§ 3. COMPOSITION
Le domaine de l'État comprend le domaine public et le
domaine privé. La distinction de deux domaines est
caractérisée par son origine moderne et doctrinale étant
donné qu'elle n'existait pas sous l'Ancien Régime
français, sous la révolution. L'ancien régime connaissait
un régime de la couronne, dont le roi en qualité de souverain
était le propriétaire et qui formait un tout
unique83.
En ce qui concerne la RDC, l'époque léopoldienne
fut caractérisée par une domanialité particulière.
Pour le roi, Léopold II, toutes les terres congolaises font partie du
domaine et ce domaine royal est une propriété privée.
Plusieurs décrets interviendront pour affirmer ce double
caractère84.
Le domaine privé comme le domaine publique
appartiennent à l'État ou à telle autre
collectivité publique mais leur distinction reste fondamentale,
constitue la première base de la théorie du domaine et cette
distinction se pose sur le caractère de nécessité.
I. LE DOMAINE PUBLIC
83 Séverin MUGANGU, op. cit., p. 70.
84 Thomas LWANGO, Cours de Droit civil des biens,
G2 Droit, UCB, 1996 - 1997, inédit.
L'article 10 de la loi précédemment citée
souligne que »les biens de l'État qui sont affectés à
un usage ou à un service public sont hors commerce, tant qu'ils ne sont
pas régulièrement désaffectés ».
Le domaine public renferme la catégorie la plus
importante des biens hors commerce ; des biens appartenant à la nation
et qui de plus ne pourraient point appartenir à des particuliers. Cet
article range dans le domaine public non seulement les biens qui sont
affectés à un usage public, mais encore ceux qui sont
affectés à un service public et c'est sans distinguer entre les
meubles et les immeubles. Cette disposition présente donc un
intérét évident lorsqu'elle dispose que les biens du
domaine public sont comme tels hors commerce, c'est-à-dire
inaliénable et imprescriptible. Ces biens étant en effet
employés à un service d'intérêt
général.
I.1. Composition
En ce qui concerne le critère de la domanialité
publique M.A. FLAMME (85) suggère entre autre :
1. Le domaine public comprend tous les biens qui ne sont pas
susceptibles d'appropriation.
2. Le domaine public ne comprend que les biens mis hors commerce
par la loi.
L'indisponibilité étant une exception, ainsi
pour avoir la qualification des biens publics, les biens doivent être
expressément ou moyennant un texte légal mis hors du commerce.
Toutefois, la formule de l'arrêt de la cour de cassation française
du 2 octobre 1924 est importante pour des raisons à la fois logiques et
pratiques parce qu'elle fournit une excellente raison de mise hors commerce
méme en l'absence d'un texte.
A travers cette formulation, les éléments suivants
sont mis en évidence : - le domaine public suppose une affectation
-cette affectation doit émaner des pouvoirs publics (un
simple particulier ne pouvant, en principe, mettre un bien hors commerce).
85 M.A. FLAMME, Droit administratif, T II
n° 413-432, Bruxelles, Brûlant, 1989, cité par
François Tulkens ; « Le domaine public et la protection de
l'environnement » in Quel avenir pour le droit de l'environnement,
Bruxelles, BURPRESS, 1995, p. 136.
-Cette affectation consiste à livrer une chose à
l'usage du public, à la faire échapper à l'emprise des
particuliers. A cet effet, un texte n'est pas nécessaire, la destination
de la chose emporte pareille conséquence.
3. Le domaine public se compose des biens consacrés par
l'autorité compétente à l'usage du public.
4. Le domaine public comprend les biens affectés à
un service public. Toutefois, il est reproché à ce critère
d'être à la fois trop large et trop étroit. Large par ce
que d'une part il n'y aurait aucun intérêt à rendre
imprescriptible, par exemple, les locaux d'un ministère ou d'une maison
communale lorsque ceux-ci sont simplement loués par l'Etat, d'autre
part, parce que la notion du service public est indéfinie et rend le
critère peu maniable et décisive. Trop étroit parce que ce
critère tend à éliminer du domaine public les biens
affectés à l'usage du public en ne prenant en compte que les
biens affectés au service public de l'Etat.
5. Le domaine public comprend tous les biens affectés
à l'usage public et a pour l'autorité compétente
l'utilité générale86.
Par ailleurs les éléments du domaine public peuvent
être classés comme suite :
a. Le domaine public maritime, fluvial et
lacustre ; les rivages de la mer appartiennent indiscutablement au domaine
public. Et la question se pose en ce qui concerne les eaux territoriales, la
mer territoriale et la mer adjacente aux côtes sur laquelle l'Etat
riverain peut, du rivage même, employer la force armée et exercer
ainsi un pouvoir qui lui est nécessaire pour ce territoire et ses
côtes, assurer la sécurité de ses habitants et sauvegarder
ses intérêts fluviaux et commerciaux.
- les lits de tout lac et de celui de tout cours d' eau
navigable, flottable ou non, font aussi partie du domaine public de l'Etat
conformément aux prescrits de la loi du 09 août 1893.
- Les ouvrages d'art accessoires tels les écluses, les
barrages et les élévateurs électriques.
- les bords des lacs, rivières, fleuves navigables ou
flottables appartiennent à l'Etat.
86 Séverin MUGANGU, Cours de droit civil des
biens, syllabus, inédit, G2 Droit, UCB, 1998 - 1999, p. 27.
- les ports publics maritimes et fluviaux, les bateaux des
commissaires maritimes et du service hydrographique, ~
b. Les Voies de communication par terre et par air et leurs
dépendances - les routes publiques, qui sont classées
d'intérêt général.
- les chemins de fer d'intérêt
général font partie du domaine public. Non seulement les voies
mais toutes les dépenses nécessaires à l' exploitation du
chemin de fer, appareil d'aiguillage et de signalisation, quais et places de
stationnement, les magasins, les ateliers, les immeubles affectés au
logement du personnel dont la présence permanente près de la voie
est nécessaire.
- Dans les circonscriptions urbaines, les avenues et les
monuments qui les ornent, ~
- Les plaines d' aviation ainsi que les constructions y
afférentes ; aérogares, hangars... et les habitations
réservées au personnel sont situés sur le terrain d'
aviation.
c. Le domaine public militaire : La législation
congolaise, en la matière, suit les principes du droit Belge. Et
l'article 540 du code civil Belge consacre l` énumération
suivante :
- Fossés, remparts, places de guerre et forteresse,
l'art. 541 ajoute que les terrains et les fortifications qui n' ont pas
été désaffectées continuent à appartenir au
domaine public de l'Etat.
- les routes et les chemins de fer stratégiques.
- les immeubles affectés au service de l'armée
mais constituant les éléments de défense.
-Les objets mobiliers qui sont nécessairement
attachés à la défense nationale (ex : Grenade, fusil,
...).
d. Les installations et bâtiments administratifs : La
jurisprudence belge et française n'intègre que les immeubles
affectés à l'usage immédiat et direct du public.
Néanmoins, il résulte du rapport du conseil colonial qu'en
étendant la définition du domaine public aux biens
affectés au service public, le législateur a voulu y faire entrer
tous les biens employés par l'Etat à une utilité publique,
tels les archives de l'administration publique et les bureaux.
Pour le Professeur MUGANGU, la conception du droit congolais
est donc large et aucun doute n'est donc possible pour les bureaux aux
différents échelons
de l'administration, les hôpitaux et labos, écoles,
prisons, palais de justice, cimetières, postes et parcs.
e. Les mines : Sous l'E.I.C., l'article 1 du
décret du 8 juin 1888 disposait que «l' aliénation par
l'Etat des terres qui lui appartiennent, et l'enregistrement des terres
effectués conformément aux dispositions sur le régime
foncier, ne confèrent aux acquéreurs et aux propriétaires
de ces terres aucun droit de propriété ni d'exploitation sur les
richesses minérales que le sol peut renfermer. Ces richesses
minérales demeurent la propriété de l'Etat. La
législation minière de 1937 dispose que les mines constituent une
propriété distincte de la propriété du sol et
appartient à la colonie (l'Etat).
Au Congo, la mine est inaliénable. Il n'y a que la
concession qui peut faire l'objet des transactions privées. Et c'est
dans la législation actuelle que l'affectation des mines du domaine
public est manifeste. La loi dite « BAKAJIKA » disposant que le sol
et le sous-sol (mines) sont la propriété exclusive,
inaliénable et imprescriptible de l'Etat » (87).
I.2. Protection juridique du domaine public
Nous allons souligner l'inaliénable et
l'imprescriptibilité d'une part et la protection pénale d'autre
part.
2.1. L'inaliénabilité des biens du
domaine public de l'état
Il ressort des dispositions, l'article 10 de la loi dite
« foncière » que « les biens de l'Etat qui sont
affectés à l'usage ou à un service public sont hors
commerce ».
Le régime juridique applicable au domaine public
comprend deux principes essentiels parce que : le domaine public est
inaliénable, en conséquence imprescriptible et non susceptible
d'expropriation pour cause d'utilité publique.
1°. Le domaine public est
inaliénable
87 Séverin MUGANGU, op. cit.,
inédit, p.23.
En effet, les biens du domaine public ne peuvent être
vendus, ni échangés. Leur vente serait nulle de plein droit. Le
principe «possession vaut titre» n'est pas applicable aux choses
mobilières appartenant au domaine public. Même un acquéreur
de bonne foi peut être contraint à tout moment de les restituer. A
cet effet, méme si l'objet a été acheté dans une
vente publique, l'acquéreur devra restituer sans prétendre au
remboursement du prix. Ceci apparaît comme une conséquence du fait
que « les biens du domaine public appartiennent à l'Etat, ainsi un
particulier ne pourrait soit par titre, soit par usucapion acquérir des
droits sur eux.
En effet, en attribuant à un particulier le droit
d'user de tout ou partie de la route, la destination de cette route ne
serait-elle pas mise en péril ? ~ les biens du domaine public ne peuvent
non plus être loués» 88.
« Le domaine public ne peut être grevé de
servitude, il ne peut non plus être soumis à la servitude de
passage. De méme l'incorporation d'un bien dans le domaine public fait
tomber toutes les servitudes dont le bien serait affecté et contraire
à sa destinée.
Quant à la mitoyenneté, le particulier ne pourra
rendre mitoyen le mur continu de l'immeuble domanial, mais l'Etat pourra lui
ériger une mitoyenneté. Les biens du domaine public ne peuvent
être hypothéqués.
2°. Le domaine public est
imprescriptible.
L'article 620 du code civil congolais livre III dispose « on
ne peut prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce
».
2.2. Protection pénale du domaine public
La protection pénale du domaine public est assortie des
sanctions spéciales, originales ; elle est assurée par une police
spéciale, la police de conservation qui prévoit les
contraventions de voirie.
1°La police de conservation89
C'est une police spéciale qui renferme l'ensemble de
dispositions législatives et régulières destinées
à préserver l'intégrité matérielle de
certaines dépendances du domaine public et l'usage auquel elles sont
affectées.
Il convient de distinguer la police de conservation des
mesures administratives destinées à assurer la conservation du
domaine public mais ne constituent pas nécessairement des mesures de
conservation.
Seules méritent cette qualification celles comportant
des sanctions pénales particulièrement prévues par un
texte.
L'administration dispose donc, d'un pouvoir de plein droit de
conservation qui lui permet d'édicter toutes les mesures
réglementaires ou individuelles pour préserver
l'intégrité de l'ensemble des biens faisant partie du domaine
public.
La police de conservation ne peut s'exercer qu'à
l'égard des biens domaniaux qui bénéficient de la
protection pénale du régime de la contravention des voiries. En
outre, la police de conservation crée des obligations à la charge
des autorités administratives chargées de la mettre en oeuvre.
Ces autorités sont notamment tenues de faire usage des pouvoirs que leur
confèrent les textes pour faire cesser la situation
irrégulière qui compromettait l'usage normal du domaine
public.
2°La police de la conservation se distingue
également de la police d'ordre public. Cette dernière
étant définie comme le pouvoir reconnu à certaines
autorités administratives de prendre des mesures assorties des sanctions
pénales afin d'assurer la sécurité, la tranquillité
et la salubrité publique. Cette police s'exerce sur l'ensemble des
dépendances du domaine public et a été confiée soit
à des autorités de police générale, soit à
des autorités de police spéciale.
La distinction entre la police de la conservation et la police
d'ordre public apparaît plus nettement au plan des sanctions applicables.
Les infractions à la police de conservation constituent les
contraventions des voiries alors que les violations de règlement de
police d'ordre public sont de
contraventions de police sanctionnées par le code
pénal à défaut des dispositions spéciales.
La contravention de voirie est un fait susceptible de
compromettre l'intégrité matérielle des biens du domaine
public ou de nuire à l'usage auquel ces biens sont destinés. Et
elle peut être de grande ou de petite voirie
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