· Section 2: La livraison en bon état.
Avant de déterminer quelles sont les règles et
précautions à respecter dans l'attente et au moment de la
livraison (§2), nous devons commencer par définir cette notion
(§1). Par la suite, nous nous intéresserons au problème des
protestations (§3).
§1 : Définition de la livraison
La livraison, marquant la fin juridique du contrat de
transport, entraîne le transfert des risques au destinataire, aux
entreprises de manutention ou aux transitaires. Il est, d'ès lors,
important pour le transporteur de bien appréhender cette notion pour
savoir à quel moment elle sera effective afin de pouvoir correctement
remplir ses obligations et ainsi demeurer dans une situation d'absence de
faute. La date de la livraison est également importante en ce qu'elle
marque le début du délai imparti aux réceptionnaires pour
relever les pertes ou avaries constatées. Si aucune réserve n'a
été émise dans ce délai, la livraison sera
présumée conforme.
Selon Rodière la livraison est « l'acte
juridique par lequel le transporteur accomplit son obligation
fondamentale en remettant au destinataire, qui l'accepte, la marchandise qu'il
a déplacée à cette intention »2.
Cependant, la CA d'Aix-en-Provence consacrera la conception
matérielle, au détriment de la conception juridique, par une
décision du 24 janv. 1992 en considérant que « les
opérations juridiques assortissant la livraison ont pour finalité
d'assurer le transfert de la détention de la marchandise dont
elles sont indissociables. Il ne peut donc y avoir livraison sans transmission
de la détention matérielle »3.
La Cour de cassation fera de même par un arrêt de
principe du 17 nov. 1992 et par un arrêt du 19 mars 1996, la chambre
commerciale viendra préciser que la possibilité
d'appréhension matérielle de la marchandise dépend de
la délivrance du bulletin de livraison4.
1 CA Lyon 31 oct. 80
2 Rodière, Traité de droit maritime, t
II, n°545.
3 CA Aix-en-Provence 24 janv. 1992, DMF 1992, p.
203.
4 Publie au BTL 1996, p. 289.
Il a également été jugé que ne
constituait pas une livraison « la seule mise en place de la marchandise
dans une zone sous douane »1. Auquel cas la livraison sera
réputée avoir eu lieu au jour où le destinataire aura pu
appréhender matériellement les marchandises. Seule sera prise en
compte la livraison effective. La CA de Paris va plus loin en exigeant que
cette livraison soit appropriée2.
§2: Les règles et précautions à
respecter dans l'attente et au moment de la livraison
Nous avons vu que le transporteur reste garant de la
marchandise jusqu'à la livraison effective de celle-ci au destinataire.
C'est ainsi que le transporteur devra prendre toutes les mesures et
précautions nécessaires pour conserver la marchandise dans
l'état où il l'à reçu dans l'attente de la
livraison au destinataire.
Par exemple, le transporteur ne doit pas laisser en
stationnement à quai, au jour de son débarquement, un conteneur
frigorifique chargé de viande fraîche sous vide sans branchement
dans l'attente de la livraison au destinataire3. Il doit conserver
la marchandise en bon état jusqu'au jour de la livraison. A cet
égard, il convient de noter que le retard du destinataire ne peut avoir
d'autre sanction que l'éventuelle facturation d'une durée
excessive de dépôt4
Il faut par ailleurs préciser que la clause de
livraison sous-palan (destinée à avancer le plus possible le
moment de la livraison) ne dispense pas le transporteur des soins à
apporter à la marchandise lors du déchargement ni d'aviser le
réceptionnaire une fois la marchandise débarquée sur le
quai.
Notons toutefois que la clause de livraison sous-palan n'a pas
été jugée valable dans le cadre d'un transport LCL/LCL,
car dans cette hypothèse la responsabilité du transporteur ne
cesse qu'au dépotage du conteneur.
De plus, dans le cadre d'un transport de bout en bout, la
clause de livraison sous-palan ne doit pas être jugée
valable5. En effet le transporteur demeure responsable de la
marchandise jusqu'à ce quelle soit livrée au domicile du
destinataire.
Cependant, la remise de la marchandise à un
établissement portuaire monopolistique fait cesser la
responsabilité du transporteur. Toutefois, celui-ci doit bien veiller
à démontrer le caractère monopolistique de
l'établissement afin de ne pas rester responsable des dommages
constatés à la livraison.
1 Com 13 nov 2002, BTL 2002, p. 772.
2 CA Paris 24 mai 1989, DMF 1991, p. 166.
3 CA Aix 1 oct. 87
4 Lamy Transport 2004, n° 576..
5 CA Versailles 25 mai 2000.
Au moment de la livraison cette fois, il a été
jugé que le transporteur pouvait se prévaloir de son absence de
faute lorsqu'il a livré des marchandises contre une photocopie du
connaissement : le titre produit présentait toutes les apparences de
l'authenticité rendant la falsification quasiment
indécelable1. Par contre, la livraison de la marchandise par
le transporteur à un destinataire qui ne restitue pas le connaissement
à ordre ou au porteur constitue une faute ouvrant droit à
réparation2. Les juges peuvent même retenir la faute
inexcusable du transporteur s'il remet la marchandise à un tiers non
ayant droit3
Cette obligation de veiller sur la marchandise est tellement
renforcée que même en matière de livraison d'un conteneur
plombé, l'intégrité des plombs ne peut, à elle
seule, suffire à démontrer que l'expédition est au complet
et à dégager la responsabilité du transporteur. Elle ne
constitue pas une garantie absolue d'inviolabilité du conteneur
4
En ce qui concerne la preuve de la livraison, c'est au
transporteur qu'il incombe d'établir par tous moyens que la livraison a
bien été effectuée. Cette preuve de la
réalité de la livraison peut être rapportée par la
remise d'un original du connaissement, mais aussi par le bon de livraison, ou
encore par des lettres de réserves non contestées.
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