CONCLUSION
La Guyane est donc une terre de contraste. Le milieu
particulièrement contraignant hypothèque largement les chances de
succès des habitants et les tentatives de mise en valeur par la
métropole. La structure sociale, analogue à celle que l'on
retrouve dans les Antilles, reproduit le modèle de l'économie
coloniale fondée sur l'esclavage comme main-d'oeuvre et la production de
produits d'exportations. Cependant, la Guyane ne connaît pas, comme les
îles à sucre des Antilles, une monoculture sucrière. Ses
productions sont éparpillées en une multitude de cultures
différentes, révélant les faiblesses du modèle
guyanais qui repose sur une agriculture peu efficace, maintenant la
majorité des habitants dans une situation de précarité
économique.
L'enjeu pour la métropole est donc de mettre ce
territoire en valeur en s'inspirant du modèle du Surinam voisin, tout en
l'érigeant en pivot d'un dispositif militaire voué à
assurer la sécurité des Antilles. La valeur stratégique
que le ministère de la Marine accorde à la Guyane dès la
fin de la guerre de Sept ans est l'occasion d'une succession de plans et de
projets destinés à remplir les objectifs ministériels,
dont le principal acteur est le baron de Besner. C'est dans ce contexte que
Malouet est amené à intervenir en Guyane.
127
526 Ibid., p. 255 ; Marie POLDERMAN, La Guyane
française, 1676-1763, op. cit., p. 103-104.
128
2 COMMENT METTRE EN VALEUR LA GUYANE ?
À partir de 1763 et la signature du traité de
Paris, la France projette de faire de la Guyane une plate-forme de
ravitaillement pour les Antilles et une base arrière pour en assurer la
protection. Le ministère de la Marine orchestre les différents
projets de mise en valeur de la Guyane, dont le principal, et de triste
mémoire, est l'expédition de Kourou. L'étude de ces
projets met au jour une impulsion administrative en métropole et dans
les colonies, qui insuffle une dynamique d'ensemble, qui anime les rouages d'un
dispositif administratif et scientifique destiné à capter les
savoirs venus des colonies pour remplir les objectifs définis par le
ministère. En bout de chaîne, cette mécanique de fond
aboutit à des plans, à des projets, qui sont discutés,
examinés, et pour certains voués à une réalisation
concrète dans les colonies, comme c'est le cas de la Guyane, ce qui
justifie l'envoie de Malouet.
2.1 L'administration coloniale
La Marine s'organise et se bureaucratise à partir du
ministère de Colbert, autour du Secrétariat d'État. Son
oeuvre coloniale est d'abord un travail de création des instances
gouvernementales dirigeantes pour les colonies, qu'il entreprend après
la mort du duc de Beaufort en 1665. « Avant cette époque,
écrit Étienne Taillemite, le commandement suprême n'est ni
fixé, ni véritablement organisé d'une manière
rationnelle527. »
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