Section 3ème. DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE
LA
SOUVERAINETE PERMANENTE
Dans la présente section, notre tache consistera
à étudier le régime de sanction en cas de violation de la
souveraineté permanente, et d'autre part à critiquer
l'arrêt rendu par la C.I.J. dans l'affaire des activités
armées en R.D.C, opposant celle-ci à l'Uganda. S'agissant du
régime de sanction dudit principe, en cas de sa violation, nous allons
en premier lieu examiner la nature de l'obligation violée, en
présenter le régime de responsabilité, la juridiction
compétente, ainsi que la procédure y afférente, et enfin
ça sera le genre de sanction applicable. Quant à la critique
à apporter, il s'agira de savoir pourquoi le juge n'a-t-il pas
condamné l'Uganda sur base de ce principe sous examen, alors que tous
les éléments et faits étaient réunis (c'est
à dire violations flagrantes des droits souverains des peuples
congolais) ?
Les alinéas 4 et 7 de la résolution 1803
traitent de la nature de l'obligation violée et du régime de la
violation de la souveraineté permanente, en précisant à la
fois le genre d'obligation violée et le tribunal compétent pour
trancher le litige.
§ 1. Nature de l'obligation violée (Violation
grave d'une obligation découlant des normes impératives)
On se rappellera que, la violation d'une obligation
internationale constitue un fait internationalement illicite. Or, tout fait
internationalement illicite d'un État ou d'un autre sujet de droit
international engage sa responsabilité internationale. Ceci dit, une
question mérite cependant d'être posée, celle de savoir
où peut-on classer la violation du principe de la souveraineté
permanente ?
En effet, tel qu'il avait été adopté en
première lecture, le projet de la C.D.I. retenait deux catégories
différentes de violations du droit international : le «
délit» et le « crime »international dont la
définition199 était
199 Joe VERHOEVEN, op. cit., p.865.
donnée dans l'article19, paragraphe 2 : « Le fait
illicite qui résulte d'une violation par un État, d'une
obligation si essentielle pour la sauvegarde d'intérêts
fondamentaux de la communauté internationale, que sa violation est
reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble constitue
un crime international». Le 3ème§ de cette
disposition fournissait une liste des crimes internationaux : l'agression, le
maintien par la force d'une domination coloniale, l'esclavage, le
génocide, l'apartheid, l'atteinte grave à l'environnement humain,
en particulier. Tous les autres faits internationalement illicites
étaient qualifiés de « délits » aux termes du
paragraphe 4 de ce méme article19».
On voit clairement que le principe de la souveraineté
permanente n'est pas nommément cité par cette liste, sans en
connaître la raison. Devant cette lacune, nous estimons pour notre part,
qu'il fait partie de la catégorie des règles de «maintien
par la force d'une domination coloniale » entendue par là, la
colonisation sous toutes ses formes et tous ses aspects ; et surtout l'aspect
politique et économique.
Cependant, bien qu'elle eut, à l'origine
été adoptée à l'unanimité par la C.D.I.,
cette distinction a suscitée des vives critiques, tant de la part de la
doctrine que de certains États, en particulier les grands occidentaux.
Il lui était notamment reproché :
- d'introduire un vocabulaire pénaliste dans les
mécanismes de responsabilité « civile »;
- de reposer sur des appréciations entièrement
subjectives en l'absence de critères clairs permettant de
déterminer l'existence d'un crime ; et
- de ne pas avoir de conséquences pratiques
significatives.
En outre, les exemples figurant au 3ème
§ de l'article 19 ont été jugés non sans raison,
discutables, souvent très « daté » et, en tout
état de cause, il n'était pas approprié d'inclure, dans un
projet de codification une liste d'exemples non limitatives.
A la suite de débats difficiles200 et
parfois houleux, tant au sein de la 6ème Commission de l'A.G.
(compétente en matière juridique) que de la C.D.I., celle-ci a
abandonné toute allusion à d'éventuels degrés
d'illicéité dans
200 Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op. cit. p. 1163 et
773.
la 1ère partie du projet
définitivement adopté en 2001, consacré au « fait
internationalement illicite ». En revanche, la distinction
réapparaît dans la 2ème partie du projet relative au «
contenu de la responsabilité internationale de l'État » dont
le chapitre 3 esquisse le régime juridique applicable aux «
violations graves d'obligations découlant de normes impératives
du droit international », périphrase un peu laborieuse qui se
substitue au mot « crime » du projet précédent tout en
reprenant pour l'essentiel, les dispositions qui en tiraient les
conséquences201 et en ménageant la possibilité
d'évolutions futures. Grâce à cette substitution, la
connotation abusivement « pénaliste» du projet de 1996
disparaît du second qui ne mentionne pas davantage le « délit
», ce qui devrait désarmer une partie des critiques.
Au surplus, les exemples qui figureraient malencontreusement
dans l'ancien article 19 sont relégués dans le commentaire de l
`article 40 et un effort est fait pour préciser la définition de
ces «violations graves ». L'appellation méme de celles-ci
renvoie aux « normes impératives du droit international »,
c'est à dire au jus cogens, dont la définition est maintenant
acquise. C'est pourquoi, tous les auteurs sont unanimes et s'accordent à
reconnaître que le droit de la souveraineté permanente est un jus
cogens, car il fait partie des « normes impératives», et au
surplus, sa violation entraîne une violation grave d'obligation
découlant des normes impératives. L'alinéa 4 de la
résolution 1803 (XVII) l'a si bien exprimé en des termes claires
et précis, il dispose : « La violation des droits souverains des
peuples et des nations sur leurs richesses et ressources naturelles va à
l'encontre de l'esprit et des principes de la charte des Nations Unies et
gêne le développement de la coopération internationale et
le maintien de la paix ».
Deux éléments doivent donc être
réunis : un comportement qui, comme on vient de le signaler, peut
être une action, une abstention ou une omission, et sa
contrariété avec une règle internationale de
caractère coutumier ou conventionnel.
201 Alain PELLET et Patrick DAILLIER, op. cit. p. 1163 et
773.
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