§ 3: La pontée régulière et
irrégulière et le transport d'animaux vivants
Les Règles de La Haye-Visby écartent, de leurs
champs d'application, la pontée dûment déclarée
à 2 conditions : 1- Le contrat de transport doit mentionner que la
marchandise sera transportée en pontée, 2- La marchandise doit
être effectivement transportée en pontée.
Par conséquent, le transporteur peut valablement
stipuler des clauses d'exonération ou de limitation de
responsabilité pour les marchandises transportées effectivement
en pontée et dans les cas de transport d'animaux vivants8. En
pratique, les transporteurs ne manquent pas d'insérer de telles clauses
dans leurs connaissements.
1 Lamy Transport 2004 n° 1736 n° 2
2 Lamy Transport 2004 n°1736 n
4 3Lamy Transport 2004 n° 1736 n 6
4 CA Aix-en-Provence 19 mars 85
5 CA Aix-en-Provence 2 déc. 1999
6 CA Aix-en-Provence 19 mars 85
7 Notamment pour le transport de rondins de bois ou
encore des barres de fer.
8 Art 30 de la loi du 18 juin 1966.
Toutefois, ces clauses demeurent démunies d'effet
lorsqu'il s'agit de chargement de conteneurs à bord de navires munis
d'installations appropriées
Cependant elle reste, à contrario, applicable en cas de
pontée irrégulière comme le précise l'arrêt
de la CA Rouen du 10 nov. 991. Cette décision a
été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt
du 29 avril 2002. En concluant ainsi à l'application exclusive de la
convention internationale, la Cour de cassation laisse entendre que la loi
française et les Règles de Hambourg ne sont pas, en
matière de pontée, considérées comme des lois de
police2.
La loi du 18 juin 1966, dans sa rédaction du 21 dec.
1979, dispose, pour sa part, dans son article 22 al 2 qu'il est interdit au
transporteur, sauf pour les petits cabotages et dans les hypothèses
où des dispositions réglementaires l'imposeraient, de charger des
marchandises sur le pont sans le consentement écrit du chargeur
mentionné au connaissement.
Quant aux Règles de Hambourg, elles considèrent
réguliers les transports en pontée pour lesquels le chargeur a
donné son accord, ceux qui se révèlent conforme aux usages
ou bien encore ceux qui sont imposés par la réglementation en
vigueur
Notons cependant que le transporteur peut
unilatéralement charger en pontée s'il a préalablement
évalué les chances que la marchandise soit acheminée dans
les meilleures conditions qui soient sans subir la moindre avarie. Si dans ce
cas la marchandise arrive effectivement intacte à bon port, la
responsabilité du transporteur ne devrait pas pouvoir être
recherchée au seul titre qu'il a procédé à un
chargement en pontée, type de chargement dont rien n'interdisait
à l'origine.
Ne constitue pas une faute inexcusable, le fait de charger une
caisse, portant des marques distinctives de sensibilité à l'eau,
sur le pont pour un long voyage risqué sans le consentement du chargeur,
ni même l'avoir averti3.
En cas de pontée régulière, le
transporteur n'encourt aucune responsabilité pour les dommages, survenus
à la marchandise, ayant pour origine les aléas de la
pontée. Cependant, cela n'altère en rien son obligation de
veiller soigneusement sur la cargaison malgré les insuffisances
d'emballage et de mesures de protection.
Si la pontée se révèle très
aléatoire pour la cargaison, le transporteur doit prendre encore plus de
précautions, voire refuser de la charger en pontée.
1 Confirmé par Com 29 avril 2002, navire Cam
Iroko Express, DMF 2003. 377, obs. Achard
2 DMF 2003 hors série n° 8 n° 79
3 Com 14 mai 2002, BTL 2002, p. 373.
Le chargement en pontée sans l'autorisation du
chargeur, constitue une faute privative du cas excepté de <<
fortune de mer >> dans la mesure oü la marchandise a directement
souffert de la pontée1.
L'autorisation de charger la marchandise en pontée ne
saurait résulter d'une vague clause d'habilitation
générale et permanente du connaissement du type << carried
on deck at shippers/receivers' risk and expense. Carrier not responsible for
loss or damage however caused >>2. Pour être valable, le
chargement en pontée doit avoir été consenti de
façon écrite dans le connaissement par le chargeur après
qu'il aurait reçu une déclaration écrite destinée
à lui faire connaître d'une façon manifeste que le
transport d'une partie ou de la totalité de la marchandise sera
effectué en pontée
Cependant la doctrine classique (Rodière) et certaines
décisions admettent la validité des clauses d'autorisation sous
réserve que le transporteur avise aussi rapidement que possible le
chargeur du placement de la marchandise en pontée3.
Même si Rodière considère comme licite les
clauses du connaissement dispensant expressément le transporteur
d'aviser le chargeur en cas de chargement en pontée, la jurisprudence se
montre très restrictive et réticente à appliquer de telles
clauses4.
Le prix réduit est un bon indice de l'autorisation du
chargeur en matière de pontée5. En l'absence de
requête d'une telle autorisation préalable, la cour suprême
décide que le transporteur a commis une faute engageant sa
responsabilité6 s'il ne s'agit pas de marchandises dont la
coutume (barres de fer) ou les règlements (matières dangereuses)
préconisent le transport en pontée.
Le caractère dangereux d'une partie de la cargaison
justifie la clause de chargement en pontée7. Ceci s'explique
par le fait que ces marchandises doivent pouvoir être jetées
par-dessus bord à la survenance du moindre sinistre pouvant mettre en
péril le navire, son équipage ainsi que sa cargaison. Bien
entendu, la responsabilité du transporteur ne pourra pas être
engagée pour avoir chargé de telles marchandises en
pontée.
Le projet CNUDCI, quant à lui, considère la
pontée comme une pratique anormale et dispose (art. 24-2) que le
transporteur est responsable de la perte ou des dommages subis par la
marchandise ou du retard de livraison << résultant exclusivement
de leurs transport en pontée >>.
1 Com 22 avril 2002
2 CA Paris 13 mars 2003
3 CA Aix-en-Provence 18 juin 85 BTL 86 p.105 cite au Lamy Tr 2004
n* 1734 ; Com 18 janv. 94 BTL 94 p.
332.
4 CA Paris 19 mai 80 BTL 80 p. 528.
5 CA Paris 22 oct. 2003 BTL 2003, 832
6 Com 29 avril 2002 BTL 2002, p. 335.
7 CA Paris 23 mars 88 DMF 89 p. 230.
Le chargement en pontée au mépris des
instructions expresses du chargeur, de transporter en cale des marchandises
délicates et signalées comme tels, constitue une faute
inexcusable du transporteur ouvrant droit à réparation
intégrale du préjudice subi1.
L'absence d'autorisation du chargeur a été
retenue en cas de transport en pontée : lorsque le connaissement portait
l'indication suivante << marchandise voyage en cale ventilée
>>2 ou << under deck storage only >>3,
ou encore lorsque le chargeur a spécialement contracté pour un
chargement en cale4.
Concernant le transport d'animaux vivants, il faut rappeler
que les Règles de Hambourg du 31 mars 1978 les mentionnent pour la
première fois dans une convention internationale. La Convention de
Bruxelles ne s'applique pas en la matière. Pas contre la loi
française du 18 juin 1966 peut s'appliquer car son article 30 permet
d'insérer au connaissement des clauses dérogatoires aux
dispositions légales.
Le transporteur pourra invoquer son absence de faute pour la
mort des animaux qui à l'origine n'étaient pas capables de
supporter le voyage. Le chargeur reste responsable des pertes subies lorsqu'il
aura confié de tels animaux au transporteur.
Par contre le transporteur devra, pendant le transport de ces
animaux vivants, observer fidèlement toutes les instructions utiles et
réalisables fournies par le chargeur. Encore faut-il que ces
instructions soient suffisamment précises. Nous voici de nouveau dans un
cas où le transporteur devra prouver avoir fait diligence. Encore une
fois il convient de se livrer à une appréciation a priori de ces
diligences. Ce sera bien entendu au chargeur d'établir la faute du
transporteur lorsque celui-ci aura prouvé avoir fait toute diligence que
l'on pouvait s'attendre de lui.
L'article 5 des Règles de Hambourg du 31 mars 1978
permet au transporteur de s'exonérer de ses responsabilités
lorsqu'il prouve qu'il s'est conformé aux instructions du chargeur.
Cependant, en l'absence d'instructions du chargeur, le
transporteur devra quand même prendre toutes les mesures que lui
indiquent la coutume et le bons sens. En effet, en tant que professionnel, il
est censé ne pas ignorer certaines pratiques de base du transport de la
marchandise qu'il s'est proposé de déplacer.
En plus d'éviter toute négligence lors de la
réalisation de ces opérations commerciales, le transporteur devra
se montrer vigilant en ce qui concerne la détection des fautes et la
vérification des déclarations du chargeur afin de pouvoir
utilement faire
1 Com 14 mai 2002 + CA Orléans 9 avril 2004,
DMF, obs. Vialard
2 CA Rouen 7 sept 95 BTL 95 p.732.
3 CA Rouen 18 fév. 99 DMF 2000 p. 231.
4 CA Versailles 30 mars 2000.BTL 2000 p. 542.
part de ses protestations sur le document de transport avant
d'entreprendre la traversée maritime.
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