§3: Le problème des protestations au moment de
la livraison
A : Le « laissé-pour-compte » et les
réserves à la livraison.
Lorsque la marchandise ne correspond pas aux marques des colis
chargés, ou a été tellement endommagée ou encore
est arrivé tellement en retard, le destinataire peut laisser pour compte
la marchandise s'il estime ne plus en avoir l'utilisation normale.
De même, la décongélation d'une partie
importante de la cargaison ouvre droit au destinataire de refuser l'ensemble du
chargement5. Cependant ce refus de prendre livraison de la
marchandise par le destinataire, ne rend pas le transporteur
propriétaire de la marchandise. Celui-ci commet donc une faute lourde en
vendant à vil prix cette marchandise qui ne lui appartient pas sans
l'avis préalable de quiconque6.
Le destinataire désirant conserver ses recours contre
le transporteur et ainsi faire échec à la présomption de
livraison conforme, doit faire toutes diligences si la qualité et/ou la
quantité de le marchandise qu'il a reçu, ne correspond pas aux
mentions du connaissement. Les réserves doivent être suffisamment
précises et motivées. En outre, elles doivent indiquer la nature
et l'importance des avaries car des réserves trop vagues ne pourront pas
être opposées au transporteur.
1 CA Paris 22 nov. 96
2 Com 29 janv. 1991, DMF 1991, p.354.
3 Com 4 janv 2000, BTL 2000, p. 132.
4 Lamy Transport 2004 1978 jur. 9
5 CA Aix-en-Provence 19 mars 1985.
6 Com 8 oct. 1996, Bull. civ. IV, n°228, p.
199.
Nous ne nous attarderons pas sur le problème des
réserves régulières vu qu'elles n'ont pas grand-chose
à voir avec l'absence de faute du transporteur maritime de
marchandises.
A l'inverse, les réserves irrégulières,
tardives ou inexistantes, entraînent une présomption de livraison
conforme au profit du transporteur. Celui-ci se retrouve d'ès lors dans
une situation où l'on ne peut plus, a priori, lui reprocher de faute. Le
réceptionnaire devra alors prouver que les dommages existaient au moment
de la livraison et qu'ils sont survenus au cours du transport maritime. Cette
preuve peut être fournie par tous moyens, voire par des
présomptions suffisamment graves, précises et concordantes.
Rappelons cependant que l'absence de réserves
n'entraîne pas de fin de non recevoir et ne rend pas irrecevable l'action
contre le transporteur1. Il a également été
jugé que l'absence de réserves à la réception d'un
conteneur frigorifique, n'empêche pas le réceptionnaire
d'établir la faute du transporteur pour les avaries par
décongélation constatées aux moyens du relevé des
températures2. Cependant, le défaut de réponse
à une réclamation adressée au transporteur ne peut pas
valoir reconnaissance d'avaries au cours du transport3.
Il convient toutefois de noter que l'inscription, par le
réceptionnaire, de la mention « reçu la marchandise »
sur le connaissement avant la réception effective, constitue une
décharge qui ne prive en rien le réceptionnaire de formuler des
réserves sur l'état d'avaries ou de manquants constatés au
moment de l'appréhension matérielle de la
marchandise4. Dans une telle situation le transporteur ne pourra pas
se prévaloir de cette mention comme preuve d'une livraison conforme. Sa
faute pourra tout de même être recherchée et
démontrée.
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