2.1.1 Une mise en valeur des colonies
Pour Malouet, les colonies sont assujetties à
l'utilité générale. Elles permettent la circulation des
richesses avec la métropole. La transformation des produits coloniaux et
leur réexportations permettent de grands profits et stimulent le
commerce, entretenu par la consommation en produits tropicaux, permettant une
mise en valeur des colonies252. En effet, dans les années
1770, à l'époque où Malouet développe sa
réflexion, le commerce colonial français, principalement
centré sur les Antilles, dont Saint-Domingue est l'élément
moteur, est aux avant-postes du dispositif économique du royaume. C'est
au tournant du XVIIIe siècle que la montée en puissance
s'opère, à une époque où les Antilles
françaises rattrapent peu à peu les niveaux de production des
Antilles anglaises. On
248 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires,
tome 4, op. cit., p. 1-94.
249 Ibid., p. 15.
250 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol.
1, op. cit., p. 33.
251 Alain CLÉMENT, « Du bon et du mauvais usage des
colonies », op. cit., p. 102.
252 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires,
tome 4, op. cit., p. 27-28.
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assiste progressivement à une mutation du
système productif qui bascule peu à peu dans la monoculture de
canne à sucre. À partir des années 1715, la production
sucrière française ne cesse de croître253. Cette
supériorité française est principalement le fait de
Saint-Domingue, du moins de sa partie occidentale, qui intègre le giron
français en 1697 après avoir été
cédée par l'Espagne254. Elle devient dans la
décennie 1730-1740, et de loin, le premier producteur de la
région. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 1715, Saint-Domingue
exporte 7 000 tonnes de sucre vers la France, puis 10 000 tonnes en 1721, 43
000 tonnes en 1743, 77 000 tonnes et 1767, et plus de 86 000 tonnes à la
veille de la Révolution. Pour l'année 1743, sa production
égale celle de toutes les Antilles anglaises. S'ajoute la production de
la Martinique et de la Guadeloupe, soit environ 14 000 tonnes255.
Ajoutons que ces chiffres restent toutefois discutables car ils ne prennent pas
en compte la contrebande. « On estime le montant de cette fraude entre 8
et 10 % des exportations avouées dans le cadre de l'Exclusif
métropolitain, explique Jean Meyer. Ce qui, pour les colonies
françaises, signifierait que la production totale aurait
été de 114/115 000 tonnes pour les 86 000 tonnes
officielles256. » Ces chiffres sont à manipuler avec
circonspection mais ils suffisent à donner un ordre de grandeur.
Même si les anciennes productions se maintiennent, comme le tabac par
exemple, et que la production de café est multipliée par six
entre 1760 et 1780 à Saint-Domingue257, le constat d'ensemble
reste que le sucre devient un élément majeur de
l'économie.
Partant, l'exploitation coloniale entraîne des effets
positifs directs et induits sur l'économie de la métropole.
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