I.1. QU'ENTEND-T-ON PAR
PIDGIN ?
Le pidgin est un mot qui suscite beaucoup de controverses
parmi les linguistes. Il a été défini
différemment par les auteurs.,Sselon Rockford et Mc Whorter, le pidgin a
une fonction sociale. Il est un moyen de communication limité qui se
réduit uniquement entre des personnes ayant deux ou plusieurs langues.
Entre des personnes ayant des contacts répétés ou
étendus. Par exemple à travers le commerce, l'esclavage, les
migrations.
Todd (1992) quant a lui dira que le pidgin est une
lingua-franca qui émerge afin de satisfaire et de faciliter les
besoins de communication entre les praticiens de langues
hétérogènes forcés à un contact soutenu et
permanent.
Cette définition du pidgin n'est pas satisfaisante dans
la mesure où il est développé pour des besoins bien
spécifiques, et qui s'éteint ou meurt une fois le but visé
atteint. Le pidgin dans ce genre de contexte est celui qui était
parlé au Vietnam par les Américains durant la guerre du Vietnam.
Ce pidgin disparut aussi avec la fin de ladite guerre.
La définition évoquée plus haut ne
s'applique pas au pidgin, langue véhiculaire comme celleui du Tok
pisin en Nouvelle Guinée, Sango en République
Centrafricaine et le Cameroon Pidgin English parmi tant d'autres qui
sont utilisées comme première langue véhiculaire par
lseurs locuteurs (Alan, Tosco 2001 :17).
Toutefois, cette définition renferme quelques lacunes
dans la mesure où l'on n'a pas reconnu l'existence d'un pidgin
répandu ou développé dont les fonctions vont au
delà de celles de la communication.
Cependant, Holm (1998:5) cité par Wardhaugh (1987)
considère le pidgin comme:
a reduced language that results from extended contacts
between groups of people having no language in Common. Its involves when there
is need for some form of verbal communication, perhaps for trade, but no group
learns the native language of any other group for social reasons that may
include lack of trust or close contacts.
.
Traduiction littéralement,le pidgin selon Holm est
une«lingua franca» qui émerge afin de satisfaire les
besoins de communication entre praticiens de différentes langues ou
groupes ethniques d'origines diverses.
L'anthropologue Pierrette Thibault définit le pidgin
comme une langue contractuelle qui est un amalgame
d'éléments linguistiques de deux ou de plusieurs langues et qui
émergent dans le cadre de transactions effectuées, grâce
à un processus de restriction et de simplification de l'une des langues
de ces groupes. Il s'agit généralement de celui qui occupe une
position de supériorité sociale. [...].
Autrement dit, la langue du group dominant fournit la plus
grande partie du vocabulaire du pidgin. C'est le superstrat. La (ou les)
langue(s) du (ou des) groupes dominé(s) forme(nt) le substrat.
Elle(s) contribue(nt) de façon moins évidente au
pidgin (ibid. :163). Précisons toutefois que lorsqu'un pidgin
devient une langue maternelle, on ne l'appelle plus pidgin, mais il devient un
créole.
Foley, (1988) précise cependant que deux conditions
sont nécessaires pour qu'un pidgin se développe : il faut
qu'il existe un fossé social entre les locuteurs du superstrat et ceux
du substrat (condition qui rend compte de tous les pidgins apparus dans le
contexte colonial et esclavagiste) ou tout de moins qu'une symétrie
caractérise les rôles sociaux et économiques (condition qui
rend compte de la plupart des pidgins indigènes)
Cependant, notre auteur nous fait remarquer que, presque
toutes ces définitions sur le pidgin sont matières à
controverse. Mais, ce que Foley ne nous dit pas dans sa
définition, c'est si l'on peut parler de pidgin lorsque deux langues
seulement sont impliquées.
La question qui restera suspendu après les
différents arguments avancés par Foley sur la définition
du pidgin sera celle de savoir si l'on peut qualifier la contribution du
substrat de moins évidente ou importante que celle du superstrat ?
A cette question, Claire Lefebvre dira que si les esclaves ou les clients en
viennent à utiliser le pidgin entre eux, ce qui fut certainement le cas
chez les esclaves, on doit s'attendre à ce qu'ils accolent le
vocabulaire du superstrat à la grammaire de leur langue maternelle.
Mc Mahon (1994:253) quant à
lui en ce qui concerne le pidgin parlera des « pidgins ».
À cet effet, il dira que « les pidgins » se
développent dans une situation où les différents groupes
de personnes ont besoin de certains moyens de communication, mais n'ont aucune
langue commune. Fernandez (1998:212) affirme que «un pidgin est une
langue composée d'éléments de plusieurs autres langues (au
moins, plus de deux), et utilisé principalement pour «des contacts
commerciaux ».
DeCamp (1971, cité par Romain (1993:23) définit
le pidgin comme «une langue vernaculaire qui est
caractérisée par un vocabulaire limité, une
élimination de nombreux mécanismes grammaticaux tels que le
nombre et le genre, et une réduction drastique des fonctions
redondantes ». Trudgill repris par Mbangwana (2004 :23-44)
définit le pidgin comme une variété de l'anglais.
Autrement dit, c'est une langue issue d'une simplification de l'anglais.
Trudgill étend son propos en affirmant que le pidgin dans la plupart
des cas a un vocabulaire et une grammaire limités , de plus, il renferme
en son sein beaucoup d'irrégularités grammaticales.
Cette définition parle de simplification qui est un
phénomène normal en pidgin, mais, il n'a pas parlé de
comment est-ce que le contact des langues a donné naissance à
cette simplification. De plus, la question que l'on pourrait se poser est
celle de savoir si cette restriction et cette simplification ne s'appliquent
qu'à l'une des langues, le superstrat ? Pierrette Thibault pour
répondre à cette question soutiendra que dans le contexte de
l'esclavage, les Africains provenaient plus ou moins de la même
région, de sorte que les langues maternelles de plusieurs d'entre eux
étaient apparentées. Afin de communiquer entre eux, ils ont sans
doute négocié la reconnaissance d'éléments communs
dans leurs grammaires par un processus de simplification. N'oublions pas qu'un
pidgin est employé dans les transactions spécifiques au
départ, c'est un code spécialisé et une fois qu'il s`est
stabilisé, il comporte peu de variations.
Hymes (1971), cité par Romaine (1993:24) affirme que
« la pidginisation est un processus de changement complexe comprenant
une réduction de la forme intérieure, avec la convergence, dans
le contexte de restriction de l'utilisation .La pidginisation est
généralement associée à la simplification de la
forme extérieure ».
Autrement dit, pour beaucoup d'auteurs, le pidgin et le
créole sont des langues simples. L'hypothèse malheureusement
restera vague et dangereuse, tant que la « simplicité linguistique
» n'aura pas été définie en termes de linguistique,
et plus particulièrement dans le cadre d'une typologie comparative. Ceci
veut dire qu'on devra aussi définir un type qui ne serait pas simple. Au
plan grammatical, est-il absolument juste de dire qu'il s'agit d'une
simplification ? Sans doute, à condition d'admettre
(hypothétiquement) que la simplification n'est pas le rejet de ce qui
est compliqué, mais plutôt le maintien, ou mieux, l'accueil de
structures phonologiques et grammaticale. Les plus fréquentes ne
seraient elles pas précisément les plus économiques pour
l'esprit ? Il y a en toute langue des lignes de moindre résistance, une
langue de base se définit non seulement sur le plan lexical, mais aussi
sur le plan de l'organisation grammaticale. Ce n'est plus de simplification
qu'il faudrait parler, mais d'une épuration ou d'un drainage sur lequel
viennent se greffer des réflexes linguistiques acquis avec et par la
langue première. Ce sont les interférences.
David Decamp, (p. 16 de son introduction) rejoint cette
définition et veut montrer que les pidgins et les créoles
minimisent la redondance en syntaxe, ce qui serait donc un effet de
simplicité. C'est par exemple le cas du créole de la
Jamaïque, di bwai-dem, transposant « the boy them » et
signifiant « the boys ». La marque de pluralité serait
redondante dès qu'apparaît un numéral ; elle
disparaît donc, preuve de la simplicité toute-puissante : di
trii bwai « the three boys ». Ceci et plus explicite dans des
langues africaines et David Decamp parle dans son Introduction de
« type économique ». Par exemple dans les
langues des groupes kwa et mandé, mais aussi le
sango, le lendu, la pluralité, quand elle est
explicitement signifiée par un morphème grammatical (par exemple,
une modalité nominale), n'est généralement pas compatible
avec une pluralité exprimée lexicalement (par exemple un syntagme
où intervient une détermination numérale ou quantitative),
à la différence de langues du type à morphématique
différenciée (ouest-atlantique, voltaïque, tchadique,
bantu). La modalité nominale dans les langues de type économique
implique une pluralité déterminée, comptable, totalisante,
et son occurrence dans les textes est infiniment moins fréquente que
dans les langues de l'autre type. Le yoruba, le lendu, pour
ne citer que ceux-là, sont même très restrictifs quant
à l'expression de la pluralité.
Toutefois, ayant constaté que les pidgins ont diverses
morphologies, la question est de savoir si les conditions de naissance du
pidgin English au Cameroun sont les même que celles
évoquées plus haut
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