1.2 Une carrière itinérante
La vie de Pierre Victor Malouet est marquée par les
voyages, dès sa jeunesse. Il effectue différentes étapes
en France et en Europe, qui viennent compléter sa formation. De Paris,
où il achève ses études de droit en 1756, il poursuit sa
formation à Lisbonne et en Allemagne, avant de revenir à Paris en
1763. Entré dans la Marine, il ne cessera de se déplacer en
France et à l'étranger.
1.2.1 Paris - Lisbonne - Allemagne : formation initiale
Cette période de sept années fait figure de
voyage initiatique, dans laquelle la mobilité recouvre deux
caractéristiques principales au XVIIIe siècle. D'une part, elle
est envisagée de façon temporaire, dans une optique de retour.
« D'emblée, en effet, le voyage implique la
conscience d'accomplir un déplacement d'une durée limitée,
écrit Gilles Bertrand, c'est-à-dire suffisamment longue pour
n'être pas une simple promenade, mais dont les cadres sont assez
nettement définis pour qu'on ne le confonde pas avec une migration
définitive165. » A dix-huit ans, Malouet est à
Paris
164 Céline RONSSERAY, Administrer Cayenne au XVIIIe
siècle, op. cit., p. 159.
165 Gilles BERTRAND, « Voyager dans l'Europe des
années 1680-1780 », in Pierre-Yves BEAUREPAIRE et Pierrick
POURCHASSE (dirs.), Les circulations internationales en Europe:
années 1680-années 1780, Rennes, Presses universitaires de
Rennes, coll. « Histoire », 2010, p. 237.
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où il sort de la faculté de droit. Il estime
qu'il est temps pour lui de se marier et de retourner à Riom où
il envisage de s'installer en tant qu'avocat du roi166. Son
étape à Lisbonne ne dure qu'une année, au terme de
laquelle le comte de Merle, ambassadeur au Portugal, est rappelé en
France. Il participe à deux campagnes militaires aux côtés
du maréchal de Broglie et quitte l'armée ainsi que ses fonctions
d'inspecteur de la régie des fourrages, à son retour de la
campagne de Villinghausen en 1762167.
D'autre part, cette mobilité fait figure de grand tour
où la formation se perfectionne de façon informelle : on apprend
sur le tas. Ces voyages de formation tendent à devenir le lot commun de
la jeunesse issue de l'élite au XVIIIe siècle. « De plus en
plus [le voyage] a lieu après un premier décrassage scolaire au
collège. En un temps où les normes ne sont pas fixées mais
où les premiers standards s'imposent, l'expertise s'acquiert sur le tas
: elle enseigne les qualités, elle permet la polyvalence comme la
spécialisation » explique Daniel Roche168. À
Lisbonne, c'est auprès d'un jeune homme, parent de la femme du comte de
Merle, et du secrétaire de l'ambassade, que le jeune Malouet parfait ses
connaissances en histoire, en politique et en commerce. « Je
recommençai là mon éducation », nous dit-il. C'est
aussi une école du savoir-vivre, où s'acquiert les
premières leçons de « l'usage du monde », où il
est nécessaire de savoir se conduire et adopter une attitude
mesurée. Ainsi, il apprend « à [se] taire, à
écouter attentivement ce qui valait la peine d'être retenu,
à [s]'ennuyer quelquefois sans en avoir l'air, et enfin à
dissimuler [ses] premières impressions, qui [l]'avaient jusque-là
dominées169. »
Cette formation complémentaire permet à Malouet
d'acquérir un bagage minimum, lui ouvrant de nouvelles perspectives.
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