L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé( Télécharger le fichier original )par Romain Coquet Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012 |
§2- Le fonds de dotation : un instrument efficace de protection du patrimoineLe fonds de dotation incarne à juste titre l'avenir de la philanthropie en droit français. Ce nouvel instrument de protection du patrimoine est présenté comme un « nouvel outil à mi-chemin entre fondation et association »561(*). Son identité s'est en effet construite à partir de ces deux modèles si bien qu'il se crée comme une association, mais se finance comme une association562(*). La création des fonds de dotation fait écho au déclin des fondations d'entreprise. Ces dernières ne peuvent pas faire appel à la générosité du public pour faire fructifier leur patrimoine. En outre, elles sont constituées pour une durée déterminée, ce qui représente un frein à leur développement. Le fonds de dotation est donc l'oeuvre du législateur qui a souhaité créer un outil innovant pour le mécénat. Son efficience se manifeste par un désengagement des pouvoirs publics en matière d'activités non lucratives et par un financement souple. Ce double constat atteste d'un dynamisme accru au sein des organismes sans but lucratif (OSBL). Pour en témoigner, 1110 fonds de dotation étaient publiés au Journal officiel au 8 août 2012. Cet outil n'est pas né ex nihilo : il s'inspire des « endowmentfunds » anglo-saxons dont le capital est destiné à financer des oeuvres charitables au profit des universités, des hôpitaux, ou des églises. La pratique attendait donc la naissance de cet instrument providentiel563(*). Le fonds de dotation est généralement défini comme « une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une oeuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses oeuvres et de ses missions d'intérêt général »564(*). En qualité de personne morale, le fonds de dotation peut disposer d'un patrimoine propre, indépendant de celui de ses fondateurs ou exercer une activité distincte de celle de ses membres. Il peut ainsi être qualifié de patrimoine d'affectation à vocation philanthropique. Le fonds de dotation peut également être appréhendé à l'aune d'un groupement de personnes. Dans ce cas, il s'apparentera à « un contrat de groupement sui generis laissant libre cours à la technique contractuelle »565(*). Le fonds de dotation repose sur un esprit comparable à celui de la fondation d'entreprise. Il symbolise une affectation de biens à un but d'intérêt général. Cette définition nous enseigne que le fonds de dotation repose sur une dualité. En premier lieu, l'action du fonds peut être directe et résulter d'une utilisation des revenus de la capitalisation, on parle alors de fonds opérationnel. En second lieu, le fonds peut servir de relais en vue d'une redistribution. Il s'agit dans ce cas d'un groupement de biens. A la différence des associations déclarées, le fonds de dotation dispose de la grande capacité juridique et peut bénéficier d'apports de biens et de droits mais également des dons et des legs qui lui sont consentis. Contrairement à la fondation, une dotation initiale du fonds n'est pas nécessaire. Le fondateur entend ainsi attirer ultérieurement des mécènes destinés à apporter leurs concours en matière de financement d'oeuvres d'intérêt général. L'attrait des juristes pour le fonds de dotation s'explique par la souplesse de cette nouvelle institution à but non lucratif (A). Le financement des fonds de dotation permet la réalisation d'oeuvres d'intérêt général dans divers domaines (B), en raison d'une fiscalité attractive (C). A- La souplesse du financement privé1- Le fonds de dotation ouvert à une pluralité de fondateursLe fonds de dotation se caractérise par sa souplesse. En effet, il est créé par une ou plusieurs personnes physiques ou morales566(*). Il convient alors d'envisager les deux solutions. Si le fonds est créé à l'initiative d'une seule personne, cela simplifie les règles de gouvernance et permet une réelle maîtrise du patrimoine affecté. Il s'apparente dans cette hypothèse à une fondation qui est un acte unilatéral. En revanche, si le fonds de dotation est créé par plusieurs personnes, il peut être assimilé à un groupement de personnes. Il obéit alors aux conditions de validité des conventions posées à l'article 1108 du Code civil567(*). L'existence de membres adhérents aux statuts des fonds de dotation penche également en faveur de sa nature contractuelle. Toute personne physique ou morale est donc apte à créer un tel fonds. Les personnes physiques doivent avoir la capacité d'effectuer des libéralités avec charge568(*). Il n'y a aucune restriction en faveur des personnes morales, qu'elles soient de droit privé ou de droit public. Par ailleurs, aucune condition de nationalité n'est posée, de ce fait des étrangers peuvent être à l'origine d'un fonds de dotation en France. A première vue, cet instrument recèle de nombreux avantages. La fondation d'entreprise, de son côté, présente une limite certaine. Elle ne peut être constituée que par des sociétés civiles ou commerciales, des établissements publics industriels et commerciaux, des coopératives ou des mutuelles569(*). L'intérêt réside dans le fait que la fondation peut créer un fonds de dotation lui permettant de disposer de ressources nouvelles et de financer un projet philanthropique commun à ces entités. Le fonds de dotation concerne un public plus large que les fondations d'entreprises. Ces dernières ne peuvent en effet être constituées par des personnes publiques. Si une entreprise décide de créer un fonds de dotation, l'opération de mécénat devra avoir un intérêt social pour elle. La question s'est posée de savoir si les associations exerçant des activités cultuelles et les congrégations religieuses pouvaient créer un fonds de dotation. A priori, la réponse est positive en application de l'article 140 de la loi du 4 août 2008. Or il existe un conflit de lois qui sème le doute en la matière. Les associations cultuelles régies par le titre IV de la loi du 9 décembre 1905 ne peuvent exercer que des activités à caractère exclusivement cultuel570(*). Elles ne peuvent mener aucune activité d'intérêt général sauf si l'activité présente un caractère accessoire lié à l'exercice du culte. En revanche, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 qui exercent des activités cultuelles peuvent mener des activités à caractère caritatif. Elles peuvent créer librement un fonds de dotation ou en recevoir les revenus en vue de la réalisation d'une mission d'intérêt général. Les congrégations religieuses légalement reconnues peuvent également créer un tel fonds ou en recevoir les revenus pour un objectif similaire. * 561 C. AMBLARD, « Fonds de dotation : encore du nouveau sur le front du mécénat ! », Bull. act. Lamy Associations, novembre 2008, n° 165. * 562 C. BERGEAL, « Séminaire pour le développement des fonds de dotation en France », atelier n°1, Un outil de financement au service d'une mission d'intérêt général, 19 novembre 2008 : « C'est une originalité profonde du fonds de dotation, il reste la chose de ses fondateurs. Il n'est pas soumis à une règle de démocratie interne, comme les associations loi de 1901, parfois difficile à faire vivre. Il n'a pas d'obligation d'indépendance à l'égard de ses fondateurs, comme l'imposent les statuts types des fondations d'utilité publique, sur lesquels veille le Conseil d'Etat. Il peut être dirigé par ses fondateurs ». * 563 Le notariat souhaitait en effet l'instauration des fonds de dotation depuis le 92ème congrès des notaires de France qui eut lieu à Deauville en 1996 sur le monde associatif. * 564 Article 140 I. de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, LME. Cette loi précise la double mission des fonds de dotation à savoir mobilier l'attractivité au service de la croissance (titre III) et attirer les financements privés pour des opérations d'intérêt général (Chapitre IV). * 565 C. AMBLARD, « Fonds de dotation : une révolution dans le monde des institutions sans but lucratif », Collection Lamy axe droit, 2010. p.27. * 566 Loi du 4 août 2008, article 140 I. alinéa 2. * 567 Ces conditions sont le consentement de la partie qui s'oblige, la capacité de contracter, un objet certain et une cause licite. * 568 Les fondateurs ne doivent donc pas être sous tutelle ou sous curatelle. * 569 Article 19 de la loi du 23 juillet 1987. * 570 CE, avis, 24 octobre 1997, n°1987-122, Association locale pour le culte des témoins de Jéhovah de Riom : « les associations revendiquant le statut d'association cultuelle doivent avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte ; En outre, ces associations ne peuvent mener que des activités en relation avec cet objet telles que l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi que l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte ». |
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