Prise en compte de la norme dans le processus de production et de l'assurance qualité des exploitations avicoles au Cameroun: le cas du complexe avicole de mvog-betsi( Télécharger le fichier original )par Gaston ASSONTIA DJOUDJI Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Développement et Management des Projets 2012 |
II. CONTEXTE DE L'ETUDELa présente étude s'inscrit dans un contexte où la sécurité sanitaire des denrées alimentaires est une priorité de santé universellement reconnue. Elle requiert une approche globale qui va de la fourche à la fourchette en assurant la qualité. Plus que les conditions locales de production, de transformation et de distribution qui ne sont d'ailleurs guère satisfaisantes, c'est avant tout les problèmes émergents survenus au cours des deux dernières décennies au niveau international qui ont suscité l'intérêt que nous portons aujourd'hui sur la prise en compte de la norme dans le processus de production et de l'assurance qualité dans les exploitations avicoles, en d'autres termes sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments pour bétail. Bien avant que le lait irradié ne soit signalé sur les Côtes Ouest africaines après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl7(*), les Camerounais suivaient avec une attention particulière, la polémique dans les pays développés, au sujet de l'utilisation en productions animales des substances stimulatrices de la croissance chez les animaux de boucherie (androgènes, antibiotiques, hormones de croissance) et des risques liés à la consommation des viandes fournies par les animaux traités par le sujet humain. La crise de la dioxine a fait chuter, en son temps les importations de viande de volailles de près de 80%, en même temps que certains médias étrangers tiraient la sonnette d'alarme sur la présence au port de Douala, d'une cargaison contaminée de salmonelles. Les diverses notifications, par les pays du Nord, des cas d'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB) ou maladie de la vache folle8(*), de grippe aviaire9(*) et de fièvre hémorragique du porc dans certains pays asiatiques, ont accru la peur de consommer de la viande importée. La controverse autour de l'utilisation des OGM en agriculture produit les mêmes effets. Dans la sous région Afrique Centrale, les flambées épidémiques des fièvres d'Ebola et de Marburg ont détourné une grande partie de la population de la consommation de la viande de singe pourtant bien appréciée. Au demeurant, le consommateur camerounais, a un sentiment d'éloignement et de répugnance par rapport aux médias et Organisations Non Gouvernementales chargés de la défense de ses intérêts, qui ne transcrivent pas toujours les faits avec la rigueur scientifique souhaitée, répandent l'alarme au sein d'une population saturée d'informations écrites, parlées et visuelles sur les risques liés à la consommation de la viande importée. La population perd de vue que les conditions locales de production, de transformation et de distribution sont loin d'être sécurisantes. Or, ce qui fait un choc pour le consommateur fait problème pour le législateur et l'administrateur. L'enchevêtrement entre la norme et la règle de droit constitue dès lors un enjeu fort. La gestion du problème et la prise des décisions sont sans nul doute influencées par ce phénomène d'aversion et le corollaire est patent: l'Etat consacre ses efforts sur l'aspect productif au détriment de la qualité, par souci de satisfaire la demande, quand même le Cameroun exporte les crevettes vers l'UE et la viande de toutes les catégories dans la sous-région CEMAC. D'abord développée pour rendre compatible les objets de la communication10(*), la pratique de la norme s'est généralisée au cours du vingtième siècle11(*). Elle touche aujourd'hui la plupart des domaines d'activités économiques, des nouvelles technologies de l'information et de la communication au management de la qualité ; de service et la liste n'est pas exhaustive. Comme le fait observer Angel Gurria, « Il n'est plus à démontrer que la norme est un outil de pointe au service des entreprises, des gouvernements et de la société »12(*). Le document de stratégie de normalisation 2008-2015 élaboré par le Ministère de l'Industrie, des Mines et du Développement Technologique (MINIMIDT)13(*) a planifié les activités de normalisation susceptibles de contribuer efficacement à la mise à niveau des entreprises et à la compétitivité de l'économie camerounaise, afin de répondre favorablement aux préoccupations relatives au développement économique et social du Cameroun. « La normalisation dans le cadre d'enjeux économiques et stratégiques est une nécessité constante »14(*). Il y a en effet une importance purement économique, pour une entreprise ou un Etat, à s'inscrire dans une norme voire à en être l'instigateur. Cette dernière est alors établie par des organisations spécialisées, associations de professionnels ou organismes officiels de normalisation, tels l'AFNOR, l'ISO, le CEN15(*) ou l'ANOR16(*). Enjeu majeur pour la collectivité, « elle constitue aujourd'hui un outil incontournable de dialogue entre les fabricants, leurs clients et les autres partenaires »17(*). Au Cameroun, « La mondialisation des économies et la stratégie d'ouverture du marché sur l'extérieur nécessitent impérativement la mise en place d'une politique en faveur de la compétitivité de l'économie »18(*). La normalisation constitue ainsi un élément essentiel de cette politique. « C'est un outil commercial permettant une meilleure connaissance de l'état de l'art et des pratiques des marchés »19(*). Barry Sandrine20(*) fait remarquer que son importance est universellement reconnue et elle se situe maintenant au coeur des dernières théories managériales. A l'heure actuelle, poursuit-elle, la globalisation des démarches de la qualité semble accompagner la mondialisation de l'économie comme en témoigne l'audience des normes internationales, notamment les normes « ISO 9000 ». Selon le MINIMIDT, « la normalisation est une référence incontestable de la qualité à travers la certification de conformité aux normes, aussi bien celles relatives aux caractéristiques des produits que celles décrivant les systèmes de management. La normalisation participe ainsi diversement tant à la reconquête du marché intérieur qu'au développement des exportations et, de ce fait, favorise indirectement l'emploi»21(*). Les successions de crises ont aussi ébranlé la confiance des consommateurs dans la qualité et la fiabilité des aliments mis sur le marché au point de modifier les habitudes alimentaires et de susciter un sentiment «d'insécurité alimentaire » relayé par les médias. En fait, ces crises alimentaires ont donc montré que confiance, sécurité et qualité sont les maîtres-mots de ce nouveau contrat social à trouver autour de la production et de la consommation22(*). En même temps, ces crises alimentaires ont légitimé la remise en cause des postulats politiques et économiques qui ont régi le monde pendant ces dernières décennies. Elles révèlent aussi un autre phénomène propre à notre époque, qui est l'effet de masse sur la santé des consommateurs, conséquence d'une uniformisation des procédés de fabrication cumulés à des situations quasi-monopolistiques sur le marché. Et les tentatives ponctuelles de redéploiement stratégique notées pour développer l'agriculture se trouvent confrontées à la réalité des crises économique et financière. Le cadre juridique23(*) et réglementaire24(*) de la normalisation, quant à lui repose au Cameroun, sur les accords internationaux, sous-régionaux, de lois et instruments qui la régissent. Il en résulte donc, à la suite de cette
présentation du contexte, que la maîtrise des normes reste et
représente un enjeu économique considérable.
Malheureusement, les événements décrits plus haut mettent
en exergue les difficultés à surmonter quant à la
normalisation et la qualité. L'ANOR a certes publié
« le management de la qualité-ligne directrices pour la
qualité en management des projets comme l'un des
« produits homologué» »25(*) mais, ce produit ne prend pas
en compte les exploitations avicoles. De plus, son application n'est pas encore
obligatoire. * 7 La catastrophe de Tchernobyl est un grave accident nucléaire qui s'est produit le 26 avril 1986 dans la centrale Lénine, située en Ukraine, qui faisait partie à l'époque de l'URSS. [En ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_nucl%C3%A9aire_de_Tchernobyl consulté le 07/08/2012 à 20h30 * 8 Réf. décision n°008/UDEAC du 14 déc. 2000, du Conseil des Ministres relative à la « maladie de la vache folle » pour sauvegarder les cheptels de la sous-région et la santé humaine. Et la lettre circulaire n°0015/MINEPIA/DSV, du 02 fév. 2001, sur l'extension des mesures de refoulement à l'importation aux conserves, farines de viande et os. * 9 L'arrêté n° 0007/MINEPIA du 16 mars 2006 portant déclaration de l'infection de l'influenza aviaire hautement pathogène (grippe aviaire) dans la province de l'Extrême-Nord du Cameroun et l'Arrêté n° 00013/MINEPIA du 20 juillet 2006 portant délimitation des zones infectées par l'Influenza Aviaire Hautement Pathogène. * 10 François-Xavier Dudouet et al, « Politiques internationales de normalisation : quelques jalons pour la recherche empirique », in, Les analyses de l'Opes n°6, Mai, 2006, p.2. * 11 Ibid. * 12 Rob Steele, « le point sur des leviers de puissance », in, ISO Focus+, vol.1 n°1, janvier, 2010, pp.1-3. * 13 Il est à noter que ce document n'a pas l'objet d'une publication officielle. * 14 Bertil SYLVANDER, « Normalisation et concurrence internationale : la politique de qualité alimentaire en Europe », in, Économie Rurale, vol.231 /Janvier-Février 1996 n° 231 ; p.57. * 15 Estelle BROSSET et al, p.17. * 16 Cf. Décret n° 2009/29 6 du 17 Septembre 2009 portant création de l'ANOR. * 17DIGITIP/SQUALPI, « Fonctions et enjeux de la normalisation », [En ligne], 2004, URL : www.industrie.gouv.fr/pratique/certification/fonctionsnormal.htm consulté le 02/08/2011 à 19h35 * 18 MINIMIDT, « Stratégie camerounaise de la normalisation », Cameroun-MINMIDT, 2008, pp.1-5 * 19 Ibid. * 20 Barry S. et Valeschini Egizio, «Quality in Agrofood Markets: results and Research for the Future, in, GDR Economie & Sociologie « les Marchés Agroalimentaires », Montpellier, 23 & 24 Mars, 2006, [En ligne], URL : www.symposciences.org consulté le 11/12/2010 à 5h15 * 21 MINIMIDT, Stratégie camerounaise de la normalisation, Cameroun-MINIMIDT (document non publié), 2008, p.6. * 22 Dubuisson-Quellier, « Confiance et qualité des produits alimentaires : une approche par la sociologie des relations marchandes », in, Sociologie du travail, Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS, n° 45, 2003, p.100-111. * 23 Le chapitre II reviendra plus en détaille sur l'état des lieux de la normalisation et de la qualité au Cameroun. * 24 Ibid. * 25 ANOR, site web : http://www.anorcamroon.org/fr/lois-et-decrets/15.html consulté le 01/07/11 à 16h33 |
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