Section 3ème. DE LA SOUVERAINETE PERMANENTE FACE
A L'ARTICLE 53 DE LA LOI DU 20/07/1973
La question fondamentale à laquelle nous allons
répondre ici, consiste à savoir, si l'article 9, abroge-t-il ou
pas l'article 53 de la loi du 20/07/73. S'agit-il d'une avancée ou d'un
recul ? Quelle est sa spécificité par rapport à d'autres
textes légaux déjà connus ? Voilà décrit
l'objet de cette section.
Il est à noter que loi du 20 juillet 1973, marque la
rupture définitive avec le régime colonial et est intervenue
à un moment où se manifestent les premiers signes du
déclin de l'Etat. Le volontarisme de la loi BAKAJIKA et des actes
législatifs et réglementaires pris dans le sillage de celleci
n'opérera en réalité qu'à l'égard des
exploitants étrangers installés par la colonie. Pour sa part,
l'art 9 de la constitution est intervenu au moment où la R.D.C. venait
de la guerre d'agression qui a balkanisée le pays et occasionnée
le pillage de ses richesses et ses ressources naturelles.
Quelle est la nécessité et la raison
d'être de ce changement ? Avant d'y arriver, il convient de rappeler que
la présente loi a été élaborée
conformément aux arts. 14,14 bis et 46 de la constitution, aux
directives et aux options fixées par le bureau politique. Ainsi, en
attribuant à l'Etat le sol comme sa propriété exclusive,
inaliénable et en abolissant définitivement l'appropriation
privative du sol et du sous-sol congolais, ce qui est contraire à
l'article 34 de l'actuelle constitution, le nouveau régime foncier et
immobilier a cessé de poursuivre l'évolution du régime
foncier colonial en faisant de l'Etat le seul et unique propriétaire
foncier.
Le 1er paragraphe de l'exposé des motifs de
la loi foncière nous donne à la fois le cadre constitutionnel et
philosophique dans lequel cette loi a été élaborée.
Si les arts.14 et 14 bis sont à la base de la loi foncière, il
est utile de rappeler que ces deux articles ont été maintenus
lors de la révision de la constitution en date du 15/8/1974. En effet,
l'art.14bis est devenue dans la
constitution révisée l'art.11 et placé
dans les titres 1er traitant « du territoire et de la
souveraineté de la République » ; tandis que l'art.14 devenu
art.22 est resté dans le titre 2 traitant « des droits fondamentaux
et devoirs du citoyens ». Le déplacement de l'art .14 bis du Titre
2 au Titre 1er est plein de signification dans le cadre de la
présente analyse, car la R.D.C. a en même temps sur le sol
congolais : et les droits souverains territoriaux et les droits de
propriétés. L'art.46 de la constitution du 24/7/1967 fixe le
domaine de la loi. En effet, l'alinéa 2 de cet article dispose : «
la loi fixe les principes fondamentaux du régime de la
propriété, des droits et des obligations civiles et commerciales
». Ce rappel permettra de comprendre, d'analyser et d'interpréter
l'art.53 de la loi du 20/07/1973, en comparaison avec l'art.9 de la
constitution de la 3ème République et d'en tirer les
conséquences juridiques qui s'imposent.
Toutefois, il convient d'avouer que cette différence
n'est pas aisée à établir, en raison de
l'ambiguïté du terme « souveraineté » qui
n'implique pas forcément la propriété, et d'autre part ne
la prohibe pas.
§ I. ETENDUE DU DROIT DE LA PROPRIETE DE L'ETAT SUR
LE SOL
La loi du 20 juillet 1973 répondait (...) au souci de
voir le conseil législatif national « terminer l'élaboration
de la loi en fixant les modalités du régime foncier et minier
» et a été élaboré aussi conformément
aux options fixées (par le bureau politique du MPR) et dont l'impact est
tel qu'il a paru opportun de mettre d'ores et déjà les
dispositions du Code Civil livre II en harmonie avec les options
définies par les instances supérieures du Parti. Par ailleurs, le
droit de propriété dans son acception générale a
été maintenu. Bien qu'il y ait lieu de considérer que son
champ d'application ait été réduit56.
Selon les prescrits de l'article 6 de la loi du 20 juillet
1973, « le sol et le sous-sol sont immeubles par nature », lesquels
font partie soit du domaine public ou soit du domaine privé de l'Etat.
Par voie de conséquence, les immeubles par nature, notamment le sol,
appartiennent soit au domaine public, soit au domaine privé de l'Etat.
Le droit de propriété de l'Etat congolais
56 Préambule de la loi du 20 juillet 1973.
sur son sol du domaine public lui donne droit à tout ce
qu'il produit et s'étend à tout ce qui s'y unit et s'y incorpore
soit naturellement, soit artificiellement (sans préjudice aux droits
résultant des autorisations de voiries et des permis de
stationnement).
De même, le droit de propriété de l'Etat
congolais sur le sol du domaine privé lui donne aussi droit à
tout ce qu'il produit et s'étend à tout ce qui s'y unit et s'y
incorpore soit naturellement, soit artificiellement qu'il n'est pas
régulièrement concédé.
En matière foncière, l'appropriation privative
du sol a été abolie, le sol étant devenu
propriété inaliénable de l'Etat. (Dérogation
à l'article 34 de la const.) Et le droit de propriété tel
qu' il est défini ne peut plus porter que sur les immeubles par nature.
Les autres droits réels ne peuvent plus s'analyser comme des
démembrements de la propriété mais des droits ayant leur
existence propre sans référence au droit de
propriété dont ils étaient des simples accessoires.
Cette option ci-haut évoquée a exigée la
suppression de l'article 16 du décret de 1912 qui posait en
présomption légale le rapport du principal à l'accessoire
entre le sol et les biens incorporés. Cette présomption qui
n'était plus que relative après le décret du 28 mars 1949
qui admettait la propriété des immeubles envisagée
séparément du sol, doit disparaître dans les nouveaux
textes.
Néanmoins, le principe de l'accession relative reste
maintenu dans l'article 21, étant entendu que le terme « immobilier
» ne concerne que les immeubles par destination à l'exclusion des
immeubles par nature ; tant il est vrai que dans la deuxième partie de
la loi, il est fait une distinction entre les droits immobiliers qui sont ceux
qui portent sur des immeubles autres que les immeubles par nature. Si les
règles posées dans le régime immobilier sont sommaires et
concernent uniquement les droits immobiliers de l'Etat, c'est pour assurer
à la gestion de ces droits, la souplesse nécessaire qu'exige la
mutation rapide de la valeur de ces droits essentiellement
économique.
Toutefois, les droits immobiliers des particuliers sont entre
autre régis par les règles posées dans le régime
général des biens. Comme la propriété du sol
emporte celle du dessous et du dessus, dans toute la profondeur et la hauteur
utiles à son exercice, l'Etat peut aussi s'opposer à ce que sa
propriété soit surplombée et a le droit de se faire
justice lui-même en démolissant ou en coupant tout ce qui
empiète sur son domaine. Il peut aussi faire des fouilles et les fruits
lui reviennent.
Mais, le sous-sol (mines auxquels sont assimilés les
gisements de pétrole) font l'objet d'un régime spécial
distinct de celui du droit foncier et immobilier.
La construction du dogme selon lequel, l'Etat est à
méme de bien gérer en bon père de famille les espaces et
les ressources pour l'intérêt de tous57 se traduit par
l'article 53 de la loi du 20 juillet 1973 qui s'apparente ainsi
étroitement au principe de la souveraineté permanente.
Plutôt que de libéraliser ou de privatiser le sol
pour que les producteurs puissent investir, l'essentiel est qu'ils disposent
des droits reconnus et stables. Cette sécurisation pouvant passer par
des multiples formes notamment les concessions foncières qui sont les
seuls droits fonciers reconnus aux particuliers dans notre pays. Une politique
de privatisation, à la manière de l'article 34, n'a de chance de
réussir que dans les contextes spécifiques où
l'individualisation des droits a déjà atteint un degré
important. D'où la nécessité d'une intervention
(volontariste) de l'Etat qui doit construire un cadre juridique et
administratif qui lui convient.
|