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L'absence de faute du transporteur maritime de marchandises

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par Didier PICON
Université Paul Cézanne - Aix-Marseilles III - Master Droit des Affaires  2004
  

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· Section 2 : Le problème des vices cachés du navire

Le transporteur ne répond des vices du navire que dans la mesure où un examen sérieux, vigilant et minutieux n'a pas permis de déceler leur existence.

Rodière mettait déjà en lumière que la raison d'être de l'exonération pour vice caché se trouvait dans la complexité des bâtiments modernes1.

Pour ne pas exonérer trop facilement le transporteur, le vice caché doit échapper à -- une diligence raisonnable (Art 4§- 2 p de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924) ou --à un examen vigilant (Art 27 h de la loi française du 18 juin1966).

On ne peut pas non plus exiger une diligence absolue de la part du transporteur, ce serait trop sévère comme mesure. C'est pourquoi la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 parle de diligence raisonnable

Le professionnel averti doit procéder à certaines vérifications obligatoires et ce n'est que si ces vérifications ne révèlent pas l'existence du vice que celui-ci revêtira un caractère caché. Rappelons toutefois que le caractère caché du vice est une question de fait qui s'apprécie à la lumière des particularités de chaque espèce.

1 R.Rodière, Traité Général de Droit Maritime, t II, n* 648.p. 285

En d'autres mots, le transporteur doit établir l'impossibilité de découvrir le vice malgré un examen attentif (effectué avec soin et continuité) et la causalité entre les difficultés techniques imputables au vice caché et les dommages causés à la marchandise1 s'il espère s'exonérer de sa responsabilité. Son obligation de diligence est `fondamentalement capitale'.

Le Professeur Bonassies avance énergiquement, pour sa part, que « L'obligation de diligence est personnelle et on ne saurait la déléguer au chantier naval >>2. C'est ainsi que pour les vices cachés également, le transporteur demeure responsable du travail effectué par les mandataires à qui il a confié l'exécution de son obligation personnelle.

La diligence du transporteur doit pouvoir être mis en rapport avec la cause du dommage. Le défaut de diligence doit être à l'origine de la cause directe du dommage. C'est ainsi que le sombrement soudain du navire ayant heurté un obstacle inconnu, ne pourra pas être attribué à un vice caché du navire3.

Ici aussi, tout comme en matière d'innavigabilité du navire, l'absence de faute s'apprécie a priori. C'est ainsi qu' « étant donné la cause du dommage, il convient de se demander si le transporteur ou son représentant a bien rempli ses obligations. Si c'est le cas et que, malgré tout, il n'a pu découvrir le vice qui affectait le navire, le transporteur doit être exonéré. Si ce n'est pas le cas, le doute demeure : il aurait pu découvrir le vice. Par conséquent sa responsabilité doit être maintenue >>4.

La question qui découle logiquement de cette affirmation est de savoir, à quel moment pourra-t-on considérer que le transporteur a fait tout ce qu'il devait faire pour découvrir le vice ? Une appréciation subjective rentre nécessairement en jeu.

Les juges recherchent si l'existence du vice était, objectivement comme subjectivement, évidente. Concernant l'évidence objective du vice, les juges recherchent si le vice était décelable par n'importe qui, même par une personne peu avertie. Il s'agit en définitive de vices tellement importants et/ou accessibles qu'ils n'auraient pas pu échapper à un examen attentif et minutieux.

Par contre en ce qui concerne l'évidence subjective, il convient de rechercher si malgré le fait que le transporteur était au courant de l'existence ou de l'éventualité du vice, il n'a rien fait pour neutraliser le vice ou pour prévenir ses effets néfastes. En d'autres mots, la preuve du manque de diligence du transporteur sera établie à chaque fois que son attention est attirée sur l'existence d'un vice ou d'un risque de vice et que malgré tout, il ne cherche pas à le déceler ni à le neutraliser.

1 Versailles 8 mars 2001

2 Professeur Bonassies, DMF 1963, p. 247.

3 Com 27 juin 1995, DMF 1996, p. 302.

4 Seriaux A. : La faute du transporteur, 2eme édit., 1998, n ° 87.

Dans ces deux cas l'existence du vice sera considérée comme étant évidente et la responsabilité du transporteur sera, à coup sûr, retenue.

La jurisprudence ne devrait pas retenir la responsabilité du transporteur en raison de la survenance même du disfonctionnement et en déduire que le transporteur n'a pas fait tout ce qu'il fallait pour déceler et réparer le vice. Ceci reviendrait à adopter une appréciation a posteriori de l'absence de faute et l'on ne pourra d'es lors plus se contenter de la notion de diligence raisonnable. Il faudrait, d'es lors, comme le souligne le Professeur Bonassies, rapporter la preuve d'une « diligence requise ».

Signalons que les juges sont très réticents à admettre l'ignorance du vice car ils exigent du transporteur, pour qu'il soit en situation d'absence de faute, qu'il ait procédé à un examen vigilant, attentif et minutieux surtout concernant les points essentiels et névralgiques du navire.

De plus, lorsqu'il est établi que, au cours d'une inspection du bâtiment, des circonstances précises auraient dû attirer l'attention du transporteur, celui-ci ne pourra pas invoquer son absence de faute et ne pourra, d'es lors, pas s'exonérer de sa responsabilité.

La jurisprudence exige du transporteur deux séries d'obligations. En premier lieu, il doit assurer un contrôle général et permanent sur l'aptitude de son navire à remplir sa fonction nautique. Il devra pour cela déceler immédiatement les vices importants ou aisément accessibles et prévoir et neutraliser les vices éventuels. Ensuite il devra assurer un contrôle renforcé sur les points névralgiques lors des essais de son navire récemment construit ou à peine répare et à plus forte raison sur son navire déjà très ancien.

Notons toutefois, à titre indicatif, qu'en matière d'action en garantie pour vice caché de l'art 1648 du code civil, l'ordonnance du 17 fév. 2005 substitue au bref délai traditionnel un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice pour intenter une action rédhibitoire1.

Ce n'est qu'après avoir rempli son obligation de s'assurer du bon état de navigabilité de son navire que le transporteur pourra se lancer dans la passation des différents types de contrats de transport maritime de marchandises.

De cette variété de contrats découle toute une palette d'obligations incompressibles qui s'accompagnent d'une série d'obligations facultatives dont la géométrie varie en fonction des prestations que le transporteur se propose d'effectuer. C'est ainsi que, dans certains cas, le transporteur sera emmené à réaliser lui même l'empotage du conteneur et/ou procéder à un pré-acheminement de la marchandise jusqu'au quai.

1 DMF avril 2001, p. 291, n. Bonassies

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand