3.1.2 Dynamiser le commerce et la production : aides,
incitations et récompenses
Dans son mémoire de 1768, Bessner suggère que
l'État stimule le commerce en créant des débouchés
afin « d'augmenter l'aisance des cultivateurs708. »
Malouet reprend à son compte cette idée et la développe.
Il s'explique :
« Quand on emploie la voie des récompenses, il
faut qu'elles soient suffisantes pour exciter, sans quoi on manque son
objet709. »
De fait, afin de stimuler l'activité, de
récompenser les initiatives et de susciter l'émulation, Malouet
assujettie toutes les entreprises à l'octroi d'avantages
(matériels ou financiers) et d'honneurs, tout d'abord en fonction
d'objectifs à atteindre. Pour les armateurs, il préconise la
distribution de primes à ceux qui introduisent en Guyane des esclaves et
des travailleurs Blancs. Il convient aussi d'attribuer des distinctions
honorifiques et d'anoblir ceux qui porteront à Cayenne « 1000
esclaves et 150 Européens en trois ans. » Une prime de 10 000
francs par an sera versée à l'armateur qui introduira le plus
grand nombre de tête de bétail en une année710.
Pour dynamiser les exportations depuis Cayenne, Malouet prévoit
d'anoblir tout armateur qui, pendant cinq ans, exporte la plus grande
quantité de bois, vivres ou bestiaux pour les Antilles. « Un seul
pourra l'obtenir, pour favoriser l'émulation,
précise-t-il711. »
L'État doit par ailleurs encourager l'exploitation du
bois, comme le préconise Bessner en 1767712. Nous l'avons vu,
le bois en Guyane suscite un intérêt important par la surface du
couvert forestier. Afin d'encourager l'exploitation, Malouet suggère
d'exempter de droits et d'impôts à vie les
707 Ciro Flamarion CARDOSO, La Guyane française
(1715-1817), op. cit., p. 250 ; Marie POLDERMAN, La Guyane
française, 1676-1763, op. cit., p. 89.
708 ANOM C14/35 F°268
709 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires,
tome 1, op. cit., p. 88.
710 Ibid., p. 85, 88.
711 Ibid., p. 88.
712 ANOM C14/35 F° 248
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habitants parvenant à un débit annuel de bois en
haute futaie. Des lettres de noblesse seront accordées à tout
habitant propriétaire de 1000 têtes de bétail et de deux
moulins à scie713. Enfin, une prime de 6000 livres par an est
destinée aux deux exploitations en terre basse les plus productives,
proportionnellement à leur surface et aux forces
employées714. Enfin, afin de susciter des vocations parmi les
habitants les plus en vue et d'intéresser les autorités à
collaborer avec la métropole, Malouet propose d'une part d'accorder des
distinctions à Macaye, Kerkhove et Patris pour leur zèle et leur
esprit d'initiative. D'autre part, il trouve juste d'appliquer au Conseil de
Cayenne le traitement honorifique qui a cours dans les autres
colonies715.
Malouet suggère également d'actionner le levier
des incitations financières. D'une façon générale,
afin de dynamiser la production, il envisage de transformer la Guyane en une
vaste zone franche dans laquelle toute installation nouvelle sera
exonérée d'impôts et de droits716. Dans le
même ordre d'idée, les habitants investissant dans la dessiccation
des zones humides seront exonérés d'impôts717.
Destinée à l'exploitation forestière, une exemption de
droits sera accordée pendant sept ans, par tranche de douze esclaves,
pour les habitants qui reboisent leurs friches718.
Dans un troisième temps, l'État doit prendre
à son compte la mise en place des infrastructures productives en
distribuant « de bons terrains et des secours pendant deux
ans719. » À nouveau, nous retrouvons cette idée
chez Bessner. L'État doit fournir aux habitants les aides
nécessaires à leur établissement : des outils, des
graines, des plants. « On leur donnera tous les secours que les
circonstances permettront, pour aider dans les premières
difficultés720. » Chez Malouet, ce genre de mesure vise
principalement l'exploitation forestière, les pêcheries et la
production agricole. Malouet réfléchis en deux temps. D'abord,
l'État doit établir pour son compte des moulins à scie
pour produire des planches et des madriers destinés aux Antilles.
Tablant sur un amortissement étalé sur deux ans, Malouet
suggère d'investir 40 000 livres. Une fois la mise
récupérée, le même principe doit être
appliqué pour l'établissement de pêcheries et la
construction de bateaux pêcheurs721. Enfin, pour faire
fonctionner ces établissements, Malouet pense y installer des
entrepreneurs languedociens et béarnais, avec « avances en vivre,
animaux, outils et ustensiles », ainsi que des avances en moulins et en
bateaux722, au même tire que Bessner estime
713 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires,
tome 1, op. cit., p. 89-90.
714 Ibid., p. 87.
715 Ibid., p. 90-91.
716 Ibid., p. 89.
717 Ibid., p. 87.
718 Ibid., p. 90.
719 Ibid., p. 83-84.
720 ANOM C14/35 F°267-268
721 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires,
tome 1, op. cit., p. 86-87.
722 Ibid., p. 87-88.
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essentiel l'encadrement de personnel qualifié, des «
créoles intelligens et au fait de la culture723. »
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