Section 3. Les fleurs, premiers succès et fonds
de commerce de Diaz
Ses fleurs peintes, dont le succès de se
démentira jamais, sont ses premières réussites. Lorsqu'il
habite sur le faubourg Saint-Denis dans ses jeunes années, le marchand
de couleurs Desforges qui offre du matériel aux artistes contre des
tableaux et leur permet d'acquérir une visibilité, demande
régulièrement à Diaz des jetés de
fleurs107. Celui-ci a remarqué chez lui un traitement
novateur de la nature morte (repr. 6 et 7). Champfleury englobe tous les
artistes exposés par le marchand, Couture, Muller, Lépaulle,
Charpentier, Tissier, Verdier, Nanteuil et Diaz, sous le nom de «
l'école Desforges » :
« Un marchand de couleurs s'établit sur le
boulevard, il y a quelques années, faisant montre de tableaux pleins de
ragout et signés de noms inconnus. Peu de temps après, les
inconnus devenaient très connus108. »
Ce traitement original de la fleur, brossée avec une
touche très apparente et des couleurs vives, suggérant sans
détailler avec minutie le sujet, est inhabituelle pour l'époque.
La fleur se prête moins à une fougue romantique que des
scènes historiques, et pourtant c'est bien le même mouvement qui
anime ses petites natures mortes. C'est avec une certaine obstination et un
sentiment esthétique très arrêté que Diaz,
dès ses premières années de peintre décorateur sur
porcelaine, a fait éclore ces fleurs « qui font tache » sur la
céramique, et qui lui ont valu d'être renvoyé de son
premier emploi de décorateur109.
Diaz jette des fleurs brossées de façon vive, un
peu partout, sur les murs de l'auberge de Ganne, sur des petites toiles pour
finir sa palette110. L'analogie avec son expérience de
décorateur sur porcelaine est déjà remarquée du
temps de l'artiste, par Roger Ballu111. La féérie est
peut-être là, d'avoir pu
105 Baudelaire Charles, « Salon de 1859 », dans
Écrits sur l'art, Paris, Le livre de poche, 1999, p. 401.
106 Ibidem.
107 Miquel, Pierre et Rolande, op. cit., p.
108 Champfleury, « Salon de 1846 », op. cit.,
p. 33.
109 Voir la biographie faite par Silvestre, Théophile,
« Diaz », Les artistes français, op. cit.,
p. 143.
110 Sur les fins de palette des « Peint' à Ganne
», voir Caille, Marie-Thérèse, op. cit.
111 Ballu Roger, « Diaz. Les artistes contemporains »,
Gazette des Beaux-Arts, 1er mars 1877, 1, p. 290-304.
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transposer son faire de miniaturiste sur porcelaine à
une peinture de chevalet, elle aussi souvent de très petites dimensions,
et décorative, pour en tirer une telle renommée.
Si on peut concevoir qu'une plante crée «
stratégiquement » une fleur pour procréer, attirer par ses
couleurs les insectes, on peut voir de même Diaz déployer des
couleurs vives, qui attirent l'oeil du marchand Desforges, de ses clients, du
public au Salon... et qui restera sa marque de fabrique. Ce qui s'applique aux
tableaux de fleurs, s'applique à l'ensemble de ses tableaux, dont la
couleur excite le milieu de l'art parisien, ce que dit exactement Deschanel
:
« peinture séduisante, mais molle et
lâchée, qui paraît faite uniquement pour charmer les sens,
comme les parfums et les fleurs112. »
La deuxième version était d'ailleurs produite
pour la galerie George Petit, organisateur de ventes innovantes de Diaz. La
Fée aux fleurs, mise en abîme du faire de l'artiste,
allégorise l'origine du don qu'on lui prête. Il « se vend
» lui-même, fait effectivement « un Diaz » pour George
Petit, et arrive avec ce tableau à une auto-figuration de sa
manière.
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