CONCLUSION
Les efforts monarchiques pour centraliser, rationaliser et
moderniser l'appareil d'État aboutissent à la mise en forme d'une
direction des affaires coloniales articulée autour de deux
entités. En métropole, elle est composée d'une
administration centrale que constitue le ministère de la Marine et le
Bureau des colonies. Le pendant outre-mer prend forme autour d'une
administration coloniale à deux têtes calquée sur le
modèle métropolitain : au gouverneur échoie le pouvoir
militaire et la préséance ; l'intendant incarne pour sa part
l'administration royale. Le Conseil supérieur, avatar colonial des
Parlements métropolitains, fait figure de contre-pouvoir opposable aux
administrateurs. Cet ensemble administratif est secondé par une Machine
coloniale qui coordonne l'activité scientifique grâce à un
ensemble de réseaux savants et académiques, faisant de Paris un
haut lieu d'expertise et de validation des savoirs. La réalisation
concrète de cet ensemble peut se lire dans les différents plans
qui sont imaginés pour la Guyane, depuis l'expédition de Kourou
en 1763, en passant par les différentes tentatives de Besner,
jusqu'à l'intervention de Malouet qui, à son tour, émet
des propositions.
3 LA PROPOSITION DE MALOUET : ENTRE PRUDENCE
ET
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PRAGMATISME
Le plan que défend Malouet en 1776 devant Maurepas
comprend quatre domaines dans lesquels l'État est invité à
intervenir. Tirant argument des rapports qui ont été
rédigés par les administrateurs successifs depuis 1709
jusqu'à 1775, il préconise de procéder par étape,
sans précipitation. Alors que les précédents plans
prévoyaient tous plus ou moins une mise en valeur agricole par un
peuplement Blanc sous la coupe d'une compagnie commerciale, Malouet analyse les
raisons qui selon lui ont voué les différentes tentatives
passées à l'échec, pour proposer une approche
différente et semble-t-il plus réaliste qu'il regroupe en 18
points très généraux. S'il s'agit de développer la
Guyane dans un but stratégique, l'État doit agir en
coïncidence avec ses objectifs et prendre la mise en valeur à son
compte.
Ce document ne figure pas dans les archives mais on le
retrouve consigné dans la longue introduction du premier volume de sa
Collection de mémoires696. Dans cette feuille de
route, Malouet vise à relancer la production, restructurer le
réseau commercial et d'approvisionnement, investir dans des
infrastructures dédiées à la production, lancer des
travaux d'aménagement du territoire novateurs, enfin miser sur
l'incorporation des populations locales. Prudent, il prend avant toute chose
soin de préciser que ses propositions sont pour le moment des
hypothèses qu'il faudra vérifier sur place. Toutefois, si une
première analyse permet de mettre au jour une réelle
volonté de proposer quelque chose de différent et efficace sur le
plan économique, le discours qui se veut novateur et réaliste de
Malouet ne résiste pas à la comparaison avec les projets de
Bessner en 1767 et 1768697, dont il reprend en grande partie les
principes.
3.1 Dynamiser l'économie et le commerce
Malouet constate que la production guyanaise est très
faible en regard de son potentiel. Nous l'avons vu, la colonie souffre d'un
manque de main-d'oeuvre récurrent, en partie parce que les navires
négriers ne fréquentent pas assez régulièrement ses
eaux. La première chose à faire consiste donc à attirer
les armateurs, en redonnant de la crédibilité à cette
colonie.
696 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires,
tome 1, op. cit., p. 1-89.
697 ANOM C14/35 F° 245 et ANOM C14/35 F° 266
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