· Section 2 : Le problème des vices
cachés du navire
Le transporteur ne répond des vices du navire que dans la
mesure où un examen sérieux, vigilant et minutieux n'a pas permis
de déceler leur existence.
Rodière mettait déjà en lumière que
la raison d'être de l'exonération pour vice caché se
trouvait dans la complexité des bâtiments modernes1.
Pour ne pas exonérer trop facilement le transporteur,
le vice caché doit échapper à -- une diligence raisonnable
(Art 4§- 2 p de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924) ou
--à un examen vigilant (Art 27 h de la loi française du 18
juin1966).
On ne peut pas non plus exiger une diligence absolue de la
part du transporteur, ce serait trop sévère comme mesure. C'est
pourquoi la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 parle de diligence
raisonnable
Le professionnel averti doit procéder à
certaines vérifications obligatoires et ce n'est que si ces
vérifications ne révèlent pas l'existence du vice que
celui-ci revêtira un caractère caché. Rappelons toutefois
que le caractère caché du vice est une question de fait qui
s'apprécie à la lumière des particularités de
chaque espèce.
1 R.Rodière, Traité
Général de Droit Maritime, t II, n* 648.p. 285
En d'autres mots, le transporteur doit établir
l'impossibilité de découvrir le vice malgré un examen
attentif (effectué avec soin et continuité) et la
causalité entre les difficultés techniques imputables au vice
caché et les dommages causés à la marchandise1
s'il espère s'exonérer de sa responsabilité. Son
obligation de diligence est `fondamentalement capitale'.
Le Professeur Bonassies avance énergiquement, pour sa
part, que « L'obligation de diligence est personnelle et on ne saurait la
déléguer au chantier naval >>2. C'est ainsi que
pour les vices cachés également, le transporteur demeure
responsable du travail effectué par les mandataires à qui il a
confié l'exécution de son obligation personnelle.
La diligence du transporteur doit pouvoir être mis en
rapport avec la cause du dommage. Le défaut de diligence doit être
à l'origine de la cause directe du dommage. C'est ainsi que le
sombrement soudain du navire ayant heurté un obstacle inconnu, ne pourra
pas être attribué à un vice caché du
navire3.
Ici aussi, tout comme en matière
d'innavigabilité du navire, l'absence de faute s'apprécie a
priori. C'est ainsi qu' « étant donné la cause du
dommage, il convient de se demander si le transporteur ou son
représentant a bien rempli ses obligations. Si c'est le cas et que,
malgré tout, il n'a pu découvrir le vice qui affectait le navire,
le transporteur doit être exonéré. Si ce n'est pas le cas,
le doute demeure : il aurait pu découvrir le vice. Par conséquent
sa responsabilité doit être maintenue >>4.
La question qui découle logiquement de cette
affirmation est de savoir, à quel moment pourra-t-on considérer
que le transporteur a fait tout ce qu'il devait faire pour découvrir le
vice ? Une appréciation subjective rentre nécessairement en
jeu.
Les juges recherchent si l'existence du vice était,
objectivement comme subjectivement, évidente. Concernant
l'évidence objective du vice, les juges recherchent si le vice
était décelable par n'importe qui, même par une personne
peu avertie. Il s'agit en définitive de vices tellement importants et/ou
accessibles qu'ils n'auraient pas pu échapper à un examen
attentif et minutieux.
Par contre en ce qui concerne l'évidence subjective, il
convient de rechercher si malgré le fait que le transporteur
était au courant de l'existence ou de l'éventualité du
vice, il n'a rien fait pour neutraliser le vice ou pour prévenir ses
effets néfastes. En d'autres mots, la preuve du manque de diligence du
transporteur sera établie à chaque fois que son attention est
attirée sur l'existence d'un vice ou d'un risque de vice et que
malgré tout, il ne cherche pas à le déceler ni à le
neutraliser.
1 Versailles 8 mars 2001
2 Professeur Bonassies, DMF 1963, p. 247.
3 Com 27 juin 1995, DMF 1996, p. 302.
4 Seriaux A. : La faute du transporteur, 2eme édit., 1998,
n ° 87.
Dans ces deux cas l'existence du vice sera
considérée comme étant évidente et la
responsabilité du transporteur sera, à coup sûr,
retenue.
La jurisprudence ne devrait pas retenir la
responsabilité du transporteur en raison de la survenance même du
disfonctionnement et en déduire que le transporteur n'a pas fait tout ce
qu'il fallait pour déceler et réparer le vice. Ceci reviendrait
à adopter une appréciation a posteriori de l'absence de faute et
l'on ne pourra d'es lors plus se contenter de la notion de diligence
raisonnable. Il faudrait, d'es lors, comme le souligne le Professeur Bonassies,
rapporter la preuve d'une « diligence requise ».
Signalons que les juges sont très réticents
à admettre l'ignorance du vice car ils exigent du transporteur, pour
qu'il soit en situation d'absence de faute, qu'il ait procédé
à un examen vigilant, attentif et minutieux surtout concernant les
points essentiels et névralgiques du navire.
De plus, lorsqu'il est établi que, au cours d'une
inspection du bâtiment, des circonstances précises auraient
dû attirer l'attention du transporteur, celui-ci ne pourra pas invoquer
son absence de faute et ne pourra, d'es lors, pas s'exonérer de sa
responsabilité.
La jurisprudence exige du transporteur deux séries
d'obligations. En premier lieu, il doit assurer un contrôle
général et permanent sur l'aptitude de son navire à
remplir sa fonction nautique. Il devra pour cela déceler
immédiatement les vices importants ou aisément accessibles et
prévoir et neutraliser les vices éventuels. Ensuite il devra
assurer un contrôle renforcé sur les points névralgiques
lors des essais de son navire récemment construit ou à peine
répare et à plus forte raison sur son navire déjà
très ancien.
Notons toutefois, à titre indicatif, qu'en
matière d'action en garantie pour vice caché de l'art 1648 du
code civil, l'ordonnance du 17 fév. 2005 substitue au bref délai
traditionnel un délai de 2 ans à compter de la découverte
du vice pour intenter une action rédhibitoire1.
Ce n'est qu'après avoir rempli son obligation de
s'assurer du bon état de navigabilité de son navire que le
transporteur pourra se lancer dans la passation des différents types de
contrats de transport maritime de marchandises.
De cette variété de contrats découle
toute une palette d'obligations incompressibles qui s'accompagnent d'une
série d'obligations facultatives dont la géométrie varie
en fonction des prestations que le transporteur se propose d'effectuer. C'est
ainsi que, dans certains cas, le transporteur sera emmené à
réaliser lui même l'empotage du conteneur et/ou procéder
à un pré-acheminement de la marchandise jusqu'au quai.
1 DMF avril 2001, p. 291, n. Bonassies
|