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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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1.1.2 Un parcours scolaire classique

Quand il parle de sa jeunesse, Malouet évoque une première instruction auprès d'un précepteur « ignorant et spirituel, qui ne [lui a] rien appris », et son passage ensuite dans un collège de province151. Le petit Pierre Victor est, en effet, placé avant l'âge de huit ans en sixième, au collège oratorien de Riom, où il poursuit une scolarité brillante puisqu'il figure parmi les insignes, c'est-à-dire les trois ou quatre meilleurs élèves152. Son parcours scolaire s'inscrit dans la lignée de la formation reçue par la bourgeoisie riomoise. René Bouscayrol explique que traditionnellement, la bourgeoisie et les propriétaires terriens riomois ont tendance à scolariser leurs garçons chez les Oratoriens, alors que la noblesse préfère les Jésuites de Clermont153. Une approche plus fine montre que le rayonnement du collège de Riom n'est, en réalité, pas seulement local, puisque cet établissement attire à l'échelle régionale l'ensemble des élèves qui désirent entrer à l'université, ou dans la cléricature. Le contexte de ce collège s'inscrit dans la lignée de ces villes moyennes, à l'image de Beaune ou de Salins, qui connaissent des taux de recrutement deux à trois fois supérieurs à la moyenne nationale. Ces collèges, toujours fondés sur appel des municipalités, permettent l'accès aux études de jeunes garçons issus de la petite bourgeoisie, de l'élite artisanale et paysanne. Ils participent à ce que Pierre Costabel nomme « le ratissage systématique du potentiel intellectuel de la nation154. » De plus, dans une ville comme Riom, où la robe domine, « le bailliage et le présidial se trouvent pendant plusieurs générations dans une sorte d'osmose par rapport à l'Oratoire, osmose que la présence du collège dans la ville tend à maintenir155. » Ce qui renvoie évidemment aux fonctions exercées au sein de la famille Malouet, par le père et les deux grands-pères, et dénote d'une tendance certaine à la reproduction sociale.

À quatorze ans, le jeune Pierre Victor est envoyé par son père au collège de Juilly, en région parisienne, afin de terminer ses études. Cet établissement, le plus célèbre collège Oratorien, dispose d'un véritable rayonnement national156. C'est en 1638 que Louis XIII, désireux de confier à l'Oratoire l'éducation des cadets de la noblesse, octroie le titre d'Académie royale au collège de Juilly. Le recrutement des élèves, conformément à l'esprit de la fondation, définit un type très particulier de prise en charge des élèves. Du fait de sa situation géographique, le collège ne peut

151 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol. 1, op. cit., p. 2.

152 René BOUSCAYROL, « Origines et prime jeunesse », op. cit., p. 20.

153 Ibid., p. 21.

154 Pierre COSTABEL, « L'Oratoire de France et ses collèges », in Enseignement et diffusion des savoirs en France au XVIIIe siècle, Paris, Hermann, 1964, p. 69-70.

155 Dominique JULIA et Willem FRIJHOFF, « Les Oratoriens de France sous l'Ancien régime. Premiers résultats d'une enquête », Revue d'histoire de l'Église de France, 1979, vol. 65, no 175, p. 235.

156 Céline RONSSERAY, Administrer Cayenne au XVIIIe siècle, op. cit., p. 258.

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recevoir que des pensionnaires, qui appartiennent en très grande majorité à la noblesse157. Deux raisons expliquent le choix de Pierre André Malouet pour son fils. D'une part, des mesures discriminatoires frappent les Oratoriens, proches des Jansénistes, qui entretiennent une rivalité avec les Jésuites de Clermont. D'autre part, Pierre Antoine Malouet, oncle de Pierre Victor, y est professeur de philosophie (entre 1749 et 1754) et désire voir son neveu devenir prêtre158. Cette perspective semble réjouir le jeune Pierre Victor : « Je ne vis rien de plus désirable que le sort de mon oncle, et l'habit religieux, que j'ai porté jusqu'à l'âge de seize ans » nous dit-il159. Institution sacerdotale par excellence, l'Oratoire ne reçoit, en effet, que des prêtres ou des aspirants à la prêtrise160. D'un point de vue pédagogique, John Renwick et Jean Ehrard mettent en avant une certaine volonté d'ouverture des Oratoriens aux nouveautés du XVIIIe siècle, notamment aux horizons chers aux philosophes des Lumières. L'enseignement dispensé, généralement en français, porte principalement sur les arts oratoires (la rhétorique), l'histoire et la philosophie. La rhétorique occupe une place centrale : d'après les théoriciens de cette congrégation, tout comme ceux des Jésuites, seules les lettres sont capables de parler à l'intelligence, à l'imagination et à la sensibilité. La finalité de leur enseignement est donc de préparer à la vie de société, à la sociabilité polie161. En plus de ces enseignements des humanités, l'Oratoire, depuis l'élan donné au XVIIe siècle, constitue jusqu'à la Révolution un véritable foyer de culture scientifique. On y enseigne les sciences en général, les mathématiques, la physique, la chimie, les sciences naturelles, les techniques de fortifications, celles liées à la marine, la mécanique. Cet enseignement scientifique et intégré dans les deux années de philosophie162.

Toutefois, Malouet n'en bénéficie pas. La vie conventuelle et les études qui en découlent finissent par le lasser. Il obtient de son père l'autorisation d'y renoncer et quitte le collège de Juilly dès la fin de la classe de rhétorique. Ses mémoires rapportent ensuite qu'il suit avec succès les cours de la faculté de droit de Paris jusqu'à ses dix-huit ans163. Là encore, il se dévoile une logique de reproduction sociale qui a cours dans la bourgeoisie et la noblesse. « Au XVIIIe siècle, nous dit Céline Ronsseray, un jeune homme sur cent arrive aux études supérieures suivant un mécanisme de reproduction professionnelle. Parmi les futurs administrateurs de Guyane, nous savons que quatre d'entre eux sont passés du collège à la faculté de droit : Thibault de Chanvalon, Maillart-Dumesle,

157 Pierre COSTABEL, « L'Oratoire de France et ses collèges », op. cit., p. 76.

158 René BOUSCAYROL, « Origines et prime jeunesse », op. cit., p. 21.

159 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol. 1, op. cit., p. 2.

160 Dominique JULIA et Willem FRIJITOFF, « Les Oratoriens de France sous l'Ancien régime. Premiers résultats d'une enquête », op. cit., p. 233.

161 John RENWICK et Lucette PEROL, Deux bibliothèques oratoriennes à la fin du XVIIIe siècle: Riom et Effiat, Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 1999, p. 27.

162 Pierre COSTABEL, « L'Oratoire de France et ses collèges », op. cit., p. 79.

163 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol. 1, op. cit., p. 2.

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Vassal et Malouet. Reproduction sociale oblige, ces hommes sont issus de famille disposant d'un office ou d'une charge. » Il n'est pas non plus surprenant de voir que Malouet, ses études terminées, envisage de devenir avocat. Alors que la philosophie et la théologie stagnent, en raison notamment de la saturation du marché des bénéfices ecclésiastiques, le droit présente une progression constante, qui s'explique par l'accessibilité des gradués en droit aux carrières d'avocat à partir de 1657 et l'introduction du droit civil dans le cursus en 1679. Le recrutement ne cesse alors d'augmenter : les facultés de droit produisent annuellement 100 à 200 licenciés par an jusqu'en 1789164.

Ainsi, la scolarité de Malouet suit un parcours classique, où bourgeoisie et noblesse fréquentent les mêmes établissements. Sur cette toile de fond qui illustre un certain rapprochement des élites, il continue son parcours en suivant un schéma répandu au XVIIIe siècle, dans lequel mobilité géographique et formation se rejoignent.

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