CONCLUSION PARTIELLE
Sur base de l'analyse que nous venons d'effectuer ci haut, la
construction vient de s'éclairer d'elle-même. Il convient donc, au
terme de ce 1er chapitre, de donner la portée de chacun de deux
alinéas pour comprendre globalement le vrai sens de l'article sous
examen. Quelle est donc la place110 réservée à
la propriété foncière, sous l'article 9 de l'actuelle
constitution? Reste -t-elle maintenue ou pas ? Ou, dirait-on aussi, qu'en
est-il de la place accordée à la propriété
privée111 avec l'avènement de cette nouvelle
constitution ?
Abordant le premier chapitre, intitulé : clarification
conceptuelle112, nous avons constaté que cet
article pose le problème de confusion entre les termes
propriété et souveraineté. D'où, il a
été question de confronter, mieux de distinguer la notion de
souveraineté permanente à celle de la plénitude des droits
fonciers, miniers et forestiers consacrée par la loi BAKAJIKA (sect.
2ème) ensuite à l'article 53 de la loi du 20/07/1973
consacrant la propriété exclusive, inaliénable et
imprescriptible de l'Etat Congolais (sect.3, par après à la
domanialité (sect.4ère)et à celle de la
suzeraineté (sect. 5ème). Tout ceci dans le but de
savoir le sens et la portée de l'art. 9 en examinant les rapports qui
existent entre ces notions et voir si elles peuvent s'équivaloir ou
s'interpénétrer et dire la méme chose.
Bref, il fallait préalablement résoudre ce
problème en le rendant claire, sans ambiguïté, ni confusion,
pour faire cesser toutes les polémiques et controverses autour de cet
article. C'est pourquoi, nous avons pertinemment démontré que
l'expression de souveraineté permanente n'était en rien
différente de celle de la propriété exclusive et de ces
autres textes légaux évoqués ci haut. Bien au contraire la
souveraineté évoquée à l'art.9 les complète,
les englobe, car elle est plus large et complet en prenant en compte toute
l'étendue, tous les compartiments du territoire congolais (espace
terrestre, maritime et aérien).
110 L'article 9 face à l'article 34 de la constitution et
les articles 53 et 9 de la loi foncière du 20/7/73.
111 Voir article 34 de la constitution.
112 On a à faire ici à deux concepts clés :
souveraineté et propriété. Tout propriétaire n'est
pas souverain ou tout souverain n'est pas nécessairement
propriétaire.
Dans l'esprit du législateur congolais, en consacrant
ce principe dans le droit positif congolais, il entend protéger les
générations présentes et à venir contre les
atteintes et convoitises des Etats étrangers sur les richesses et
ressources naturelles de la R.D.C.
En analysant plus profondément cet article, nous avons
constaté qu'il manque un hiatus, servant d'intermédiaire entre le
premier et le second alinéa, pour que cet article soit complet. Pour ce
faire, nous avons estimé que cet hiatus consisterait à
préciser et déterminer la place de la propriété
foncière de l'Etat. D'où elle devrait être formulée
ainsi : le sol, sous-sol, les mines sont la propriété exclusive,
inaliénable et imprescriptible de l'Etat. En répondant de la
sorte, nous venons ainsi de confirmer notre première
hypothèse.
Comment pouvons-nous justifier les termes «
modalités de gestion et de concession du domaine de l'Etat»
employés à l'alinéa 2ème ?
Premièrement, il nous permet de confirmer que la
propriété113 n'est pas supprimée, par l'article
9. Et sur quoi repose cette affirmation ?
En effet, dans la terminologie en usage dans les affaires
foncières, le mot cession s'oppose à concession ; la cession est
l'octroi d'un droit de propriété tandis que la concession se
limite à octroyer un droit de jouissance d'un bien sans en avoir la
disposition et donc la propriété. Il peut s'agir d'un bail, d'une
emphytéose, d'une occupation provisoire, de la superficie, ou d'une
concession gratuite, etc.
En outre, dans une terminologie plus générale le
mot concession signifie tout acte par lequel l'Etat consent un droit de
jouissance sur son domaine, sans distinguer entre le domaine public et le
domaine privé.
Dire que l'Etat reprend la pleine et libre disposition de ses
droits fonciers cédés avant le 30/06/1960, revient à
reprendre toutes les propriétés
113 Henri De PAGE, op. cit. p. 67.
privées reconnues et protégées par les
textes législatifs d'avant cette date. En effet, aux termes de l'article
14, livre 2ème du Code Civil congolais la
propriété est le droit de disposer d'une chose d'une
manière absolue et exclusive. Le droit de disposition114
constitue l'essence méme du droit de propriété et les mots
« pleine et libre disposition » repris à l'article
1er de l'Ordonnance-Loi n°66-343 eussent aussi bien pu
être remplacés par les mots « pleine
propriété». Et donc le droit à la
propriété privée reste d'application et compatible avec la
notion de la souveraineté permanente mais bien entendue, exception faite
au sol, soussol, mines, forets, bref aux biens du domaine de l'État.
Les particuliers (personnes physique ou morales congolais ou
étrangers), avons-nous dits, n'ont droit, qu'à la jouissance
d'une concession ordinaire ou perpétuelle selon les cas. Une des
spécificités de l'article 9 consiste à reconnaître
le droit en faveur de l'État congolais d'exercer un contrôle sur
toute l'étendue de son territoire (espace maritime, aérien
terrestre...) en tout temps, (en temps de guerre comme en temps de paix) mais
aussi de recouvrer toutes les richesses qui lui ont été
extorquées ou pillées, au besoin de saisir les juridictions
internationales, en cas de violation de sa souveraineté permanente, par
tout sujet de droit.
114 Henri De PAGE, op. cit. p.67.
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