§ 2. Régime juridique conforme au principe de
la souverainetépermanente
L'État tire de son dominium et de son imperium le
pouvoir de déterminer le régime foncier des
éléments de son territoire et plus particulièrement les
modalités de gestion et de concession de son domaine. C'est là un
choix politique interne, qui trouve sa base dans le droit public interne et, on
le sait, le droit international général est indifférent
quant à ce. Quel est le régime juridique du domaine public sur
lequel l'État exerce sa souveraineté permanente ? Telle est la
question fondamentale qui mérite d'être posée et à
laquelle nous allons tenter de répondre tout au long de ce
paragraphe.
I. Le domaine (ou espace) terrestre
«L'État exerce une souveraineté permanente sur
sol, sous-sol, les eaux et les forets, ~ »170.
Nous allons examiner ici successivement le régime
juridique du sol, sous-sol, les eaux et les forêts. Le domaine
terrestre171 comprend :-la voirie ordinaire ou terrestre et les
voiries spéciales.
170 Article 9 de la constitution de 18 février 2006.
171 Dominique ROSENBERG, op. cit., p. 248.
I.1. Le régime du sol et du
sous-sol
Pour ce qui est de la base juridique, la matière est
traitée par la loi du 20/07/1973 qui restera toujours d'application sous
cette nouvelle constitution. (Voir le détail de ce régime au
premier chapitre du présent travail).
L'Etat demeure le seul propriétaire du sol, sous-sol
et des mines y contenus. Un régime de concession
perpétuelle172 est accordé aux congolais personnes
physiques et la concession ordinaire à l `égard des personnes
morales de droit congolais et à l'égard des étrangers.
I.2. Le régime forestier
2.1. Base juridique
Le droit applicable173 aux forêts trouve sa
base juridique dans la loi 011-2002 du 29 août 2002 portant code
forestier. Elle est accompagnée de règlements d'exécution
portant sur la création d'une société
forestière174, les conseils consultatifs provinciaux des
forêts175 ? La procédure de transaction en
matière forestière, le cadastre, la procédure
d'établissement d'un plan d'aménagement forestier, l'exploitation
forestière et sur la détermination d'essences forestières
protégées.
La loi n°011-2002 du 29/08/2002 portant code forestier
consacre l'État comme propriétaire en ces:
« Les foréts constituent la propriété
de l'État,... »
«Leur exploitation et leur utilisation par les personnes
physiques ou morales de droit privé ou de droit public sont
régies par les dispositions de la présente loi et ses mesures
d'exécution. » (art. 7).
C'est cette loi qui remplace le décret du 11 avril 1948
portant régime forestier au Congo Belge tel que modifié par
l'ordonnance loi n°52-413 du 4 octobre 1959.
172 Rapport économique de la RDC, 1999, p.74.
173 Loi 011-2002 portant Code forestier.
174 Ordonnance 81-068 du 16 mai 1981.
175 Arrêté ministériel /MIN/AF .F .
E.T./259/2002 du 3octobre 2002.
2.2. Les forêts visés et leur
classement
Selon la loi portant code forestier, les forêts sont :
- les terrains recouverts d'une formation
végétale à base d'arbres ou d'arbustes aptes à
fournir des produits forestiers, abriter la faune sauvage et exercer un effet
direct et indirect sur le sol, le climat ou le régime des eaux.
- les terrains qui, supportant précédemment un
couvert végétal arboré ou arbustif, ont été
coupés à blanc ou incendiés et font l'objet
d'opérations de régénération naturelle ou de
reboisement.
Par extension, sont assimilées aux forêts, les
terres réservées pour être recouvertes d'essences ligneuses
soit pour la régénération forestière, soit pour la
protection du sol.(article 1er ).
En ce qui concerne leur propriétaire, l'article 7,
alinéa 1er dispose que « les forêts constituent la
propriété de l'État». L'article 8, alinéa
1er, quant à lui dispose que : « les forêts
naturelles ou plantées comprises dans les terres
régulièrement concédées en vertu de la
législation foncière appartiennent à leurs
concessionnaires ». L'article 9, alinéa 1er dispose
enfin que « les arbres situés dans un village ou son environnement
immédiat ou dans un champ collectif ou individuel sont la
propriété collective du village ou celle de la personne à
laquelle revient le champ».
Les foréts classées font partie du domaine
public de l'État. Ces forêts sont : « les réserves
naturelles intégrales ; les foréts situées dans les parcs
nationaux ; les jardins botaniques et zoologiques ; les réserves de
faune et les domaines de chasse ; les réserves de biosphère ; les
forêts récréatives ; les arboreta ; les foréts
urbaines ; les secteurs sauvegardés».
La loi ajoute aux forêts classées les
périmètres de reboisement appartenant à l'Etat ou à
des entités décentralisées (aricle12) et se fixe
l'objectif176 que les forêts classées doivent
représenter au moins 15 % de la superficie totale du territoire national
(article14).
176 Voir article 13 de la loi 011-2002 portant code forestier.
Des foréts seront en outre classées lorsqu'elles
sont nécessaires à : « la protection des pentes contre
l'érosion ; la protection des sources et des cours d'eau ; la
conservation de la diversité biologique ; la conservation des sols ; la
salubrité publique et l'amélioration du cadre de vie ; la
protection de l'environnement humain ; et en général, toute autre
fin jugée utile par l'administration chargée des forêts
» (art. 13).
Les foréts protégées font partie du
domaine privé de l'Etat et constituent le domaine forestier
protégé. Les produits forestiers qui en découlent, sauf
ceux provenant de la culture des particuliers, appartiennent à
l'État (article 20). Elles sont susceptibles de concession. Les
communautés locales peuvent, à leur demande, obtenir une
concession sur tout ou partie des forêts protégées parmi
les forêts régulièrement possédées en vertu
de la coutume. L'attribution est à titre gratuit (article 22).
2.3. Les institutions de gestion et
d'administration
Les institutions qui interviennent dans la gestion des
forêts sont le ministère ayant dans ses attributions la gestion
des forêts(art.24), le cadastre forestier (art. 28), le conseil
consultatif national(art.30), et les conseils provinciaux des forêts et
les associations et organisations non gouvernementales agréées
(art.134).
2.4. Les éléments du régime
forestier
L'on peut noter parmi les plus saillants, l'organisation des
droits d'usage, l'organisation des mesures de protection ; l'inventaire,
l'aménagement et la reconstitution des foréts; l'organisation de
la concession forestière ; l'organisation de l'exploitation
forestière ; la fiscalité forestière et le régime
pénal.
Cependant par souci de ne pas trop s'écarter de notre
sujet d'analyse, nous allons singulièrement nous atteler sur
l'organisation de la concession forestière.
La concession177 forestière fait l'objet des
articles 82 à 85. Elle confère un droit d'exploitation de la
superficie de forét concédée. L'obtention de la concession
est soumise à deux conditions essentielles à savoir être
domiciliée en R.D.C. pour une personne physique ou être
constituée conformément à la loi et avoir son siège
social en R.D.C. pour les personnes morales d'une part et de l'autre, le
dépôt d'un cautionnement dont le but est : « ~ de garantir le
paiement de toutes les indemnités si les travaux sont de nature à
causer un dommage ou s'il est à craindre que ses ressources ne soient
pas suffisantes pour faire face à sa responsabilité »
(art.82 fine).
La concession s'attribue par voie d'adjudication et,
exceptionnellement, de gré à gré. Une enquête
publique est effectuée préalablement à toute, concession
dans le but de s'assurer de l'existence ou non des droits des tiers sur la
superficie à concéder. L'attribution est constatée dans un
contrat. Ce contrat comprend deux parties à savoir d'une part les droits
et obligations des parties et de l'autre un cahier des charges fixant les
obligations spécifiques incombant au concessionnaire. L'on remarque la
volonté claire du législateur d'accorder à la concession
forestière un rôle important dans le développement
socio-économique des communautés locales.
En effet, il dispose que les clauses
générales178 du cahier des charges concernent les
conditions techniques relatives à l'exploitation tandis que les clauses
particulières concernent, outre les charges financières et les
obligations d'installation industrielle, une clause particulière
relative à la réalisation d'infrastructures
socio-économiques au profit des communautés locales,
spécialement : - la construction, l'aménagement des routes ; - la
réfection, l'équipement des installations hospitalières et
scolaires ; - les facilités en matière de transport des personnes
et des biens (article 89, alinéa
3, c.)
Le contrat de concession est signé par le ministre pour
le compte de l'État. Il requiert toutefois l'approbation par
décret du président de la république lorsque les ou la
forêt à concéder dépassent une superficie de
totale
177 Voir article 13 de la loi 011-2002 portant code forestier de
la RDC
178 Voir les rapports Annuels PNUD-ONU, op. cit, p
:36-65.
de 300 000 ha et par une loi lorsque la superficie
dépasse 400 000 ha (article 92). La loi édicte des mesures
générales de protection des forêts consistant en
l'interdiction d'un certain nombre d'activités nuisibles notamment
l'exploitation illicite, la surexploitation illicite, la surexploitation, le
surpâturage, les incendies, les brûlis, les défrichements et
les déboisement abusifs. Les mesures de protection peuvent
s'étendre mémes aux zones forestières
concédées.
Le code forestier de 2002 assure une véritable
actualisation du droit forestier179 tient le plus souvent compte de
l'évolution du droit international de l'environnement et des
intéréts des particuliers. Il nous semble en revanche qu'il ne
met pas en place un régime suffisamment incitatif de la protection de
l'environnement.
I.3. Le régime minier
Le décret du 24/09/1937 établit une distinction
nette entre la propriété du sol et celle des richesses
minérales qu'il renferme. Le sol appartient à son
propriétaire tandis que les mines appartiennent à l'État
et constituent un domaine public particulier. L'État pouvait donc
attribuer les mines à d'autres personnes que le propriétaire du
sol. Il a partagé les zones minières à quelques compagnies
à chartes qui sont allés à se considérer comme des
véritables propriétaires des richesses minières. La
constitution du 1er/08/1964 donne le pouvoir au législateur
de transférer à l'État certains droits de
propriété moyennant une indemnité équitable pour
les motifs d'intérêts général.
L'ordonnance-loi n°66-343 du 07/06/1966 appelée
communément « loi BAKAJIKA » affirme que la
République reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits
fonciers, forestiers et miniers concédés ou cédés
avant le 30/06/1960 en propriété ou en participation à des
tiers personnes morales ou physiques. Et l'article14 bis de la constitution du
31/12/1971 déclare l'État propriétaire du sol et du
sous-sol ainsi que de leurs produits naturels ; il n'est plus question de
parler des relations entre les titulaires de droit minier et les
propriétaires du sol autres que l'État.
179 La loi de 2002 abroge en effet le décret de 1949 sur
le régime forestier.
L'ordonnance-loi n°67-231 du 11/05/1967 supprime les
monopoles qu'avaient certaines sociétés dans la recherche et
l'exploitation des mines et prévoit deux régimes miniers :
1°. Le régime minier de droit
commun qui prévoit 3 démarches de l'éventuel
titulaire des droits miniers. Il introduit une :
- demande d'autorisation personnelle de prospection,
- demande de permis de recherche et
- demande de permis d'exploitation (5 ans renouvelables trois
fois) et de la concession (30 ans renouvelables deux fois).
En plus de ces différents permis, le code minier a
créée un permis spécial : le permis d'exploitation
artisanale. Ce permis180 a pour but de favoriser l'accession des
nationaux à l'exploitation des mines, et de ramener à
l'égalité les exploitations clandestines. Ce permis est
uniquement réservé aux nationaux et aux coopératives
artisanales minières.
2°. Le régime minier
conventionnel est une faculté spéciale accordée
à l'État de concéder, par convention, le droit exclusif de
recherche, le permis d'exploitation et une concession sur une ou plusieurs
zones déterminées. La convention lie l'État et une
personne morale nécessairement.
En R.D.C., le régime minier actuel s'applique à
la prospection, la recherche, l'exploitation, le traitement, le transport et la
commercialisation des substances minérales. Les hydrocarbures font
l'objet des législations particulières. Le code minier consacrant
le libéralisme, le rôle de l'État est essentiellement
limité à la promotion et à la régulation du secteur
minier. Il peut cependant au travers des organismes spécialisés,
se livrer à l'investigation du sol ou du sous-sol dans le seul but
d'améliorer la connaissance géologique du pays ou à des
fins scientifiques qui ne requièrent pas l'obtention d'un droit minier
ou de carrières. Lorsque l'État se livre seul ou en association
avec les tiers à une activité minière, les personnes
morales publiques ainsi que les organismes spécialisés
créées à cet effet sont traités sur un même
pied d'égalité que les investisseurs privés s'adonnent
à cette méme activité.
180 Voir la convention de Montego Bay.
S'agissant d'autres modalités de gestion et de
concessions du domaine de l'État dans ce secteur, la loi n°007 du
11juillet 2002 portant code minier dispose :
- « Les gîtes des substances minérales, y
compris les gîtes artificiels, les eaux souterraines et les gîtes
géothermique se trouvent sur la surface du sol ou renfermés dans
le sous-sol ou dans les cours d'eau du territoire national sont la
propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de
l'État.
- « Toutefois, les titulaires de droit minier ou de
carrières d'exploitation acquièrent la propriété
des produits marchands en vertu de leur droit».
- «La propriété des gîtes des
substances minérales, y compris les eaux souterraines et les gîtes
géométriques, dont question à l'alinéa
1er du présent article, constitue un droit immobilier
distinct séparé des droits découlant d'une concession
foncière. En aucune manière le concessionnaire foncier ne peut se
prévaloir de son titre, pour revendiquer un droit de
propriété quelconque sur les gîtes des substances
minérales, y compris les eaux souterraines et les gîtes
géothermiques que renfermerait sa concession».
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