CONCLUSION
S'il fallait déterminer l'obligation la plus cruciale
du transporteur maritime de marchandises en dehors de celui d'acheminer et de
livrer la marchandise dans le même état qu'il les aura eues, on
devrait admettre qu'il s'agit de son obligation de mettre le navire en bon
état de navigabilité. L'exécution de cette obligation,
nous le savons, passe entre autres par une série de contrôles et
d'examens minutieux entrepris pour détecter tous les vices
décelables, plus particulièrement celles affectant les parties
névralgiques du navire.
C'est l'une des rares raisons pour lesquelles, la
réglementation en vigueur exige du transporteur, la preuve qu'il a
nécessairement accompli toutes les diligences raisonnables que son
co-contractant serait légitimement en droit de s'attendre de lui, avant
même d'invoquer un des cas exceptés prévus.
En somme le transporteur doit prouver son absence de faute
avant d'invoquer et établir le cas excepté. Cette absence de
faute passe également par l'exécution de toute une palette
d'obligations s'inscrivant dans le souci d'apporter tous les soins
nécessaires et exigibles pour veiller en bon père de famille sur
la marchandise qui devra être remis au destinataire dans l'état
initial qu'il les aurait reçu.
Le transporteur a aussi l'obligation de se montrer vigilant
tout au long de l'exécution de son contrat pour veiller à la
stricte conformité entre ce qu'il a été chargé de
d'acheminer et ce qu'il transporte effectivement. En effet, s'il n'a pas pris
des réserves qui s'imposaient, la réparation des éventuels
dommages et irrégularités faisant l'objet de protestations,
demeurera à sa charge.
Cette obligation de veiller en bon père de famille sur
la marchandise dont il a la garde, procure aux ayant droits de ceux-ci, la
faculté de lui reprocher d'avoir fait passer ses intérêts
personnels avant ceux de la cargaison. On rencontre souvent ce problème
en matière de déviation et de transbordement.
Cependant, nous avons vu que sa situation d'absence de faute
ne lui dégage pas forcément de sa présomption de
responsabilité dans un système de responsabilité de plein
droit tel que celui organisé par le corps de règles issu de
l'articulation de la loi française du 18 juin 1966 et de la Convention
de Bruxelles dans sa version amendée de 1979.
Il ne faudrait pas pour autant en conclure que ce
système est ce qu'il y a de plus sévère à
l'égard du transporteur maritime de marchandises. En effet, la loi
française du 18 juin 1966 et la Convention de Bruxelles montrent leur
lien de parenté avec les constructions juridiques anglo-saxonnes.
1 Code IMDG, 7.5.3.1&2 cité au Lamy
Transport 2004, t.III, n°1498.
Cette influence, qui se retrouvait déjà dans le
Harter Act, se caractérise par l'énumération
d'une longue liste de cas exceptés prévus pour que le
transporteur puisse se décharger de sa présomption de
responsabilité. Pour la majorité de ces cas, la seule preuve de
leur existence ainsi que de leur lien de causalité avec le dommage
éprouvé suffit à exonérer le transporteur. Celui-ci
n'aura qu'à prouver avoir accompli sa « due diligence » que
dans certains cas précis. Ce qui réduit en quelques sortes
à une peau de chagrin, le domaine de l'exigence de la preuve d'avoir
accompli une diligence raisonnable.
Le caractère plus ou moins sévère de la
Convention de Bruxelles et de la loi française du 18 juin 1966
s'apprécie en fonction des règles alternatives
équivalentes. Le meilleur comparatif serait les Règles de
Hambourg du 31 mars 1978. Ces règles présentent plus une
influence française dans leur rédaction puisqu'elles substituent
au système d'énumération d'une liste
prédéfinie, un système basé sur des concepts
généraux et globaux.
Ainsi le transporteur maritime de marchandises désirant
s'exonérer sous l'empire des Règles de Hambourg du 31 mars 1978,
devra quasi systématiquement démontrer son absence de faute,
ainsi que celui de ses préposes, par la biais d'une démonstration
de l'accomplissement correcte de l'obligation de diligence raisonnable dont il
est débiteur, avant même de pouvoir invoquer tel ou tel cas
excepté.
Bien entendu, cette preuve ne sera pas nécessaire dans
les cas où sa diligence ne pouvait avoir aucune incidence sur le
déclenchement de cet événement exonératoire. Elle
ne sera non plus nécessaire dans les cas où toute la diligence du
monde se révèlerait insuffisante à parer aux
conséquences de la cause exonératoire.
Or nous savons pertinemment que les juges se montrent
très réticents à admettre que le transporteur aurait tout
fait de ce que l'on pouvait s'attendre de lui en terme de diligence raisonnable
pour éviter de subir les conséquences de la cause des
dommages.
Il faudrait d'ès lors se rendre à
l'évidence que la loi française du 18 juin 1966 et la Convention
de Bruxelles se montrent beaucoup plus protectrices des intérêt du
transporteur que ne le sont les Règles de Hambourg du 31 mars 1978.
En somme, il faudrait retenir que la loi française du
18 juin 1966 et la Convention de Bruxelles laissent une place beaucoup moins
importante à l'absence de faute du transporteur comme exigence
préalable d'exonération que ne le font les Règles de
Hambourg du 31 mars 1978.
Quoi qu'il en soit les Règles de Hambourg du 31 mars
1978 ne bénéficient que d'un champ d'application
particulièrement restreint, vu son faible taux de ratification. De plus
il semblerait même qu'elles soient en passe d'être bientôt
remplacées par une nouvelle convention internationale. Il se peut
très bien qu'elle cède la place au texte final qui aboutirait du
projet de la CNUDCI par exemple.
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