§2 : L'absence de faute et le déroutement
raisonnable
La raison d'être de la recherche de l'absence de faute
du transporteur dans le cadre d'un déroutement, c'est de juger de
l'opportunité d'exonérer le transporteur de sa
responsabilité pour les pertes et dommages subis par la marchandise.
Il en découle que le déroutement doit avoir
été la cause directe des pertes et dommages subis par la
marchandise.
Il convient de préciser que le caractère
raisonnable d'un déroutement exonérant le transporteur n'exclut
pas qu'une faute de celui-ci puisse réintroduire sa
responsabilité pour ne pas avoir pris tous les soins raisonnables afin
d'assurer le rapatriement des marchandises au port initial de
destination2.
C'est ainsi que si l'ayant droit parvient à
démontrer que le transporteur n'a pas fourni tous les soins
nécessaires à la marchandise pendant le temps du
déroutement, le cas excepté sera refoulé et le
transporteur ne pourra pas s'exonérer de sa responsabilité.
Le transporteur commet une faute en décidant
d'effectuer un déroutement déraisonnable. C'est en outre le cas
du déroutement effectué dans l'intérêt exclusif du
transporteur. Ce déroutement ayant pour seul motif l'augmentation des
revenus du transporteur n'analyse en une faute lucrative et, par
conséquent, n'exonère pas le transporteur.
1 Cour Suprême des Etats-Unis 4 janvier 1927.
2 CA Paris 29 sept. 1995, DMF 1996, p. 905
Cependant ne peuvent invoquer le déroutement
déraisonnable les chargeurs à qui le transporteur n'a pas
expressément promis que le port désigné initialement
serait le dernier port de chargement, du moins, aussi longtemps qu'une clause
du connaissement lui permet de s'écarter de la route directe ou
habituelle. 1.
Enfin signalons que même si certaines clauses du
connaissement autorisent le transporteur à se dérouter librement
lors de survenance d'un événement expressément
envisagé par les parties, la liberté de dérouter ne
saurait être totale. Cela ne lui dispense en rien de son obligation
d'agir de manière raisonnable face à cet
événement.
L'art 27-i de la loi française du 18 juin 1966
élève au rang des cas exceptés uniquement le
déroutement effectué dans un souci de sauvegarder des vies et des
biens en mer.
· Section 2: L'assistance et la sauvegarde des
vies et des biens et l'institution des avaries communes.
Avant de traiter de l'institution des avaries communes (§2),
intéressons nous à l'assistance et la sauvegarde des vies et des
biens en mer (§1).
§ 1: L'assistance et la sauvegarde des vies et des
biens
<< Le statut de l'assistance aux navires et celui du
sauvetage des navires différaient profondément. L'assistant avait
droit à une rémunération (un droit de créance)
tandis que le sauveteur (...) avait droit en nature à une part du navire
sauvé (un droit réel) »2. Le sauvetage
s'appliquait aux seuls navires abandonnés : ceux n'ayant plus à
bord un seul membre de l'équipage vivant ou du moins étant en
<< présence de mourants, incapables de rien faire pour le salut du
bâtiment »3. Cette ancienne distinction fut
abandonnée par la convention de 1910.
Le Professeur Bonassies définit l'assistance maritime
comme << l'aide apportée à un navire en difficulté,
(elle devient même) une obligation impérieuse en cas de
péril des personnes. En effet, le capitaine a un devoir légal
d'assistance.
L'obligation d'assistance est affirmée par l'article 85
du Code pénal et disciplinaire de la marine marchande et prévue
au niveau international par les conventions SOLAS dont la dernière en
date, celle du 28 avril 1989 ratifiée par la France le 23 avril 2002.
.
1 USDC Southern District of NY 2 fév. 82
2 R.Rodière, Traité
général de Droit Maritime, t I, n°149.édition
1972.
3 CA Rouen, 2 déc. 1840, S.1841,2.38,
cité par Rodière
Il convient de préciser que l'assistance aux biens
n'est obligatoire qu'après un abordage1. Cette
précision a pour but d'éclairer les transporteurs à propos
des actes d'assistance qu'il peuvent effectuer sans risque de se voir reprocher
une quelconque faute. C'est ainsi que la tentation serait grande de voir dans
un acte d'assistance, la faute du transporteur pour avoir retardé
l'expédition en vue d'obtenir une indemnité proportionnelle aux
valeurs sauvées et aux risques encourus.
Le transporteur ne peut pas voir sa responsabilité
engagée pour avoir accomplis des actes d'assistance et de sauvegarde des
vies et des biens en mer (Convention de Bruxelles art 4 al2-1 + Loi
française du 18 juin1966 art27i). Encore faut-il que les condition de
l'acte d'assistance soient bien remplies: le navire assisté doit avoir
été menacé d'un péril de mer auquel il n'aurait pu
échapper qu'avec l'assistance volontairement accomplie par le sauveteur.
Enfin le sauvetage doit être réussi en tout ou
partie2.
Doctrine considère que les chargeurs ayant subi un
dommage suite à l'assistance peuvent exercer une action en
enrichissement sans cause contre l'armateur qui aurait touché une
indemnité d'assistance.
Notons que le déroutement inopiné aux fins de
sauvetage, contrairement au déroutement pour des raisons commerciales,
constitue un cas exonératoire de responsabilité pour le
transporteur, même en l'absence de clause spéciale dans le
connaissement.
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