l'analyse d'un phénomène multidimensionnel dans
lequel le contexte dans lequel évolue est déterminant, de
même que les points de vue des acteurs et leurs perceptions ; le
processus et la dimension temporelle sont des aspects essentiels et constituent
de ce fait des variables à suivre par tout acteur de changement pour la
réussite de son projet.
66
TRAORE Zakaria, Master Recherche en Sciences de gestion
(2ème promotion), ISIG International
Mise en oeuvre du changement organisationnel : enjeux et
défis de la transformation d'une organisation à but non
lucratif
|