§ 2. Souveraineté permanente et patrimoine
commun de l'humanité
La prise en charge par le droit de l'idée
d'Humanité est plus ancienne qu'on ne le croit ordinairement. Les pays
du Tiers monde ont vite compris l'intérêt qu'il y avait pour eux
à se saisir de cette notion et à l'orienter dans le sens de leurs
objectifs. Pour eux, le patrimoine commun de l'Humanité doit jouer le
méme rôle que celui de la souveraineté économique
dans l'ordre interne. En effet, la volonté de ces pays est
d'empêcher que les pays industrialisés puissent exploiter à
leur seul profit des ressources et
richesses dont ils estiment devoir être les premiers. La
question à résoudre iciconsiste à savoir s'il
existe des liens juridiques à établir entre
souveraineté
économique et patrimoine commun de l'humanité.
En effet il désigne un ensemble de richesses et de ressources qui
appartiennent à l'humanité tout entière. Aucun
État, aucun autre sujet de droit international ou national ne peut en
revendiquer la propriété. C'est le point de discorde qui a
toujours opposé les pays du G8, plus particulièrement les
Etats-Unis, des autres pays en voie de développement. Cette
réalité se résume dans la proposition classique que la
souveraineté appartient au peuple et que c'est l'Etat qui l'exerce au
nom de ce dernier.
Si l'on a fait référence à la
souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles, notamment dans
les premières résolutions, c'est à la fois dans une
intention idéologique et parce qu'à l'époque, la
décolonisation n'étant pas achevée, des nombreuses
populations n'étaient pas encore
organisées en Etats indépendants. On entendait
donc marquer que sijuridiquement la souveraineté appartenait
encore à ses bénéficiaires. Dans
cette perspective, l'internationalisation positive que permet
l'affectation des ressources et richesses en question à
l'Humanité tout entière peut susciter, sur le plan collectif,
les mécanismes de contrôle107 allant dans le même
sens que
107 Guy FEUEUR et Hervé CASSAN, op. cit., p.
455.
ceux qu'ils ont institués à titre individuel sur
leur propre territoire. Il en est ainsi parce qu'aux yeux des pays en
développement, les fins de l'Humanité se confondent avec les
revendications du Tiers Monde.
En effet, si le procédé majoritaire ne peut,
à l'évidence engendrer des règles obligatoires dans
l'ordre international, il peut permettre une identification du plus grand
nombre à l'Humanité tout entière. Il résulte de
cela que la gestion108 des biens entrant dans le patrimoine commun
de l'Humanité s'opèrera selon le principe de répartition
équitable.
Cela signifie que l'affectation d'un bien à
l'Humanité implique inéluctablement l'octroi d'un traitement
différencié et plus favorable aux pays en
développement.
Cette notion109, on le sait, a été
invoquée dans des nombreuses enceintes internationales à propos
de questions telles que la technologie, l'alimentation, la culture. Elle
suscite, on le sait aussi, une méfiance de plus en plus grande de la
part des pays développés et c'est ce qui explique que sa mise en
oeuvre risque d'être fort aléatoire. Il est donc inutile d'y
insister davantage. On devra cependant se garder de sous-estimer les effets que
pourrait produire une telle notion, si elle devenait d'utilisation courante en
droit international du développement.
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